L’enfer du trafic d’organes raconté dans Bik N3ich, de Mehdi Barsaoui

10-02-2020

Le film « Un fils » (Bik N3ich) de Mehdi Barsaoui s’ouvre sur une scène  d’attaque terroriste dont la cible est un couple tunisien et leur jeune garçon, qui étaient en train de faire une virée dans le Sud Tunisien. Les parents sont sortis indemnes des tirs, alors que le petit enfant a été grièvement blessé au foie.

Les événements se déroulent en 2011, dans le contexte de la révolution tunisienne du 14 janvier.

 A travers son œuvre, Barsaoui a soulevé plusieurs questions, comme le sens de la famille, les sentiments de la maternité et de la paternité.

Est- ce qu’il suffit d’être parent biologique pour remplir son rôle de mère ou de père ? Ou bien, un parent c’est celui qui donne un amour inconditionnel, de la patience et de la tendresse, qui accompagne, fait des sacrifices, et est aussi prêt à conclure un pacte avec le diable pour garder son enfant en vie…

« Un fils » s’est penché aussi sur des réflexions plus philosophiques comme le tiraillement éternel de l’Homme entre le bien et le mal. Il s’agit aussi de causes humaines comme les questions de l’égalité entre les sexes, la société patriarcale, la traite des migrants en Libye et le trafic d’organe.

En effet, le réalisateur a exposé les dessous de ce business sinistre. Il a construit son scénario autour de ce fléau. Il nous a rappelé les images choquantes filmées dans le reportage de la journaliste soudanaise au CNN, Nima Elbagir. Il s’agit d’une vidéo dans laquelle apparaissent des migrants en Libye, venus de l’Afrique subsaharienne qui se vendent comme du bétail, dans des ventes aux enchères.

Dans son film « Un fils », Barsaoui nous a fait revivre le circuit par lequel passent ces clandestins en détresse, une fois rachetés par des bandes de criminels se trouvant en Libye. Il a dévoilé que les adultes comme les enfants, subissent des prélèvements d’organe sans leur consentement, dans des cliniques privées…Séquestrés de force, les organes se vendent avec des prix abusifs, pour des clients plutôt aisés, qui souhaitent sauver en urgence leurs proches de la mort…

Filmé à la manière d’un cauchemar interminable, Barsaoui a braqué ses protagonistes, « Fares » joué par l’acteur franco-tunisien Sami Bouaajila et « Meriem » jouée par Najla Ben Abdallah, avec des gros plans successifs, qui laissent ressentir leur désarroi, face à la souffrance de leur enfant en soin intensifs dans un hôpital à Tatouine.

Le gosse ayant le foie détruit après qu’il a reçu une balle, il doit en urgence se faire greffer un nouvel organe. Son père va-t-il céder, et vendre son âme au diable, pour redonner la vie à son fils ? Tel est le grand dilemme qui va se poser pour les parents…

Après avoir contribué en tant qu’assistant réalisateur dans les deux films de Kaouther Ben Henia « Challat de Tunis » (2014) ou encore « La belle et la meute » (2017), et en tant que monteur dans « C’était mieux demain » (2012), de Hend Boujemaa le cinéaste Mehdi Barsaoui a réalisé son premier long métrage « Un fils » (Bik n3ich) en 2019.

Cette œuvre n’a pas laissé indifférent le jury des JCC, qui l’a récompensé avec le prix de Taher Cheriaa en 2019. « Un fils » a aussi gagné le prix du jury au Festival de Namur en Belgique et le prix du meilleur scénario au Hainan Island International film, en Chine. 

« Bik N3ich » a aussi obtenu trois prix du jury  au Cairo International Film Festival : le prix spécial du Jury, le prix des nations unies et le prix du meilleur film arabe.

Par ailleurs, grâce à « Bik N3ich », Sami Bouaajila a gagné le prix du meilleur acteur Orizzonti à la Mostra de Venise.

Emna Bhira