La Tunisie a tous les atouts pour devenir leader dans l’huile biologique (expert)

31-01-2023

La Tunisie compte 100 millions de pieds d’oliviers, 40% des exploitations agricoles concerne la culture de l’olivier, soit 1,9 millions d’hectares et 40% des agriculteurs sont des oléiculteurs. Des chiffres qui en disent long sur l’importance du secteur de l’olivier et surtout de l’huile d’olive pour l’économie nationale.

Mais cette année, les autorités prévoient une baisse de la production d’huile d’olive de 15% en raison notamment des changements climatiques sui ont provoqué une sécheresse importante, retardant le moment de la récolte et la productivité des arbres.

Pour en savoir plus sur ce secteur, Gnetnews s’est entretenu avec, Faouzi Zayani, expert en politiques agricoles et président de l’association « Tunisie Olivier ».

Les raisons de la baisse de la production

La Tunisie subit depuis deux ans, surtout, une baisse importante de la production d’huile d’olive en raison de la sécheresse. Pour la saison 2021/2022, les estimations prévoyaient une production d’environ 350 000 tonnes et finalement elle n’a été que de 200.000 tonnes.

« Cette année (2022/2023), les projections étaient de 220 000 tonnes, mais je ne suis pas sur que l’on puisse dépasser les 160 000 tonnes. La sécheresse est la principale cause de cette situation, mais il y aussi l’absence de l’Etat qui n’a pas su déployer les outils nécessaires pour lutter contre cette sécheresse », nous confie Faouzi Zayani. 

A cet égard, ce dernier évoque le refus du ministère de l’agriculture au recours à l’irrigation dite complémentaire par le biais de l’Office national de l’huile. Il s’agit d’une subvention versée aux oléiculteurs pour irriguer les pieds d’oliviers. Seules trois régions ont pu cette saison bénéficier de ce mécanisme, Tatouine, Médenine et Gabès, en raison d’un déficit hydrique. « Si nous avions fait l’irrigation complémentaire dans toutes les régions, nous aurions eu une production bien plus importante », affirme Zayani.

Aujourd’hui en Tunisie, le litre d’huile d’olive est vendu entre 12 et 15 dinars.

Faouzi Zayani

Développer l’export à travers l’huile d’olive conditionnée

La Tunisie exporte chaque année seulement 10% huile d’olive dite conditionnée. Pour Faouzi Zayani il s’agit d’une menace car aujourd’hui le plus gros marché au sein de ce secteur concerne l’huile d’olive conditionnée, c’est à dire en bouteille. Mais en Tunisie, l’huile est vendue à l’export pour l’essentiel en vrac, pour être sur place mise en bouteille et vendue trois fois plus chère.

« Si on développe l’huile d’olive conditionnée, on peut espérer une rentrée de devises allant de 8 à 9 milliards de dinars », souligne-t-il.

A noter que la moyenne de la production est de 210 000 tonnes. Dans le meilleurs des cas, les Tunisiens en consomment 40.000 tonnes (quand les prix sont abordables). Donc tout le reste est destiné à l’export dont 90% est vendu en vrac.

La production mondiale, en baisse, est estimée à 2,6 millions de tonnes et la consommation mondiale est quant à elle établie à 3,3 millions de tonnes. Un écart qui explique la hausse des prix et la demande sur l’huile d’olive tunisienne. Les données commerciales du Conseil oléicole international indiquent que la Tunisie a exporté en moyenne 218 000 tonnes d’huile d’olive par an au cours des cinq dernières années, la plaçant parmi les plus grands exportateurs mondiaux.

« Notre huile est de bonne qualité car la majorité des exploitations sont naturelles, mais pas toutes certifiées biologiques, alors qu’en réalité elles pourraient être toutes certifiées bio. Pour cela, il faut que l’Etat s’engage en donnant des avantages et des subventions aux oléiculteurs. La Tunisie pourraient, grâce à une politique agricole en faveur de l’oléiculture, devenir un leader mondial dans l’huile d’olive biologique pour des décennies », ajoute Zayani.

Les variétés étrangères menacent les oliviers 100% tunisiens

Si la Tunisie dispose d’une centaine de variétés locales, qui constituent la majorité des plants, les variétés étrangères se multiplient de plus en plus d’année en année. « Ce phénomène s’est amplifié ces dernières années car on a développé l’idée que ces plants étrangers sont plus productifs, mais nous avons oublié qu’elles nécessitent une irrigation, alors que tout le monde sait que la Tunisie est confronté à un sérieux risque de pénurie de ressources en eau », nous dit le président de l’association « Tunisie Olivier ».

L’expert rappelle également que les variétés tunisiennes sont certes un peu moins productives, à condition de bien les travailler, mais elles résistent mieux aux maladies, à la sécheresse et vivent plus longtemps. « Puisque ces variétés étrangères sont irriguées, elles nécessiteront en plus d’être traitées chimiquement. Et comme elles concernent une agriculture intensive et hyper-intensive, elle devront être arrachées et remplacées au bout d’une quinzaine d’années seulement ». A noter que les variétés locales peuvent vivre entre 80 et 120 ans.

Oliveraie biologique dans le gouvernorat de Béja

A cet égard, Faouzi Zayeni déplore le manque de moyens donnés à la recherche scientifique afin de développer les variétés locales. La Tunisie dispose encore de beaucoup de parcelles agricoles qui pourraient être dédiées à l’huile d’olive, lui permettant ainsi, de développer encore plus ce secteur hautement important pour l’économie nationale et la croissance.

A cette question, Faouzi Zayani, rappelle qu’avant de planter il faut d’abord rajeunir l’existant. « Nous avons beaucoup d’oliviers vieillissants notamment dans le centre et le sud du pays ».

L’expert s’appuie notamment sur des études réalisées ces dernières années, qui affirment que, par exemple, 1,5 millions d’arbres doivent être remplacés dans l’oliveraie du gouvernorat de Sfax, sur les 8 millions dont elle dispose. C’est également le cas pour Gabès, Médenine, Gafsa, le Sahel.

Wissal Ayadi