La Tunisie s’enlise dans la crise, la solution ne viendra pas de Davos, de Washington ou de Bruxelles…

23-01-2023

La Tunisie s’enlise dans une crise multiforme. Des officiels tunisiens se déplacent d’un forum international et à l’autre pour prospecter des possibilités d’aide, et éviter que la situation économico-financière ne se complique davantage. Les résultats de leur action restent peu mesurables, voire inconnus, et les communiqués officiels qui pullulent sur ces visites ne donnent rien de concret, sur la manière dont le pays va pallier à sa disette financière et écourter cette période de vaches maigres. Désarmées et impuissantes, les autorités se murent dans le silence et préfèrent ne pas trop communiquer, à part une parole présidentielle qui cherche à rassurer…

Le président de la république, Kaïs Saïed, a reçu en fin de semaine la délégation tunisienne conduite par la cheffe du gouvernement, Najla Bouden, à son retour de la  ville helvétique Davos, où s’était tenu le prestigieux forum éponyme, lieu de convergence des personnalités de premier plan du monde politique, de la sphère économique et financière internationale…

La réunion a porté sur « les résultats de la participation tunisienne au forum économique mondial, et les rencontres intensives ayant eu lieu, entre les membres de la délégation tunisienne, et un nombre non négligeable de responsables étrangers, ayant réalisé de nombreux résultats positifs, dont la clarification de la situation économique et financière en Tunisie », (dixit, communiqué de la présidence).

Il est vrai que pendant les trois jours de leur présence, à ce rendez-vous de lobbying international par excellence, les Tunisiens ont enchainé les rencontres au plus haut niveau et ont assisté à des cercles de débat, ayant analysé l’état du monde d’aujourd’hui, face aux défis incommensurables qui le guettent, dont la pandémie du Coronavirus et la guerre russe en Ukraine, n’ont fait qu’accentuer les complexités. On n’en sait pas plus sur la teneur de ces discussions, à part le langage policé et convenant de la communication officiels.

Comprendre le monde d’aujourd’hui 

Ce 21ème siècle, qui a entamé sa troisième décennie, est un accélérateur de changements. Étrangement et signe des temps, qui n’ont pas de semblables dans l’histoire, les différents pays sont confrontés, aux mêmes difficultés ; inflation, précarité, chômage, paupérisation, crise de confiance entre les peuples et leurs dirigeants, angoisse face à des lendemains incertains, colère populaire inconsolable…

Les trois défis majeurs par lesquels la boîte de Pandores a été ouverte, et le pire est en train de succéder au mal s’appellent : changements climatiques, crise alimentaire et crise énergétique. Ces trois écueils sont en train d’assombrir l’horizon de la planète, d’en préoccuper les dirigeants, tout autant que les cercles de décision  là où ils se trouvent, de dessiner un nouvel ordre mondial en totale rupture avec ce qu’on a déjà connu, dont les contours ne sont pas encore clairs et précis.

Une nouvelle donne qui ne laisse pas le choix aux uns et aux autres de changer et de s’adapter, sous peine de se voir écrabouiller par son rouleau compresseur. Effectivement, ici et là, on est en train de réfléchir à la manière d’apporter les bonnes réponses à ces problématiques nouvelles, et redoutables.

Les rendez-vous internationaux, ne sont qu’une occasion supplémentaire de concertation, de réflexion et de proposition de pistes de solutions et de scenarii d’un nouveau modèle de développement, dont les piliers ne sont plus une terre nourricière, un sol aux ressources intarissables, et une milieu naturel sain etc. Loin s’en faut, le modèle en devenir devra, en effet,  se concevoir pour contrer et minimiser les conséquences d’un monde à haut risque, entendez par-là, des phénomènes météorologiques extrêmes, des énergies fossiles qui s’épuisent, une agriculture mondiale qui ne parvient plus à nourrir toutes les bouches, des pandémies qui grondent…Ce sont des menaces conte la sécurité de l’humain dans son acception la plus large, voire contre la vie auxquelles, on fait face.

C’est dans ce contexte très particulier et inédit, que les rapports entre pays, dans un cadre bilatéral ou multilatéral, entre groupements, avec les organisations internationales et les bailleurs de fonds, sont placés, repensés et refondés.

Rien ne pourrait se faire sans une compréhension profonde et juste du réel, pour pouvoir penser et concevoir les solutions pertinentes et pragmatiques à lui apporter.

Le Compter sur soi d’abord !

La détresse est générale et la souffrance est mondiale. Aucun pays ne daignera venir en aide à l’autre, et encore moins une organisation, s’ils  ne perçoivent pas chez le demandeur de cette assistance, une réelle vision, une véritable capacité à sortir de l’ornière, tout d’abord à travers un diagnostic véridique, et chiffré de la situation procédant d’une approche scientifique, ensuite des réponses opportunes, réalisables, et fiables aux difficultés posées, et enfin un compter sur soi, et des fonds propres qui auront permis de s’attaquer aux problèmes et d’avoir un début de concrétisation et de résultats.

Tout cela pour dire que la solution pour nous ne viendra ni de Davos, ni de Washington, et encore moins de New-York, ou de Bruxelles… mais tout simplement de l’intérieur de la Tunisie.

Peut-être sans que l’on se rende compte, on est en train de donner au reste du monde, l’image d’un pays qui ne sait pas qu’est-ce qu’il veut, qui manque de clarté au niveau des idées, et des programmes, qui est passé maitre dans le double-discours. Ces débats hors sujets, cette discordance, même  au plus sommet de l’Etat, ces affrontements à n’en plus finir entre les autorités, les corps intermédiaires (partis, organisations)…, donnent de de nous l’image d’un pays désuni et d’un tissu national effrité…et qui plus est vit, en total déphasage avec les enjeux et les défis du monde d’aujourd’hui.

Aucun pays ne pourrait se construire dans la conflictualité, dans ce climat de tension permanente qui nous fait oublier l’essentiel pour se focaliser sur le subalterne, qui relègue les questions de fond au second plan, pour se concentrer sur des problèmes idéologiques, droits-de-l’hommistes, claniques et partisans étriqués. Même la lutte pour la conquête du pouvoir, si lutte il y avait,  ne devrait pas se faire sur ces thématiques d’un  autre temps et d’un autre âge.

Les organisations internationales ont exigé une condition sine qua non pour approuver un plan d’aide pour la Tunisie, soit un programme de réformes consensuel et approuvé par tous, ce qui est loin d’être le cas. Aides-toi, le ciel t’aidera, auront-elles tendance à nous rappeler.

La solution ne viendra pas du peuple, mais des dirigeants qu’il a mandatés pour répondre à ses attentes, améliorer ses conditions de vie, et apaiser ses inquiétudes…il n’en est rien, hélas. Les Tunisiens sont confrontés à un quotidien difficile, sombrent, chaque jour un peu plus dans le désabusement, et la désaffection dans un contexte anxiogène, en quête désespérément d’une lueur d’espoir à laquelle, ils peuvent s’accrocher.

Et on n’est pas prêt à percevoir le bout de tunnel, sans nous réconcilier avec nous-mêmes, mettre de l’ordre dans la maison interne, faire prévaloir l’esprit de compromis, et l’unité nationale aux querelles qui n’en finissent pas, et prendre conscience de nos vrais problèmes qui mettent en péril l’Etat et sa pérennité…Ce n’est pas un choix, mais c’est un devoir dicté par l’urgence du moment. L’égo, l’autoritarisme et l’exclusion ne nous mènent rien ; la Tunisie ne pourrait espérer se relever, sans s’attacher, fermement, à la corde le la cohésion, de l’union sacrée et de l’action collective.

H.J.