Le fonds du créateur tunisien, une lueur d’espoir pour un secteur en détresse
La pandémie de Covid-19 a eu des conséquences économiques importantes dans plusieurs secteurs. Mais il en est un qui a été touché plus que les autres…celui de la culture.
Musiciens, danseurs ou encore techniciens du spectacle… des professions qui ont connu de graves difficultés avec la fermeture des salles de spectacle, salles des fêtes, restaurants et l’arrêt de toute activité culturelle et ce pendant près de deux ans.
Subventions pour des spectacles
Tout au long de la crise sanitaire, les syndicats de ce secteur n’ont cessé de dénoncer leurs conditions de vie faute de travail… C’est le cas notamment du syndicat tunisien des professions musicales et professions apparentées.
Depuis le 4 août, leurs activités ont repris peu à peu. Ainsi, le syndicat a décidé de créer « La caisse du créateur tunisien ». Lors d’une conférence de presse organisée à Tunis le mardi 14 septembre, les personnalités formant le bureau exécutif ont présenté le contenu de ce fonds destiné à venir en aide aux artistes.
« Cette caisse sera concentrée sur trois axes », explique le Secrétaire Général du syndicat, Maher Hammami.
D’abord, ce fonds prendra en charge les frais liés aux décès des artistes qui étaient dans des situations économiques difficiles, qui sont sans familles, où dont la famille ne peut subvenir aux frais médicaux et d’enterrement. « Il y a quelques jours, le syndicat est venu en aide à une célèbre ancienne danseuse qui est décédée dans l’indifférence la plus totale à l’hôpital de la Rabta et qui devait être enterrée indignement telle une SDF. Le syndicat a payé le frais d’hôpital et elle repose désormais au cimetière d’El Jallez », raconte Hammami.
Le deuxième volet concerne les artistes qui sont en prison à cause de faits survenus dans le cadre de leur travail. Il s’agit notamment de ceux qui ont des chèques impayés à cause de situations financières difficiles et dont les montants seront réglés dans la limite du raisonnable. « Beaucoup d’artistes se sont retrouvés derrière les barreaux pendant la pandémie de Covid-19 car ils n’ont pas honoré leurs créances », souligne le chef de file du syndicat.
Enfin, la caisse du créateur tunisien permettra d’allouer des subventions aux artistes ayant des projets de spectacle. Il s’agira pour le syndicat de prendre en charge l’organisation des représentations en garantissant une tournée de 18 spectacles à travers toute la Tunisie, la location des espaces, l’impression des billets, et permettre ainsi aux artistes detravailler et de mettre en valeur leurs œuvres sans attendre le soutien du ministère des Affaires culturelles, qui selon le syndicat, n’encourage pas assez les projets artistiques. « Si le ministère ne nous aide pas, alors c’est nous qui allons aider l’action culturelle en Tunisie », lance Sofiane Safta, membre du bureau exécutif.
Tous les artistes qu’ils disposent ou non d’une carte professionnelle, qu’ils soient adhérents ou non dudit syndicat… pourraient être les bénéficiaires de ce fonds. « Nous ne voulons aucune discrimination syndicale et nous appelons par la même occasion, toutes les autres centrales à nous rejoindre dans cette action », souligne le Secrétaire Général.
Le secteur de la culture qui compte environ 50.000 personnes, est depuis longtemps entaché par des querelles entre les 5 syndicats qui le représentent.
Ce fonds sera alimenté par des dons et également des sponsors. Le premier donateur a été l’artiste Karim Gharbi, alias K2 RHYME, a révélé le syndicat, sans pour autant donner le montant de ce don. « Il a souhaité rester discret sur la somme, mais je tiens à préciser que la transaction s’est faite en toute transparence », a affirmé Meher Hammami, suite aux interrogations de nombreux journalistes.
Statut de l’artiste
Aussi louables que soient ces actions, les acteurs du secteur culturel pâtissent encore de l’absence de statut légal. Hormis la carte professionnelle qui les reconnait en tant qu’artiste à part entière, aucun cadre de loi ne les régit.
Ainsi, après plusieurs années de réflexion autour de la question, la version révisée du projet de loi sur le “statut de l’artiste et les métiers artistiques” a été adoptée, le vendredi 16 juillet 2021, à la quasi-unanimité par les membres de la Commission des jeunes, des affaires culturelles, de l’éducation et de la recherche scientifique de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
Le but de ce projet de loi est de garantir la liberté du créateur, valoriser l’œuvre artistique, renforcer le rôle de l’artiste dans le développement et préserver les droits culturels, comme le prévoit la Constitution.
Ce projet a été élaboré par des artistes, créateurs, représentants d’associations et de structures professionnelles actives dans les différentes branches du secteur artistique, ainsi que des experts, chercheurs et représentants des directions et entreprises concernées par la question culturelle.
La Commission avait alors recommandé de hâter sa présentation devant les députés sous la coupole du Bardo en vue de son adoption finale en séance plénière et ce avant la fin de la session parlementaire. Depuis, les mesures exceptionnelles prises par Kaïs Saïed gelant les activités du parlement, ont coupé court à ce processus tant attendu.
Wissal Ayadi