Le photovoltaïque en Tunisie : Un potentiel inexploité à cause des lourdeurs administratives

23-06-2021

S’engager dans le développement des énergies renouvelables apparaît comme inévitable à l’avenir et ce pour les États du monde entier.

La Tunisie, malgré un retard par rapport à d’autres pays voisins, a commencé à s’engager dans une démarche d’économie verte. Parmi ces énergies renouvelables, il y a l’énergie solaire et le secteur du photovoltaïque.

Plusieurs entreprises ont décidé d’investir dans cette source d’énergie inépuisable qui est le soleil. Pourtant, elles font face aujourd’hui, à de nombreux problèmes, notamment d’ordre administratif.

C’est le cas d’Africa Solar, un des leaders du marché tunisien. La société a décidé de réunir les acteurs économiques du photovoltaïque et l’administration afin de comprendre et de résoudre ces blocages.

Créer un climat de confiance entre l’administration et les investisseurs

Rapprocher les investisseurs de l’administration tunisienne. Tel était le but du séminaire organisé ce mardi 23 juin à Tunis, à l’initiative de l’entreprise Africa Solar.

Ainsi, Kaddour Essersi, Directeur d’exploitation ces Africa Solar explique que le développement des énergies renouvelables sur les réseaux de moyenne tension est une réelle opportunité pour la Tunisie pour s’engager dans une transition énergétique efficace. « Le réseau moyenne tension concerne notamment les entreprises et les bâtiments administratifs. Investir dans le photovoltaïque pourrait leur permettre de faire baisser leur facture STEG et donc d’être plus compétitifs », nous dit-il.

Kaddour Essersi / Directeur d’exploitation Africa Solar

Malgré la mise en place d’un programme par le ministère de l’Energie sur les énergies renouvelables, le taux de réalisation reste encore faible, déplore M. Essersi. « Moins de 200 installations en réseau moyenne tension ont été faites avec une capacité de 38 MW ce qui est très peu », indique le directeur d’exploitation d’Africa Solar.

Cette situation est due au manque de clarté quant à la possibilité d’investir dans le photovoltaïque en Tunisie. Ainsi, d’après Kaddour Essersi, cette conférence a pour but de connecter l’administration, à savoir la STEG, l’ANME et le ministère avec les entreprises et clients désireux de développer l’énergie solaire en Tunisie. « C’est un partenariat Gagnant-gagant ».

Lourdeurs administratives

Ali Kanzari est le Président de la chambre syndicale  des professionnels du secteur du photovoltaïque relevant de l’UTICA. D’après lui, ce domaine fait face à de nombreuses difficultés qui freinent son expansion.

Dans un premier temps il fait référence aux lourdeurs administratives auxquelles doivent se heurter les investisseurs. La production d’énergie photovoltaïque requiert un nombre incalculable d’autorisations à la fois émanant du ministère et de la STEG. « Il y a beaucoup de sociétés qui attendent jusqu’à aujourd’hui leur raccordement au réseau moyenne tension. Pour exemple, sur 270 MW, correspondant à 30 projets, seul un projet de 1MW a pu être raccordé ».

Ali Kanzari / Président de la chambre syndicale du photovoltaïque à l’UTICA

Ali Kanzari, accuse les autorités d’un manque de volonté politique quant au développement des énergies renouvelables. « L’Etat et la STEG doivent comprendre que le développement des énergies renouvelables est inévitable et que cela ne nuira pas à la STEG ni à l’Etat et qu’au contraire, cela leur fera gagner de l’argent et pourra créer des emplois ».

Par ailleurs, Ali Kanzari déplore la taxe de 20% imposée sur les équipements, qui selon lui est une des plus élevée au monde.

Les énergies renouvelables pour sauver l’économie tunisienne

Depuis 2015, la Tunisie s’est dotée d’un cadre légal régissant le secteur des énergies renouvelables. C’est Salah Ben Youssef, ex-ministre ministre de l’Industrie sous le gouvernement de Elyes Fakhfakh en 2020, qui est intervenu afin de parler de ce cadre. Selon lui, ce dernier demeure incomplet.

« C’est dommage que nous accusions ce retard car les ER sont un vecteur de croissance ». D’après Ben Youssef, le passage aux énergies renouvelables a de nombreux avantages, notamment la réduction des factures de production, la baisse du déficit énergétique et de l’achat d’énergie en devise.

En effet, le  bilan énergétique est à dominante déficitaire puisque le taux du déficit avait atteint, en 2019, 49% alors qu’il ne dépassait pas les 15% en 2010. 

Salah Ben Youssef / Ex-ministre de l’Industrie

Aussi, l’indépendance énergétique de la Tunisie a chuté d’un cran, passant de 93% en 2010 à seulement 51% en 2018. Cet écart influe sensiblement sur l’économie nationale  par les recettes en devises ainsi que par la balance commerciale, vu que la Tunisie se trouve dans l’obligation d’importer de l’énergie.

D’autant plus que la baisse de la production du gaz naturel, lequel constitue la principale source de production de l’électricité, a significativement impacté les tarifs des consommateurs du réseau à moyenne tension.

« Avec l’augmentation des prix de l’électricité, l’auto-production apparait comme une chance pour la Tunisie pour baisser le coût de sa balance énergétique , nous dit Ben Youssef.

Autre problème évoqué par l’ancien ministre, celui des lourdeurs liées à l’obtention des autorisations. « On peut installer une ferme solaire en 2 mois, mais il faut attendre au minimum 9 mois pour obtenir toutes les autorisations administratives. Il faut que cela change ! », ajoute-t-il.

Invité lors de ce séminaire, le ministère de l’industrie et des mines a indiqué à cet égard que c’est la publication au JORT des autorisations qui prennent le plus de temps. Ainsi pour remédier à cette situation, le département a affirmé qu’un travail a été engagé afin de revoir le code des énergies renouvelables pour digitaliser les processus et simplifier les procédures, en créant des cahiers des charges pour les installation inférieures à 1MGW.

Wissal Ayadi