Les tiraillements idéologiques cachent l’absence de programmes politiques (Jalloul)

07-03-2019

L’institut arabe pour la démocratie a organisé, ce jeudi 07 Mars, une conférence-débat, en partenariat avec la fondation Hanns Seidel, sous le thème : « Les partis politiques en Tunisie : du tiraillement idéologique à la compétition autour des programmes politiques ».

La conférence a pour objectif de faire la lumière sur la problématique du système des partis en Tunisie, après la révolution, en s’appuyant sur le contenu de l’essai scientifique collectif, « les partis politiques en Tunisie », publié par l’unité de recherche sur le droit fiscal constitutionnel maghrébin à la Faculté de droit de Sousse.

L’idéologie est le fondement même de la vie politique
Selon Neji Jalloul, dirigeant au parti Nidaa Tounes, le problème actuel en Tunisie, provient de l’amalgame existant entre le débat politique et le débat constitutionnel, désormais entrelacés.

Le Directeur Général de l’Institut des études stratégiques a expliqué que la crise politique dans le monde arabe remonte aux années 70, marquées par la montée de l’islam politique et les frères musulmans ; ce qui a transformé certains Etats civils en Etats « voyous ».

« L’idéologie n’est pas la source des failles de la démocratie en Tunisie, car elle représente le fondement même de la vie politique. D’ailleurs certains paradigmes sont devenus des concepts flous et vagues, adoptés de manière anarchique, comme le cas du mouvement Ennahdha qui se prétend moderne et progressiste, ou le parti « Tahrir » qui se considère démocratique », ajouta-t-il.

La suppression de l’idéologie n’est pas une solution pour « corriger » le paysage politique tunisien. Selon Néji Jalloul, la crise intellectuelle et la fragilité culturelle au sein même des partis ont engendré l’absence d’un positionnement idéologique clair pour le grand public.

Derrière les tiraillements idéologiques, se cache l’absence des programmes politiques. Les adhérents et membres des partis tombent ainsi dans l’opportunisme et la recherche des intérêts personnels, au lieu de se réunir autour des idées communes, a-t-il conclu.

Watfa Belaid, dirigeante de « Machrou Tounes », a commenté le cadre législatif des partis, « il s’agit particulièrement du décret-loi n° 2011-87 du 24 septembre 2011, portant organisation des partis politiques, qui n’est pas clair autour de la question du contrôle des partis, n’exigeant ainsi, qu’une déclaration de leur règlement intérieur pour leur activation ».

La menace du dogme
Lotfi Zitoun, dirigeant d’Ennahdha, a insisté sur la question du « dogmatisme » qui menace la scène politique, ce qui est dû à la rigidité de certaines croyances qui ont, selon lui, utilisé la religion comme idéologie.

Le non -attachement aux idées a provoqué la formation de coalitions non structurées, ce qui a mené à la récurrence des malentendus, au sein de l’ARP.

Lotfi Zitoun est revenu sur sa position déclarée, durant le 10ème congrès du parti, considérée comme un moment tranchant dans l’histoire du parti, durant lequel, il a appelé à la révision des programmes, et à la libération de l’Islam des tiraillements politiques, pour éviter les accusations sur l’appartenance aux frères musulmans ou le double discours.

Les propos religieux maintenus par le mouvement suscitent la confusion, d’où la nécessité de séparer le discours religieux du discours politique, pour ne pas se transformer en une secte, souligne-t-il.

Il a appelé « à ne pas à s’attacher à des principes qui ne correspondent plus aux exigences de l’heure actuelle. Construire une démocratie, commence par le renforcement des valeurs de l’Etat civil et la reconnaissance de l’égalité totale entre les citoyens devant la loi ».

Financement des partis politiques
Ghazi Chaouachi, vice-secrétaire du courant démocrate, a appelé à la promulgation urgente du décret-loi n° 2011-87 du 24 septembre 2011, portant sur le financement public des partis, mentionné dans la loi mais inexistant dans la réalité, ce qui explique le recours à d’autres alternatives de financement.

Le député du courant démocrate a expliqué que la faiblesse des gouvernements précédents, est à l’origine de la non-application de la loi au sujet du contrôle du financement, durant les campagnes électorales.

Selon lui, l’impartialité des médias est une nécessité dans cette période de transition, afin de conscientiser l’électeur, désormais désintéressé par la vie politique.

Plusieurs politiques et autres universitaires ont pris part à cette rencontre à l’instar du président de l’Institut arabe pour la démocratie Khaled Chouket, du membre-dirigeants d’Ennahdha Abdelhamid Jlassi, du représentant régional de la fondation allemande Hans Seidel, Zaid Dilmi et des professeurs et écrivains de l’essai « Les partis politiques en Tunisie » ; Jalila Bouzouita, Abderrazek Mokhtar, et Atef Rouatbi.

Emna Bhira