Liban : Saad Hariri dit accepter la décision du tribunal sur l’assassinat de son père

19-08-2020

AFP – Des quatre hommes membres présumés du Hezbollah accusés d’avoir participé à l’assassinat en 2005 de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, trois ont été acquittés mardi par le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), sans qu’aucun lien direct n’ait pu être établi avec les dirigeants du mouvement chiite.

Au bout de six ans de procès, le seul à avoir été reconnu coupable a été le principal suspect dans l’affaire, Salim Ayyash, 56 ans, condamné en son absence pour son rôle dans l’attentat-suicide à Beyrouth qui a fait 22 morts, dont le milliardaire sunnite Rafic Hariri, qui briguait un autre mandat à la tête du gouvernement libanais.

L’assassinat de l’ancien Premier ministre a été « un acte politique perpétré par des personnes dont les activités étaient menacées par celles de Hariri », ont déclaré les juges lors de la lecture du verdict, à Leidschendam, près de La Haye, où siège le TSL.

Mais aucune preuve n’a permis d’établir un lien direct entre l’attentat et la Syrie ou le Hezbollah, ont-ils relevé.

« La Syrie et le Hezbollah ont peut-être eu des motifs d’éliminer M. Hariri et ses alliés politiques, mais il n’y a aucune preuve que les dirigeants du Hezbollah aient été impliqués dans le meurtre de M. Hariri et il n’y a aucune preuve directe de l’implication syrienne », a déclaré le juge président, David Re.

Les Etats-Unis ont toutefois « salué » la condamnation de Salim Ayyash qui, selon le secrétaire d’Etat Mike Pompeo, prouve que le Hezbollah est « une organisation terroriste dont l’objectif est de promouvoir les projets sectaires néfastes de l’Iran ».

Rafic Hariri, Premier ministre jusqu’à sa démission en octobre 2004, a été tué en février 2005, lorsqu’un kamikaze a fait sauter une camionnette remplie d’explosifs au passage de son convoi blindé sur le front de mer de Beyrouth, faisant 226 blessés.

Sa mort, dans laquelle quatre généraux libanais prosyriens ont d’abord été accusés d’être impliqués, avait déclenché une vague de manifestations ayant entraîné le retrait des troupes syriennes à l’issue de près de 30 ans de présence au Liban.

Le Hezbollah, allié du régime syrien et de l’Iran, a rejeté toute responsabilité et déclaré ne pas reconnaître le TSL, mis en place après une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU.

« Le tribunal a statué, et au nom de la famille de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, et au nom des familles des martyrs et victimes, nous acceptons la décision du tribunal », a déclaré le fils de Rafic, Saad Hariri, à des journalistes.

« Aujourd’hui, le parti qui doit faire des sacrifices est le Hezbollah », a ajouté Saad Hariri, lui-même ex-Premier ministre. « Il est clair que le réseau responsable provient de ses rangs. »

Les partisans de Rafic Hariri ont en revanche exprimé leur déception à Beyrouth.

« En fin de compte, les accusés sont des dirigeants du Hezbollah », a dit à l’AFP Amine Baroudi, un étudiant originaire de Tripoli (nord). « Moi et mes futurs enfants resterons convaincus que ceux qui ont commis le crime étaient affiliés au Hezbollah et n’ont pas pris la décision de leur propre chef. »

Salim Ayyash risque la prison à perpétuité. Les juges se prononceront ultérieurement sur la peine retenue.

Aucun des accusés n’ayant été remis au tribunal, ils ont été jugés par contumace. L’accusation et la défense peuvent faire appel dans un délai de trente jours faisant suite à la détermination de la peine.

Le procureur du TSL a déclaré dans un communiqué examiner les conclusions des juges pour « déterminer si un appel est justifié ».

Après avoir entendu près de 300 témoins et examiné plus de 3.000 pièces à conviction, le tribunal a estimé qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour condamner Hassan Merhi, Hussein Oneissi et Assad Sabra, poursuivis notamment pour complicité de perpétration d’un acte de terrorisme et complot en vue de commettre cet acte.

« Il était évident pour nous depuis le départ que ce dossier ne tenait pas », a réagi à la sortie du tribunal Vincent Courcelle-Labrousse, l’un des avocats de M. Oneissi.

Se disant « très heureux » pour son client, il a toutefois regretté que des centaines de millions de dollars aient été nécessaires au fonctionnement du tribunal et dépensés « sur un dossier aussi vide ».

Moustafa Badreddine, le principal suspect décrit comme le « cerveau » de l’attentat par les enquêteurs, est mort depuis et n’a donc pas été jugé.

La condamnation de Salim Ayyash, qui était à la tête de l’équipe qui a mené l’attaque, repose entièrement sur l’utilisation de téléphones portables pour organiser l’attentat qui a tué Rafic Hariri.

M. Ayyash a utilisé plusieurs téléphones pour surveiller M. Hariri pendant les mois ayant précédé l’assassinat, élément-clef du dossier d’accusation.

Les magistrats ont également dit être convaincus que M. Ayyash – aussi accusé d’être impliqué dans trois autres attentats contre des hommes politiques en 2004 et 2005 – « avait des liens avec le Hezbollah ».

« Obtenir justice résonne avec le désir de chacun de découvrir les circonstances derrière ce crime odieux qui menaçait la stabilité et la paix civile au Liban », a réagi le président libanais Michel Aoun.

Le TSL a observé mardi une minute de silence pour les victimes de l’explosion du 4 août qui a ravagé Beyrouth.

Le tribunal avait reporté la lecture du verdict, initialement prévue pour le 7 août, « par respect pour les innombrables victimes » de l’explosion dévastatrice trois jours plus tôt au port de la capitale libanaise, qui a fait au moins 177 morts et plus de 6.500 blessés.