Tunisie : Les Tunisiens en mal de loisirs, finis les voyages en France, au Maroc et en Turquie

25-02-2022

Le moins que l’on puisse dire c’est que depuis deux ans, le moral des Tunisiens est morose… Morose comme l’économie, l’ambiance générale du pays et le porte-monnaie des ménages.

Ainsi, les citoyens sont entrés dans un tourbillon de tristesse faute de pouvoir profiter de la vie comme c’était le cas avant… Il faut se serrer la ceinture et donc dépenser moins pour les loisirs : moins de sorties, moins de petits plaisirs et moins de voyages. Un coup dur pour l’équilibre émotionnel.

Les Tunisiens voyagent moins

C’est bien connu, les Tunisiens aiment voyager. La France, la Turquie ou encore le Maroc figurent parmi les destinations favorites. Pourtant depuis quelques années, les voyages à l’étranger deviennent de plus en plus inabordables. En cause, d’abord le pouvoir d’achat qui ne cesse de décliner en raison de l’inflation et de la dépréciation du dinar par rapport à l’euro.

C’est ce qui nous a été confirmée par M. Akram Cherif, propriétaire d’une agence de voyage à Bizerte. « Avant j’avais des clients fidèles qui partaient systématiquement au moins une fois dans l’année à l’étranger. Des ménages appartenant à la classe moyenne. Aujourd’hui, ils ont disparu », nous dit-il. Il explique, par ailleurs, qu’en dehors des vacances scolaires, rares sont les clients qui viennent réserver des billets d’avion ou acheter des packs de voyages organisés, et ce malgré les offres alléchantes proposées par les voyagistes.

En effet, il suffit de parcourir les sites internet des différentes agences pour voir les offres proposées.

Pour un circuit en Turquie entre Istanbul et la station de ski de Bursa il faudra débourser un peu plus de 2139DT pour un séjour d’une semaine, y compris le vols et les hôtels, avec en prime la gratuité des excursions et les transferts. Mais le véritable plus c’est la possibilité de payer cette somme en 4 fois sans frais. Les agences ne lésinent pas sur les offres afin d’attirer une clientèle de plus en plus désargentée. Mais avec tout cela, clients ne se bousculent pas.

« Avant, je voyageais au moins deux fois par an, dont une fois à Paris chez ma famille. Mais même en étant logée chez des proches, aujourd’hui cela ne vaut plus le coup, notamment pour le shopping, car le dinar a dégringolé », raconte Eya, déléguée médicale.

Des hôtels médiocres et un manque d’espaces de loisirs

Faute de pouvoir voyager à l’étranger, il reste la possibilité pour les Tunisiens de se rabattre sur le tourisme local. L’occasion pour eux de découvrir leur pays qui pour nombre d’entre eux leur est encore inconnu. Là aussi, cela paraît compliqué. En effet, malgré certaines offres promotionnelles, Il faudrait dépenser des sommes conséquentes pour fréquenter un hôtel au standing correct…et dans la plupart des cas, c’est la déception.

C’est l’expérience qu’ont fait Mohamed et Sana, un jeune couple marié qui a voulu s’offrir un peu de vacances dans un hôtel situé dans la station balnéaire de Hammamet. « Ce sont les pires vacances de toute ma vie. L’hôtel était vide, le service très médiocre, la nourriture horrible et en plus la ville de Hammamet est devenue une vraie ville fantôme depuis la désertion des touristes », nous ont-il dit. Ils n’ont pas même pas terminé leur séjour et sont finalement rentrés chez eux.

Sans voyages, sans hôtels il reste les espaces de loisirs. Qui n’a jamais été confronté à la fameuse question « qu’est ce qu’on fait ce week-end avec les enfants ? ». Une question que se pose Myriam inlassablement chaque fin de semaine au moment de sortir avec son enfant. « Tunis manque énormément d’espaces de loisirs notamment pour les enfants. Les quelques espaces verts qui existent sont souvent très mal entretenus et on trouve des jeux pour les tout petits ou bien pour les adolescents…mais pas grand-chose pour la tranche des 5-10 ans », souligne-t-elle.

Sur la question des espaces verts, cette maman n’a malheureusement pas tort. Il n’y a qu’à voir dans quel état se trouve par exemple le Parc Ennahli, à l’Ariana sur la route de Bizerte, censé être un des poumons vert de la capitale. Toboggans cassés et dangereux, aires de jeux vandalisées, détritus à tout bout de champs et un terrain de foot bétonné dépourvu de cages. Pour ce qui est du parcours de santé, il faut faire attention aux chiens errants qui ont colonisé cet espace au potentiel pourtant important…des hectares de verdures inexploités.

Reste encore la solution des espaces qui offrent une aire de jeux fermée et sécurisée avec un service de restauration…mais là encore, il faut sortir le porte-monnaie et payer le prix fort. Dans l’un d’entre eux situé à Ennasr, il faudra débourser 12DT/heure de jeux et pas moins de 16DT pour un menu enfant, sans compter les consommations pour les adultes…

La dépression guette les Tunisiens

Avec un pouvoir d’achat en berne et des espaces de loisirs inexistants, il n’est pas étonnant que la Tunisie soit classée parmi les pays les plus déprimés de la région MENA.

Nous avons fait appel à Anas Laouini, psychothérapeute à Tunis afin de comprendre les effets de cette situation sur le moral des Tunisiens et leur équilibre émotionnel.

Il explique, dans un premier temps, que l’argent constitue un objet d’espoir. « Sur le plan pensée, l’argent donne de l’espoir car cela donne la possibilité à l’être humain de faire ce dont il à envie et quand il en a envie. Cela influe sur l’aspect aussi bien matériel que social. Avoir de l’argent permet par exemple d’être heureux dans son couple sur le plan financier ».

Par ailleurs, l’expert indique que sur le plan émotionnel, avoir de l’argent est un vecteur de joie. « L’équilibre émotionnel est basé sur des activités de plaisir qui vont lui permettre de se divertir. Si celles-ci tendent à diminuer voire à disparaître, cela influe directement sur l’équilibre émotionnel qui a par conséquent des effets sur la joie et l’espoir », nous dit Anas Laouini.

Si certains développeront des mécanismes de défenses afin de supporter ce nouveau rythme, d’autres qui n’en disposent pas développeront à l’inverse des maladies psychologiques: tristesse profonde, sentiment d’anxiété et à terme des dépressions importantes.

A noter qu’à la fin de l’année 2021, le membre du comité scientifique de lutte contre le coronavirus et le chef du service de psychiatrie à l’hôpital Razi, Wahid Malki avait signalé une hausse du nombre des malades mentaux. Il avait souligné, à cet égard, une détérioration de l’état psychologique beaucoup de Tunisiens issus de toutes les catégories sociales avec une hausse des consultations externes allant de 100 mille cas par an à 200 mille cas, lors des 10 dernières années.

Wissal Ayadi

2 Auteurs du commentaire
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Anonyme

Votre article contribue largement à la dépression des tunisiens, 10 ans à s’autoflageller et ne voir que le pire. Allons de l’avant et le reste suivra.

Anonyme

Tout cela, Léon vous l’avais raconté dès 2011 en citant le verset 112 de la sourate des abeilles, lorsque votre journal en arrivait jusqu’à lui censurer l’utilisation de cette sourate. Dire du bien de l’oeuvre de Ben Ali froissait les esprits sensibles que vous étiez et gâchait vos joies révolutionnaires orchestrés par un occident qui voulait voir la Tunisie reculer de 55 années. Prétextant le manque de libertés et de démocrottie, vous êtes tombés dans le panneau; pire encore, vous avez pu assouvir votre jalousie contre la réussite d’un homme et vos haines régionalistes. La note à payer est chère… Lire la suite »