Nabeul : Une situation épidémique critique, tout peut basculer d’un moment à l’autre, le point avec Dr. Hedia Ghrairi

01-07-2021

Le gouvernorat de Nabeul est dans une situation sanitaire délicate. Un constat qui a poussé les autorités locales à prendre des mesures drastiques afin de limiter la propagation du Covid-19 à travers le Cap Bon.

Ainsi la délégation de Nabeul a été placée en confinement total depuis dimanche 27 juin pour une durée d’une semaine, tandis que les autres sont soumises à un confinement ciblé.

Les hôpitaux sont au bord de la saturation et le personnel de santé épuisé. Enquête.

Contexte sanitaire

La gouvernorat de Nabeul a été l’un des premiers à instaurer des mesures confinement suite aux annonces faites par le gouvernement vendredi dernier. Ainsi, Mohamed Ridha Mlika a décidé de placer la délégation de Nabeul en isolement total.

Le couvre-feu est de rigueur de 20h a 5h du matin, interdiction de se déplacer vers et en dehors la délégation, les commerces ont été contraints de baisser leur rideau a l’exception des magasins permettant l’approvisionnement en nourriture, les lieux de culte ont été également fermés au public et enfin les rassemblements de toutes sortes sont interdits.

Dans le communiqué du gouvernorat de Nabeul, il est également indiqué que les citoyens sont appelés à rester chez eux sauf en cas de première nécessité.

Pour toutes les autres délégations où un confinement ciblé a été mis en place, le couvre-feu a également été décalé à 20h, les cafés et restaurants ont pour obligation de lever tables et chaines à partir de 16h, fermeture des mosquées et surtout intensification des contrôles du respect du protocole sanitaire.

Des mesures strictes prises en urgence, vu la vitesse à laquelle le virus se propage. De plus, le ministre de la Santé, Faouzi Mehdi, a indiqué ce lundi dans une déclaration médiatique qu’une souche du variant nigérian a été détecté à Nabeul.

Ci-dessous, la dernière mise à jour publiée par la direction régionale de la santé de Nabeul, représentant le nombre d’infections par 100.000 habitants dans toutes les délégations du gouvernorat.

Joint par téléphone ce mardi, un habitant de Nabeul nous explique que toutes les issues de la ville sont fermées et un contrôle stricte de la police y est mené.

L’hôpital de Nabeul au bord de la saturation

A l’hôpital régional Taher Maâmouri de Nabeul, la situation se tend de plus en plus, faisant craindre une saturation du service Covid. Afin d’en savoir plus, nous avons contacté le Dr Hedia Ghrairi. Elle est chef du service de pneumologie et également présidente de la cellule de crise Covid dans ce même établissement.

« Le personnel médical est épuisé », nous dit-elle. En effet, depuis une semaine environ, le service dédié aux patients infectés par le coronavirus ne cesse de voir affluer de plus en plus de patients gravement atteints.

« Afin de faire face à cette situation, nous avons pu réquisitionner le service de médecine interne pour pourvoir accueillir plus de malades. Avec les deux autres services, nous avons pu augmenter les capacités de lits », nous confie le Dr Ghrairi.

Avec l’approvisionnement récent en concentrateurs d’oxygène, nous avons pu rajouter des patients dans les chambres. Ainsi, une chambre de 4 peut contenir maintenant six personnes.

En ce qui concerne les lits de réanimation, là aussi, ils ont pu être revus à la hausse, passant de 6 à 12 lits. « Ils sont tous plein en ce moment même »

Elle explique que pour le moment, la saturation totale n’est pas atteinte, mais que cette situation risque de basculer dans les prochains jours. Pour le moment, Hedia Ghrairi a affirmé que 56 personnes sont hospitalisées dans son service, grâce notamment à un travail important sur la mobilité des patients. « Nous faisons en sorte que les malades soient traités de la meilleure manière afin qu’ils puissent libérer des lits », souligne la président de la cellule Covid de l’hôpital Tahar Maâmouri.

Le Dr Ghrairi déplore également la nonchalance des patients qu’elle voit défiler dans son service. Elle nous raconte quelques anecdotes affligeantes. « Le week-end dernier, j’ai reçu une patiente habillée en tenue de soirée, encore maquillée qui est venue directement d’une cérémonie de mariage. Elle m’a dit qu’elle savait qu’elle était positive au virus mais qu’elle ne pouvait pas manquer le mariage de sa nièce. Elle a donc assisté au mariage jusqu’à ce qu’elle ne se sente pas bien et s’est rendue à l’hôpital », nous raconte-t-elle. « Il faut absolument un confinement général sur tout le pays, sinon nous courons à la catastrophe », conclut-elle.

Soutien des médecins de famille et de la société civile

Le Dr Hedia Ghrairi, nous a par ailleurs indiqué que la société civile jouait un grand rôle dans la lutte contre le Covid-19. En effet, l’hôpital a pu bénéficier de dons de 3 machines « Optiflow », de scopes et de matériel de protection.

Autre soutien de taille, celui des médecins de famille, qui selon la pneumologue, sont essentiels pour éviter la saturation des établissements de santé. A cet égard, nous avons pris contact avec l’un d’eux.

Il s’agit de de Dr Lamine Rebah. Médecin-gériatre de formation, il explique qu’il est de plus en plus sollicité pour des patients positifs au Covid-19. « J’ai fait le choix de traiter des patients atteints du coronavirus à domicile. Les familles m’appellent et je me déplace dans tout le gouvernorat », nous dit-il.

Le médecin passe quotidiennement voir ses patients les plus atteints. Il peut établir des bilans également à distance et propose une hospitalisation quand elle est nécessaire. « La plupart de mes patients sont oxygénés à la maison. J’ai sauvé beaucoup d’entre eux grâce au fait que je peux me déplacer rapidement auprès d’eux », ajoute le Dr Rebah.

Il indique également que le passage d’un médecin à domicile fait du bien aux patients car ils sont très anxieux et que le virus joue beaucoup sur l’aspect psychologique. « Pour les personnes les plus atteintes, nous leur faisons comprendre que l’hôpital ne résoudra rien et nous préparons leurs familles au pire. Cela permet de laisser des lits de réanimation libres ».

Les profils des personnes qu’il soigne chez eux est varié, mais il a observé depuis quelques semaines une hausse importante du nombre de personnes infectées de jeune âge. « En général ce sont des personnes qui sont atteintes de diabète et qui ne suivent aucun traitement. Elles sont les plus vulnérables », conclut le médecin.

Wissal Ayadi