Né sans ses deux mains, Achref Nemri se surpasse et expose des œuvres de génie

07-01-2021

Certains artistes aux besoins spécifiques nous étonnent avec des œuvres incroyables, réalisées miraculeusement moyennant des méthodes créatives. Comme ce jeune peintre tunisien, Achref Nemri, âgé de 36 ans, né sans ses deux mains, il peint avec son pied gauche. Une méthode qui relève du génie, et une preuve de plus, confirmant que les artistes en situation de handicap sont de grands artistes.

Lorsqu’on lui demande comment il a développé son talent de peintre, on comprend immédiatement que son instinct le dirigeait toujours au même endroit : la table à dessin. « Il s’agit d’un don de Dieu, et non pas d’une vocation », nous a-t-il indiqué.

Achref Nemri vient d’ajouter une corde à son arc tout récemment puisqu’il vient de lancer son exposition composée d’une série de 27 portraits de personnages publics tunisiens, organisé au hall du Théâtre de l’opéra à la Cité de la culture. Son expo baptisée «Le feu et la glace : un combat» se poursuivra jusqu’au 22 janvier 2021.

 Afin de découvrir le sens de son art et la source de son inspiration, Gnetnews est allé à sa rencontre.

Quel sentiment vous procure-t-il, le succès de cette exposition à la cité de la Culture ?

Je suis content d’avoir pu accomplir dans seulement 7 mois, l’objectif de peindre 27 tableaux, dans le but de proposer au public la meilleure version de mon art. C’est aussi grâce au soutien de Beta Group, la société qui me parraine, que j’ai réussi à acheter mes toiles, et le matériau nécessaire pour présenter un travail de qualité.

J’étais aussi content de voir tant de personnages publics s’intéresser à l’art, comme l’ancien ministre Walid Zidi qui est venu me féliciter au vernissage. Des députés sont venus également découvrir mes tableaux, ainsi que d’autres artistes notables et des médias, qui se sont intéressés à la thématique de l’expo.

Comment vous avez eu l’idée de travailler sur l’histoire de la Tunisie ?

Ma rencontre avec le président de la République, Kais Saied, représente pour moi le point de départ qui m’a donné l’idée de travailler sur l’histoire récente de la Tunisie. L’objectif étant de revaloriser les personnages emblématiques de la vie politique du pays, et cela depuis l’époque coloniale. Ce serait aussi une occasion de créer une exposition  qui pourrait revaloriser l’image du pays à l’étranger.

A travers mes 27 tableaux, j’ai réalisé les portraits de militants et défenseurs des droits de l’Homme également, qui ont marqué l’histoire de la Tunisie.

Kais Saied a-t-il promis d’accorder plus d’intérêt aux artistes handicapés ?

Lors de notre rencontre, le chef de l’Etat m’a félicité pour le talent artistique et mon assiduité, malgré ma motricité réduite. Il m’a aussi promis d’accorder plus de soutien aux artistes ayant un handicap, et de faciliter leurs activités professionnelles, souvent entravées par le manque de prise en considération de l’Etat en premier. Le manque d’encouragement, l’absence d’aides spécifiques, et la marginalisation sont souvent les premières causes de l’échec des artistes handicapés….

Pensez-vous que l’Etat serait capable de soutenir dans l’avenir les artistes souffrant de handicap ?

Après 7 mois depuis ma rencontre avec le chef de l’Etat, aucun projet dédié aux personnes à motricité réduite n’a vu le jour.

Encore pire, la situation de la culture en Tunisie s’est détériorée. C’est le cas aussi pour le sport, et tout ce qui concerne les jeunes.

Le fait que le ministère des affaires culturelles n’a pas de ministre depuis octobre dernier, en dit long sur la place de la culture en général en Tunisie. Que dire des hommes de la culture et les artistes… Et particulièrement les artistes handicapés. Ceux qui comme moi disposent d’une carte professionnelle, reçoivent seulement une aide mensuelle de 180 dinars. Une somme qui permet à peine de couvrir le cout des matériaux de peinture…D’ailleurs, moi je gagne ma vie en faisant des portraits sur commande pour le grand public…Sans cela, et avec l’indifférence de l’Etat, les artistes handicapés sont dans la plupart des cas marginalisés, et sont arrivés à conclure que l’Etat est incapable de gérer cette minorité.

Que conseillerez-vous aux jeunes artistes handicapés ?

Je les conseille de ne compter que sur eux même, et surtout de ne rien s’attendre de l’Etat. Il faut suivre ses rêves jusqu’au bout. Si quelqu’un tient à son rêve et travaille avec le cœur, les portes s’ouvriront devant lui et la chance lui sourira.

Rappelons que l’artiste peintre Achref Nemri dispose d’une licence en beaux arts. Il maitrise une technique mixte de peinture (peinture à l’huile et acrylique). Il est spécialisé dans l’art figuratif, et un portraitiste chevronné. Achref Nemri doit son succès non seulement  à son talent, mais aussi au soutien de la société civile qui l’a soutenu, notamment la fondation Kamel Lazaar, qui le parraine également. 

Propos recueillis par Emna Bhira