Tunisie/ Omicron : Confusion à l’école, les décisions du comité scientifique diversement appréciées

19-01-2022

Le comité scientifique a décidé hier, mardi, la poursuite des cours, avec le renforcement du protocole sanitaire dans les écoles primaires et secondaires. En effet, la transmission du covid-19, notamment le variant Omicron est en forte hausse depuis quelques semaines. Les chiffres sont alarmants d’après le ministre de l’éducation, Fathi Sellaouti, mais le danger sur la santé des enfants demeure faible rassure les scientifiques.

Une version contestée par la partie syndicale qui évoque confusion et anarchie au sein des établissements scolaire, l’absence du ministère en termes de dépistage ne fait que compliquer davantage la situation, ajoute-t-elle.

En effet, depuis le début de la 5ème vague de la pandémie, sur 6130 établissements scolaires, 122 ont fermé leurs portes. Près de 373 classes ont signalé plus de 3 cas positifs, sur 78 000 classes  d’écoles réparties sur tout le territoire tunisien. Les transmissions sont aussi importantes au rang des enseignants, dont 12.230 seulement son vaccinés sur 238.000 enseignants, soit 1/3 du nombre total des professeurs…

La poursuite des cours, la gratuité des bavettes et des tests rapides au sein des établissements scolaires, sont-elles des mesures suffisantes pour contrôler le virus qui sévit dans écoles ? Le fait que le comité scientifique ait substitué la décision de fermeture à un isolement obligatoire de 5 jours, voire 07 jours en cas de persistance de symptômes, sans avoir besoin de présenter un test négatif lors de la reprise, est-ce une mesure rassurante, ou inquiète-t-elle plutôt élèves et parents ?

Médecins, enseignants et parents nous donnent leurs avis…

Omicron : Aucune crainte pour la santé des enfants

Nous avons contacté Dr.Moez Cherif pédiatre et, président de l’Association tunisienne des droits de l’enfant, qui nous a confié qu’il approuve entièrement les dernières décisions annoncées par le comité scientifique. « Il faut savoir que la majorité des infections recensées chez les élèves n’engendrent en rien un risque vital, confirme-t-il. « Même si cette 5ème vague  présente un nombre exponentiel de cas dus au variant Omicron, elle demeure sans danger pour les enfants ».

 Dr.Cherif a souligné que l’arrêt des cours aura l’effet contraire sur la prolifération du virus. Les parents qui travaillent vont confier leurs enfants à des garderies ou les déposeront dans des établissements clandestins qui ne présentent aucune garantie sanitaire ou sécuritaire. Les élèves seront désormais entassés dans des espaces encombrés suite à une telle suspension, ce qui accentuera les contaminations…

En les privant de leurs cours, d’autres enfants se dirigeront vers la rue, et n’auront plus aucune activité éducative. Une éventualité qui pourrait nuire au niveau scolaire de toute une génération, dont le niveau est déjà détérioré et la scolarité a été perturbée pendant deux années de suite…La fermeture de ces établissements, encouragera sans doute, l’abandon scolaire, sachant qu’un million d’élèves quittent chaque année les bancs de l’école, en Tunisie.

1/3 du cadre éducatif n’est pas vacciné 

Par ailleurs, Dr.Cherif a rappelé que les statistiques cumulées par le ministère de la Santé et du ministère de l’Education nationale depuis 15 septembre dernier jusqu’à cette semaine, sont rassurantes.

« 6918 élèves sont positifs, soit 0.3% de cette population parmi 2 millions d’enfants. En revanche, la moyenne est de 10 infections sur 1000 au rang du cadre éducatif. Un fait qui résulte de l’existence de 12.230 personnes non vaccinées sur 238.000 dans le corps enseignant… ».

A cet effet, le président de l’association tunisienne de défense de droits de l’enfant, est revenu sur la réaction de l’UGTT, la fédération nationale de l’enseignement secondaire, et le syndicat des inspecteurs, qui prônent la fermeture en urgence…Il a rappelé que la constitution garantit aux élèves leur droit à l’éducation dans les meilleures conditions. Si l’enseignant ne se fait pas vacciner, il va mettre en péril la santé des enfants, et entraver le programme.

Bien que la vaccination relève de la liberté individuelle de chacun, l’abstention d’un tiers des professionnels de l’éducation, montre que les enseignants sont en train de penser qu’à leur propre intérêt.

« Ils n’ont pas pris en compte leur devoir d’assurer continuellement les cours et de garantir aux élèves les meilleures conditions pour s’éduquer. Il s’agit d’une responsabilité commune, de s’immuniser et de protéger les enfants contre le virus, outre le Pass sanitaire qui devrait être imposé à tout le cadre éducatif. Une mesure qui n’a pas été appliquée convenablement par le ministère de l’éducation…».

Selon Dr.Cherif, les enseignants qui appellent à la fermeture des écoles, n’ont pas proposé une autre alternative pour les parents. « S’il y a eu suspension des cours à cause de cette 5ème vague, les enseignants regagneront leurs domiciles, et seront accompagnés de leurs enfants. En revanche, les autres parents qui travaillent, peineront à garder leurs mômes, avec des dépenses supplémentaires, des emplois du temps chargés et l’incapacité de gérer une telle situation… ».

Hausse du taux d’absentéisme dans les écoles

Les parents sont de plus en plus inquiets de la hausse des cas positifs dans les milieux scolaires. Certains ont empêché leurs enfants d’assister aux cours de peur de contracter le virus, ce qui a engendré un absentéisme massif dans les classes, nous a confirmé une enseignante dans une école primaire privée à Bizerte, qui a requis l’anonymat.

 Les programmes des cours sont donc suspendus jusqu’à nouvel ordre, ce qui nous mettra en décalage avec les délais du ministère de l’éducation, ajoute-t-elle.

D’après cette enseignante, le problème est que l’école ne sait pas si ces absences sont dues à des contaminations, ou juste par précaution, surtout que les parents ne leur expliquent pas les raisons. « De telles agissements ne nous permettent pas d’exiger un test PCR négatif également, aux élèves ayant contracté le virus, avant de regagner la classe… », a-t-elle déploré.

Pour Imen, médecin, et mère de deux garçons Mohamed Amine et Seif, cette semaine témoignera d’une explosion des contaminations, d’après les pronostics des scientifiques. « J’ai donc pris un congé d’une semaine pour garder mes enfants, surtout que l’un d’eux est sous chimiothérapie. Il est immunodépressif. Si son frère ou moi, contractons le virus, nous mettrons sa santé en péril », se désole-t-elle.

 Femme de ménage et maman d’un enfant asthmatique, en 3ème primaire, Samia nous a confié que la situation sanitaire est devenue pénible pour elle. « Je crains pour mon fils, qui souffre d’une maladie chronique, inguérissable. Une éventuelle contamination pourrait être fatale pour lui… ».

Dans ce sens, Dr. Moez Cherif estime qu’une campagne de sensibilisation doit être mise en place par l’Etat pour expliquer aux parents les méfaits de l’Omicron sur les élèves,  pour convaincre les parents du caractère inoffensif de ce variant, et exclure les fausses informations. Un discours spécifique pour les enfants est aussi à envisager.

Selon lui, le ministre de l’éducation doit aussi tenir un discours explicatif, au lieu d’induire la population en erreur, en disant que le retour des enfants à l’école après les fêtes de fin d’année, exigera un Pass sanitaire… « Il s’agit d’une période très délicate, et chaque communication devrait avoir pour objectif d’éclairer l’opinion publique », recommande-t-il.

Emna Bhira