Tunisie : La Phobie sociale, un handicap pour une vie normale, quatre fausses croyances en sont à l’origine (psychothérapeute)

15-02-2023

La phobie sociale, également connue sous le nom de trouble d’anxiété sociale, est un trouble mental caractérisé par une peur intense et persistante de situations sociales ou de performance, dans lesquelles une personne peut être évaluée ou jugée par les autres.

Les personnes souffrant de phobie sociale ont souvent une forte peur de l’humiliation, de la honte ou du rejet dans les situations sociales, telles que parler en public, rencontrer de nouvelles personnes ou même manger en public.

Cette pathologie peut avoir un impact significatif sur la vie quotidienne d’une personne, affectant sa capacité à travailler, étudier, socialiser et maintenir des relations personnelles.

La phobie sociale est un trouble courant, touchant environ 7% de la population dans le monde. Elle peut être traitée efficacement avec des thérapies telles que la thérapie cognitivo-comportementale.

Pour en savoir plus sur ce trouble qui touche de nombreuses personnes en Tunisie, nous nous sommes adressés à l’un des experts en la matière, le psychothérapeute Anas Laouini.

Anas Laouini / Psychothérapeute

Qu’est ce que la phobie sociale?

La phobie sociale fait partie de la catégorie des troubles anxieux. Une anxiété qui est liée à des situations sociales. Elle se manifeste petit à petit au cours de la vie, commençant par une timidité exagérée puis grandie en devenant un handicap dans la vie quotidienne du patient.

« Il devient incapable de participer à des réunions, de parler avec des gens, de  communiquer même avec son ou sa partenaire. Il va également, avoir des doutes sur sa propre personne et sur le regard que les gens portent sur lui », nous dit Anas Laouini.

Sur le plan psychologique le patient va ressentir une peur et sur le plan somatique, son visage va devenir rouge. Il va transpirer,  trembler, déglutir provoquant même des vomissements. Et ces symptômes vont devenir un vrai handicap car il a peur des conséquences que ces symptômes vont avoir sur le reflet de son image sociale.

Quels sont les signes de la phobie sociale? 

C’est une pathologie qui peut intervenir dès l’enfance ou à l’adolescence. Les causes peuvent être d’ordre génétique ou développemental. Dans ce dernier cas, c’est l’environnement dans lequel ce patient évolue qui a mis en évidence sa phobie sociale. « Parfois on trouve des familles entières qui souffrent d’une grande timidité. Ils ne vont pas chez leurs familles, ne participent pas aux grandes occasions, n’invitent jamais personne chez eux… », relève Laouini.

Il peut aussi y avoir des facteurs culturels à la phobie sociale, puisque dans certaines familles, on encourage à faire preuve timidité, gage selon elles, de bonnes manières.

Les personnes atteintes de phobie sociale, ont un point commun, celui de faire en sorte de ne pas se faire remarquer en s’habillant de manière très discrète. « Ils portent souvent des casquettes, certaines femmes vont jusqu’à porter le voile pour cacher leur apparence, sous des vêtements amples et sombres, dans le but de ne pas attirer l’attention », explique le psychothérapeute.

La phobie sociale est un réel handicap dans la vie de tous les jours car l’Homme est obligé de côtoyer autrui pour ses études, le travail ou la vie amoureuse et de famille. « C’est comme un poisson, on ne peut pas le sortir de l’eau, sinon il meurt… ».

Anas Laouini explique par ailleurs, que dans le travail, la phobie sociale peut se révéler être un frein à son développement au sein de l’entreprise à la fois professionnellement et humainement. « Il aura du mal à parler avec son supérieur, à demander son dû, comme un congé par exemple, il aura tendance à ne jamais dire non car il n’est pas en mesure de débattre et de s’adapter à une situation », poursuit-il.

Les fausses croyances du phobique sociale

Les sources cognitives proviennent de quatre grandes fausses croyances qui habitent le patient.

D’abord, une baisse de l’estime de soi. Les timides pathologique ont très peu confiance en eux de point de vue physique, mental et surtout dans leurs capacités sociales. « Il est persuadé que dès qu’il prendra la parole, tout le monde se moquera de lui en raison de sa timidité », nous dit Anas Laouini.

Par ailleurs, il surestime la ou les personnes qui sont en face de lui, considérant qu’autrui est quelqu’un de très important et qui va porter un jugement sur lui. « Le phobique sociale pense toujours qu’il est sous la menace d’une évaluation permanent de l’autre ».

La troisième source concerne la surestimation de la situation elle-même. « Une réunion de travail va lui sembler être un évènement majeur, dont sa vie dépend. Il sera incapable d’aller boire un café avec des amis et il sera très difficile pour lui de faire des rencontres amoureuses, ou même amicales », souligne l’expert.

Enfin, la personne souffrant de phobie sociale ne supportera pas de faire des erreurs. Ainsi, face à l’autre il aura tendance à préparer en amont toutes les choses qu’il aura à dire lui faisant perdre toute spontanéité et donc toute crédibilité.

Le résultat de toutes ces caractéristiques, sera l’évitement. « Certains étudiants qui souffrent de cette pathologie n’iront pas assister aux cours dans lesquels la participation orale est de rigueur de peur de se faire interroger par le professeur, il ne pourra pas réaliser de projets de groupe, et ne pourra pas vivre la vie d’un étudiant lambda en prenant un café avec ses camarades ou en discutant à la fin des cours par exemple… », ajoute le psychothérapeute.

Cela peut également générer une fausse image de lui auprès des gens puisque ne connaissant pas cette pathologie, la plupart considèreront qu’il s’agit de quelqu’un d’arrogant, de trop sûr de lui et de mal élevé.

Une pathologie à prendre au sérieux dès l’enfance

« La phobie sociale est le trouble psychologique que je traite le plus dans mon cabinet. Et elle touche toutes les catégories sociales et autant que les femmes et les hommes », nous confie Anas Laouini.

La phobie sociale peut s’appréhender dès l’enfance. Il est donc important, selon l’expert, d’élever son enfant dans un environnement positif en ce qui concerne les autres. Ne pas hésiter à pousser l’enfant à aller vers les autres, le laisser passer du temps avec ses amis, lui montrer que ses parents ont une vie sociale…et non pas lui dire qu’il faut se méfier des autres, qu’il vaut mieux rester seul que mal accompagné, que les gens sont jaloux et qu’ils ne nous veulent pas du bien.

« Il est aussi important de faire monter l’estime de soi chez l’enfant, lui dire que ses copains sont agréables, qu’il est beau, intelligent et qu’il sait se comporter avec les autres », poursuit Laouini.

Traitement

Sur le plan thérapeutique, la technique la plus efficace est la thérapie congnitivo-comportementale, car c’est un des rare trouble qui résiste aux psychotropes (médicaments).

« Nous travaillons sur les quatre sources cognitives mentionnées plus haut. Nous commençons par une exposition à des situation à travers l’imagination pour petit à petit passer à des expériences dans la vie réelle avec à chaque fois de nouveaux défis ».

A noter que ces thérapies sont très efficaces puisqu’elle peut atteindre les 100% de réussite dans la plupart des cas.

Wissal Ayadi