La Tunisie dotée d’une société civile dynamique, quid du poids des associations dans l’économie ?

19-03-2024

La Tunisie est connue pour son tissu associatif important. En effet, dans toutes les régions, la société civile œuvre dans de nombreux secteurs afin de venir en aide aux populations, souvent fragiles, de point de vue économique et social notamment.

Mais au-delà d’être un acteur social, le monde associatif contribue également à l’économie de la Tunisie. C’est dans ce sens que le Centre Al-Kawakibi pour la transition démocratique a organisé ce lundi 18 mars à Tunis une conférence afin de mettre en lumière le poids de la société civile dans l’économie.

Des statistiques cruellement manquantes

Cet évènement a pour objectif de mettre l’accent sur la relation entre le secteur associatif et l’économie tunisienne. Les associations sont certes un acteur social et civil mais elles participent également à l’économie de la Tunisie.

« Nous avons essayé de mettre la lumière sur la contribution économique de la société civile à travers quatre études. Mais nous avons été forcés de constater que cette contribution est difficile à quantifier vu que les structures officielles ne cherchent pas à la quantifier. On parle d’institutions comme l’Institut National de la Statistique, le ministère des Finances ou encore le Registre National des Entreprises et de toutes les agences de l’Etat qui sont censés analyser le poids économique d’un secteur ou d’un autre », déplore Amine Ghali, Directeur du Centre Al Kawakibi pour la transition démocratique.

« Nous nous sommes retrouvés à quantifier cette contribution avec les chiffres qui nous ont été transmis de la part de la société civile », ajoute-t-il.

Contribution au PIB

Combien pèsent les associations dans l’économie tunisienne ? C’est la question à laquelle a essayé de répondre Anis Wahabi, expert-comptable, commissaire aux compte et membre de l’Ordre national des Experts-Comptables en réalisant une étude sur la question.

Il a expliqué dans un premier temps que selon le Centre d’Information de Formation d’Etudes et de Documentation sur les Associations (IFEDA) 24.982 associations sont recensées en Tunisie. Un chiffre qui doit être relatif puisqu’il intègre toutes les associations créées depuis l’indépendance qu’elles soient actives ou inactives.  Parmi elles, 32% sont situées dans le Grand-Tunis, 1% sont des grandes associations, 10% sont de taille moyenne, 25% sont considérées comme petites et le reste (64%) sont inactives. Ainsi, on compte 472 habitants/associations.

Par ailleurs, seules 6000 d’entre elles sont enregistrées au RNE et disposent donc d’un compte bancaire. « On peut donc se poser la question de savoir si ces 6000 associations sont les seules à être vraiment actives et contribuent à l’économie du pays », indique Anis Wahabi.

Ce dernier a également estimé que le nombre de salariés dans le monde associatif est de l’ordre de 17.600.

En ce qui concerne les heures de volontariat, l’expert-comptable estime ce chiffre à 712.000 heures soit 50 millions de dinars par an en valeur.

« Grâce à ces chiffres nous pouvons considérer que la société civile contribue à hauteur de 1.6% dans le PIB de la Tunisie », poursuit-il.

L’emploi dans le monde associatif

Récemment, des ONG et associations de la société civile ont exprimé leur attachement au décret-loi n’o 88 de l’année 2011, portant organisation des associations. Elles dénoncent les tentatives du gouvernement visant le tissu associatif, notamment son intention de remplacer ce décret 88 considéré par les observateurs nationaux et internationaux comme étant un acquis de la révolution.

Lors de la conférence, Fathia Saïdi, sociologue a présenté une étude sur l’employabilité du secteur associatif. Elle explique tout d’abord que le salariat dans la société civile a été reconnu grâce justement au décret-loi 88. « Selon les derniers chiffres que nous nous sommes procurés, nous avons pu dénombrer environ 22.000 contrats signés entre associations et salariés. Même si ce sont souvent des contrats précaires ils contribuent à la baisse du chômage en Tunisie et à l’employabilité des jeunes. Et c’est la raison pour laquelle, nous devons les inclure dans le monde économique ».

De son côté, Anis Wahabi précise que le Code du travail tel qu’il est aujourd’hui manque de flexibilité et ne permet donc pas de mieux encadrer le salariat dans le monde associatif.

« La société contribue à renforcer voire même à remplacer l’action gouvernementale qui est parfois faible ou manquante dans des secteurs clés comme la santé, les violences faites aux femmes ou encore l’éducation. Il faut donc soutenir la société civile afin de renforcer sa survie et son maintien en tant qu’acteur social mais aussi économique », a conclu Amine Gharbi.

Ce faisant, un nouveau projet de loi sur les associations est envisagée. Il vise à restreindre l’accès des associations à des fonds étrangers, lesquels soutiennent leurs activités. Cette initiative est présentée, pour rappel, comme une mesure de lutte contre le blanchiment d’argent, le terrorisme et l’ingérence étrangère dans les affaires internes de la Tunisie.

Wissal Ayadi