Tunisie/ L’opération Clean Up Year piétine : Très peu d’actions et une communication défaillante

18-05-2023

A travers le programme Clean Up Year, lancé en janvier dernier, le ministère de l’Environnement a annoncé que 2023 sera l’année de la propreté dans l’ensemble des gouvernorats de la république.

A l’approche de la saison estivale, il semble que cette initiative n’ait pas eu le succès escompté: la communication est rare et les preuves sur le terrain aussi.

Pour en savoir plus sur ces opérations, nous nous sommes adressés à l’association Tounes Clean Up qui organise des sessions de nettoyage depuis de nombreuses années. Le secrétaire général de Tounes Clean Up a bien voulu répondre aux questions de Gnetnews.

Une action louable mais insuffisante

L’objectif de Clean up Year est  basé sur le volontariat que ce soit citoyens lambdas ou d’associations qui œuvrent pour l’amélioration de la propreté en Tunisie. Il s’agit de se manifester auprès du ministère afin de participer aux quelques journées de Clean up.

« Comme ils n’ont pas reçu beaucoup de candidatures, ils ont finalement réalisé leurs actions avec les agences qui sont sous la tutelle du ministère de l’environnement comme l’APAL ou l’ANGED. Et donc ces actions se sont plus apparentées à des opérations d’entretien que de grand nettoyage. Cela ressemble au travail que les municipalités devraient faire au quotidien et non à un Clean Up en tant que tel », nous dit Jalel Bouslah.

Si l’idée de l’opération Clean Up Year est très bonne, Jalel Bouslah déplore la mise en pratique de cette opération. D’abord il nous explique que le nombre d’actions reste très faible (1 à 2 par mois), ainsi que la communication autour de ces événements qui est quasi inexistante.

Il explique par ailleurs que pour que ce genre d’opération fonctionne il faudrait d’abord que le ministère dégage un budget étatique ou via des bailleurs de fonds afin de faire de la sensibilisation de masse sur la problématique de la propreté. Malheureusement en Tunisie aucune campagne n’est organisée que ce soit dans les médias ou dans les écoles.

Dans un second temps il faut absolument que l’Etat pense à des solutions durables et pas seulement à des actions périodiques. « Une solution durable permet que le problème en question ne se renouvelle pas. L’objectif c’est qu’à l’avenir nous n’ayons plus besoin de faire des opérations de Clean Up », souligne Bouslah.

Ce dernier évoque notamment l’installation de bennes à tri dont le principe est d’ y accoler des couleurs en fonction de la nature des déchets (plastique, papiers et déchets organiques).

« Sur chaque action de Clean Up qui commence il aurai fallu installer par la suite ces bennes pour assurer un suivi », indique-t-il.

« Nous avons été sollicités à plusieurs reprises mais nous avons posé des conditions qui consistent en la mise en place d’un budget bien défini pour ce type d’action, des solutions durables pour contrer la pollution et la mise en valeur du travail de la société civile. Nous sommes encore en train de négocier une convention avec le ministère afin d’avoir les garanties suffisantes », poursuit-il

La sensibilisation auprès des enfants

Depuis plusieurs années, l’association Tounes Clean Up s’engage auprès des enfants afin de les sensibiliser aux questions environnementales au travers du programme « Eco School ».

Ainsi, en partenariat avec d’autres associations, Tounes Clean Up organise des sessions d’information pour les plus jeunes dans les écoles publiques et privées en instaurant notamment un club environnement, en incitant les professeurs à continuer de parler de cette question pour qu’à terme cela devienne une matière a part entière.

« Nous faisons aussi des activités de plantations d’arbres et aussi des opérations de nettoyage avec les enfants ».

Depuis 2018, 50 écoles ont pu bénéficier du programme Eco School.

« Il n’y aucune poubelle sur les plages de Tabarka ! 

Les opérations de reboisement se font de septembre à Mars et le nettoyage des plages de mars à octobre. Ainsi, depuis le mois de mars, l’association Tounes Clean Up s’est rendue dans plusieurs villes côtières en vue de la saison d’été. Chaque année, les plages sont rongées par la pollution à cause du manque de civisme des citoyens mais aussi du manque d’équipements nécessaires à la préservation de la propreté.

Ainsi, récemment, une opération a été réalisée dans la ville de Tabarka, dont la population est multipliée par 10 voire 20 pendant la période estivale, laissant la municipalité dans l’incapacité technique et humaine de faire face à la pollution que cela engendre.

Jalel Bouslah, déplore également le manque de coordination des administrations qui sont censées gérer le nettoyage. Si les rues doivent être entretenues par la municipalité, c’est l’APAL qui doit s’occuper des plage. « A Tabarka, chacun se lance la pierre à l’autre et finalement rien est fait. Nous avons donc décidé de lancer une médiation et une grande opération de Clean Up. Nous avons demandé aux autorité en contrepartie de mettre des poubelles sur les plages car il n’y en a aucune! S’ils ne mettent pas en place ces installations tout ce qu’on aura fait n’aura servi à rien », lance Bouslah.

L’association Tounes Clean Up s’est également rendue à Gabès pour une grande opération de nettoyage, où une catastrophe environnementales est en train de détruire le littoral en raison des rejets industriels du Groupe Chimique Tunisien. « Les habitants et les autorités locales étaient très surpris de nous voir car c’est la première fois que nous nous déplaçons aussi loin.  Ils ont été heureux de se joindre à nous.

« Dans les prochaines semaines nous allons aller à Borj Cedria, à Sebïtla au niveau du parc  archéologique et en juin nous allons à Hergla, Bizerte, Monastir… », relève Jalel Bouslah.

Tounes Clean Up réunit environ 1500 bénévoles qui se relaient afin de rendre les villes et les plages plus propres. Sur chaque opération, ils sont environ une cinquantaine à participer au nettoyage, pendant que d’autres vont à la rencontre des habitants afin de les sensibiliser à l’importance de prendre soin de l’environnement.

Par ailleurs, l’association est en train de travailler sur la constitution d’une base de données sur le type de déchets présents sur les plages tunisiennes. Les bénévoles ont pu être formés par les Nations Unis à travers un  financement de la Banque Mondiale.

Il s’agit de faire des rapports qui sera transmis au ministère de l’Environnement. « L’objectif c’est que le ministère comprenne l’impact de la pollution sur les plages et aussi quel type de déchets nous avons le plus sur nos plages afin de trouver des solutions durables ».

Jalel Bouslah, nous explique enfin qu’il y a plusieurs facteurs qui sont en cause dans la mauvaise gestion de la question de la propreté en Tunisie. D’abord le manque de sensibilisation de la population. « Il faut que l’on entende des campagnes tous les jours dans les médias, sur les réseaux sociaux et dans la rue.

Par ailleurs, le militant écologiste appelle les autorités à remettre à jour les infrastructures liées à l’environnement. Il évoque notamment le remplacement des bennes actuelles par des bennes à tri, la création d’un cadre légal pour les « barbechas » qui jouent un rôle important dans le recyclage du plastique, mettre en place des bacs de compost dans les commune car les 3/4 du contenu des poubelles domestiques sont des déchets organiques.

Et enfin réaménager les déchetteries.

Wissal Ayadi