Présidentielle : Ras-le-bol et volonté de hâter le vrai changement !

16-09-2019

Les Tunisiens ont exprimé dimanche 15 septembre un ras-le-bol dans les urnes. Ils ont fait subir une raclée à la classe politique dans son ensemble, celle de l’après et de l’avant 14 janvier. Le besoin d’un changement radical, et d’une rupture totale avec ceux qui ont jusque-là tenu les rênes du pays, a été clairement exprimé à travers le scrutin d’hier. Une quête de nouveauté qui a fait que ce premier tour de la présidentielle, change l’équation et impose de nouveaux rapports de force.

Nombreuses sont les personnalités, que l’on croyait compter sur l’échiquier politique, et disposer d’une certaine assise populaire, ont été laminées dans les urnes. A la place, deux candidats émergent comme étant les finalistes du second tour, selon les premières estimations qui seront, selon toute vraisemblance, confortées par les résultats officiels dont l’annonce interviendra ce lundi, ou au plus tard demain mardi 17 septembre, selon l’ISIE.

Le premier est Kaïs Saïed, un constitutionnaliste qui donne l’image d’un intellectuel intègre et droit, qui défend la cause de ceux qui ont fait la révolution, sans que leurs revendications socioéconomiques ne soient satisfaites. Le victorieux du premier tour préconise une plus grande implication du peuple, notamment des jeunes dans la gestion des affaires de la cité ; un rôle plus important des régions par rapport au pouvoir central, et qui, plus est, affirme son attachement à l’identité arabo-musulmane. Sa probité, et sa manière de poser les problèmes selon une approche nouvelle, ont séduit un électorat jeune désireux de rompre avec le passé et d’essayer quelque chose de nouveau.

Le second, en prison pour des affaires de « blanchiment d’argent et d’évasion fiscale », est propriétaire d’une chaîne privée, et a utilisé le caritatif pour bâtir sa popularité dans la Tunisie profonde, auprès des démunis et des laissés-pour-compte, ceux dont la principale et seule préoccupation est d’avoir le minimum de quoi subvenir à leurs besoins élémentaires.

Selon les premières estimations de Sigma Conseil, 40.8 % des votants pour Nabil Karoui ne sont pas allés à l’école, et 29.1 % d’entre eux ont un niveau d’instruction qui ne dépasse pas le primaire.

Ceux qui ont voté pour Kaïs Saïed ont, dans une proportion de 20.6 %, un niveau secondaire, et 24.7 % un niveau universitaire.

Deux électorats certes différents, mais qui ont la marginalité et le désenchantement en partage, les uns, comme les autres ne se sont pas trouvés dans l’actuelle offre politique, et ont décidé de hâter l’alternance, dans l’espoir de parvenir, cette fois-ci, à changer concrètement leur quotidien.

L’autre élément qui a fait que le résultat soit ce qu’il est, est le fort taux d’abstention dans les rangs de l’électorat des partis politiques classiques et des dirigeants qui les incarnent. Les formations politiques dites de gauche, de droite, conservateurs, islamiste, social-démocrate… ont assisté à l’érosion de leur réservoir électoral.

Les Tunisiens qui ont vu leurs conditions de vie se dégrader et leur pouvoir d’achat baisser sensiblement, sont écœurés envers un climat miné par le laxisme ambiant, les affaires, l’influence des lobbies, l’incompétence… Une déception génératrice de désaffection, laquelle s’est traduite par l’abstention.

Entre ceux qui ont préféré rester chez eux plutôt que d’aller exercer leur devoir de citoyen, et ceux qui ont décidé de mettre un point final au statu quo, pour donner naissance à quelque chose de nouveau, nombreux sont les perplexes face à cette situation inédite, dont les contours ne seront clairs qu’à l’issue des législatives du 06 octobre.

La Rédaction