Tunisie : Changer de métier par choix ou par obligation, des histoires passionnantes (Reportage)

11-02-2021

Changer de métier, vivre de sa passion, découvrir d’autres horizons… La reconversion professionnelle a le vent en poupe. Par choix ou par obligation, ils sont de plus en plus nombreux à franchir le cap.

Avec la pandémie du Covid-19, de nombreux secteurs ont connu la crise, laissant des milliers d’employés au chômage…

L’occasion pour certains de se remettre en question et changer de domaine.

Si dans les pays occidentaux cette pratique est répandue, en Tunisie elle reste encore marginale.

Nous avons rencontré ceux qui ont sauté le pas. Wassim, Issam, et Karim, pour des raisons différentes ont revêtu de nouvelles casquettes… Voici leur témoignages.

Tout quitter par passion

Une fois le bac en poche, il est temps de penser aux études supérieures. Un tournant dans la vie de chacun, puisque c’est à ce moment là que l’on pourra répondre à la fameuse question « Qu’est ce que tu veux devenir plus tard? ».

Wassim Sfaxi avait un avenir tout tracé. Titulaire d’un diplôme en langue des affaires, il s’est dirigé tout naturellement vers le commerce international. Après 9 ans passés dans une société d’import/export étrangère située dans une zone franche, il a réussi à gravir les échelons jusqu’à devenir manager export. « J’ai travaillé très dur pour développer les activités de la société. Mais au bout d’un moment je me suis rendue compte qu’il n’y avait aucune reconnaissance, ni financière, ni morale. De plus, je ne pouvais plus évoluer au niveau des grades », nous explique le jeune homme.

C’est quelques semaines avant le début de la pandémie, que Wassim décide de démissionner et de développer son propre business… Un business bien loin de celui du commerce. Animé par sa passion pour le  Handball, il a finalement créé une société de Coaching sportif individuel et personnalisé. Il s’agit de mettre en place pour les jeunes sportifs un programme adapté afin de leur donner le maximum de chances d’évoluer dans le sport qu’ils ont choisi, grâce notamment à la mise en relation avec des entraineurs particuliers qui proposent des séances d’entraînement plus poussées.

Sa start-up, Champion Project Training existe maintenant depuis quelques mois et déjà Wassim, y voit les nombreux avantages. « D’abord, je vis de ma passion et je suis libre de faire ce que je veux. Je n’ai pas de contraintes horaires, je suis épanoui et en plus je profite mieux de ma vie personnelle ».

Si l’expérience de Wassim est récente, pour Issam Miladi cela fait plusieurs années qu’il a changé de métier. « Marketer » de formation, il a passé 12 ans dans le domaine du marketing. Après être passé par la case centre d’appel et d’y avoir gravi tous les échelons, il a été repéré par la marque de voiture Citroën qui l’a embauché en tant que responsable du service offshore.

Une expérience de 3 ans qui lui a permis d’atteindre le poste de zone manager où il a contribué au développement du réseau de revendeurs privé. En tout 12 ans dans la même boîte.

C’est en parallèle de son métier que sa reconversion a commencé. En effet, avec sa compagne ils ont créé « Escapades Tunisie ». Une agence d’organisation d’activités culturelles et sportives « outdoor », dans le secteur très en vogue du tourisme alternatif. Une idée qui leur est venue avec leur passion pour l’environnement et l’écologie. Si à la base ce n’était qu’une activité en plus, elle est vite devenue la principale. « Quand j’ai déposé ma démission en septembre 2019, mes patrons m’ont demandé d’y réfléchir à deux fois ». Il explique en effet, que la reconversion professionnelle n’est pas assez démocratisée en Tunisie. « Il y a l’expression « mosmar fi hit » qui en est la démonstration », lance-t-il.

Il ajoute, par ailleurs, qu’il se sent plus productif pour le pays car il met en valeur la Tunisie.

Pour d’autres, la reconversion est subie. C’est le cas de Karim Abidi. Très connue dans le monde de la nuit, ce barman professionnel, formé dans un des centres de formation les plus connus du monde à Paris, a vu sa vie basculer avec le coronavirus.

Les établissements dans lesquels il travaillait, sont tous fermés à cause des restrictions sanitaires. Avec à sa charge ses parents, ainsi que sa femme et ses deux enfants, il a dû faire une croix sur sa brillante carrière et se diriger vers toute autre chose : la poissonnerie. C’est lors du premier confinement que l’idée lui est venue. Avec ses économies, il a loué un petit local dans le quartier de Mhamdia, dans la banlieue sud de Tunis.

Aujourd’hui même s’il peine à joindre les deux bouts,il s’estime heureux d’avoir pu se reconvertir et vivre dignement.

Les femmes plus nombreuses que les hommes

Afin de nous faire une idée sur la reconversion professionnelle en Tunisie, nous nous sommes adressés à Nadia Othmani. Elle est coach et formatrice. Elle prend en charge ces personnes en quête d’un nouveau travail et d’une nouvelle vie.

Elle nous explique tout d’abord que les femmes sont plus nombreuses que les hommes. « Elles prennent plus de risques pour se lancer dans ce qu’elles veulent vraiment faire ».

La tranche d’âge concerne les 30-45 ans. Ce sont donc des personnes qui ont entamé une vie professionnelle depuis peu ou ceux qui ont déjà une certaines expérience. Les profils qu’elle encadre sont très différents : passer du marketing à la sexothérapie, de délégué médical au coaching, ou encore plus surprenant de la finance à la pâtisserie.

D’après Mme Othmani, le secteur le plus porteur est l’artisanat (artisans), les métier d’accompagnement et les métiers artistiques.

«Ce qui motive la plupart des gens qui veulent se reconvertir c’est d’abord la passion et le désir de devenir son propre patron ». La coach déplore, cependant, le manque d’encadrement et surtout de soutien par l’Etat, alors que selon elle, cela pourrait contribuer à la baisse du chômage.

En effet, à cet égard, elle affirme que le problème de l’orientation doit se régler dès le secondaire. « Dans les lycées, il n’y a pas de personnes assez compétentes pour orienter les élèves vers la bonne filière. Et puis, une fois le bac en poche, les futurs étudiants sont guidés par un score qui leur permettra d’accéder à telle ou telle filière alors que ce n’est pas celle qu’ils ont voulu à la base ». Ainsi, dans la vie professionnelle bon nombre de jeunes travailleurs se retrouvent à des postes qu’ils ne leur conviennent pas et se retrouvent frustrés.

Wissal Ayadi