Tunisie : Des professionnels proposent des solutions pour sauver la filière laitière en crise !

29-09-2022

La crise du secteur laitier alimente de plus en plus les débats. En effet, la pénurie de lait et de beurre dans les supermarchés inquiète les Tunisiens.

La filière laitière est considérée comme un acteur stratégique de la sécurité alimentaire du pays. Elle représente à elle-seule 25% de la production animale, 11% de la production agricole, 40% de la main d’oeuvre agricole.

Afin de faire un état des lieux de ce secteur stratégique, la CONECT (Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie) a organisé ce jeudi 29 septembre à Tunis, un conférence exposant les difficultés auxquelles doivent faire face les opérateurs.

Dans un premier temps, Kamel Rejaibi, Directeur général du Groupement interprofessionnel des viandes rouges et du lait a indiqué que cette crise n’a pas seulement touché la Tunisie mais le monde entier. Les causes principales étant, les changements climatiques avec des périodes de sécheresse intense et la guerre entre la Russie et l’Ukraine qui a fait explosé les prix de l’alimentation pour le bétail et le carburant.

Il a dans ce sens indiqué que les pays du monde se sont adaptés à ces changements, ce qui a eu pour conséquence l’augmentation du prix du litre de lait.

« Quand il y a une augmentation du cout de production, il faut que les prix à la vente suivent le rythme. Or en Tunisie, ce n’est pas le cas. Nous ne pouvons plus continuer à vendre en dessous du cout de production », a-t-il déclaré.

Il a également fait savoir que de plus en plus d’éleveurs ont été contraints à vendre leur bêtes afin de faire baisser leurs coûts de production pour continuer à produire et à vivre. « On doit redonner confiances aux agriculteurs pour qu’ils augmentent leur production. En réalité le problème ne réside pas dans le stock stratégique de lait dont dispose la Tunisie… le problème c’est la production. La majorité de la quantité de lait vendue provient de la production et non pas du stock », a-t-il précisé.

Selon lui, la solution demeure dans la réévaluation du prix de vente du lait au producteur. « Les éleveurs sont au bord de l’implosion, ils vendent à perte. Cela fait plus de 2 ans que ce prix n’a pas été revu à la hausse. L’agriculteur qui vend son litre de lait à moins de 1DT600 est considérée comme perdant ».

Rejaibi a déploré aussi, un phénomène de plus en plus important en Tunisie et qui a nui fortement à l’industrie laitière, la contrebande. Il explique que les éleveurs sont régulièrement approchés par des contrebandiers qui n’hésitent pas à racheter leur cheptel à prix fort pour ensuite les revendre du côté algérien et libyen. « Il faut savoir qu’en Algérie et en Libye, le litre de lait ne se vend pas en dessous de 3DT le litre, donc cela favorise la contrebande », a-t-il ajouté.

A cet égard, le professionnel a lancé un appel au ministère de l’Intérieur afin que ce dernier augmente les moyens de contrôle aux frontières afin d’endiguer ce phénomène qui risque de mettre à mal la production de lait. « Ils profitent de la faiblesse de la Tunisie pour s’enrichir », a-t-il lancé.

« Beaucoup quittent le domaine et il est très difficile d’y entrer car les coûts d’investissements de départ sont très importants. Une vache laitière ne coute pas moins de 10.000 dinars ».

De son côté, Ali Klebi, membre du bureau exécutif de la CONECT a indiqué que la réforme du secteur laitier est devenu une urgence afin d’éviter la catastrophe qui attend le pays. Ce dernier entend par là, la possibilité d’avoir recours à l’importation de lait si la solution n’est pas trouvée.  « L’Etat doit acheter à l’éleveur à un prix qui lui permet de couvrir les charges liées à la production. Aucune entreprise économique ne travaille à perte. Sans cela il faudra s’attendre dans les jours à venir à devoir importer du lait depuis l’Europe à 3DT le litre, alors qu’il suffit juste de subventionner l’agriculteur de 400 millimes afin que la production redémarre », a-t-il souligné.

En ce qui concerne la subvention, les professionnels du secteur présents à la conférence ont indiqué que l’autre solution serait de cibler la subvention au consommateur en vendant le paquet de lait à sa juste valeur à ceux qui en ont les moyens et à le subventionner pour ceux qui sont dans le besoin.

« Nous n’avons pas besoin de faire des sondages compliqués pour comprendre que le Tunisien est prêt a payer son paquet de lait à 2DT. La preuve en est aujourd’hui, par ce temps de pénurie. Quand il ne trouve pas de lait demi écrémé qui est subventionné, il achète le lait entier qui est à 2DT et cela ne lui pose pas de problème pourvu qu’il en trouve », a déclaré Kamel Rajaibi.

Enfin, dans son intervention, Karim Daoud, éleveur laitier et membre du bureau exécutif du syndicat des agriculteurs de Tunisie, a fait savoir que l’autre solution à long terme serait de subventionner la filière de l’aliment pour le bétail, qui a augmenté de 25% en seulement deux ans. 

Il faut subventionner la filière de l’aliment au bétail, comme le fourrage et les légumineuses. Aujourd’hui ce qui ne nous permet pas de développer cette filière c’est la monoculture des céréales car c’est un secteur qui est subventionné, notamment le blé dur. Un agriculteur préfèrera cultiver des céréales plutôt que du fourrage. Mais combien de temps continuera-t-on à importer du concentré pour nourrir nos bêtes alors que les prix s’envolent? », s’est-il interrogé.

Enfin, Daoud préconise de développer le secteur laitier en créant de nouvelles races de vaches laitières, plus adaptées au climat tunisien et qui seront donc plus productives.

Wissal Ayadi