Soldes d’été : Difficultés tous azimuts, les enseignes internationales tirent leur épingle du jeu !

09-09-2020

Les soldes d’été ont démarré il y a maintenant un mois. Il ne reste donc plus que deux petites semaines pour profiter des bonnes affaires…à condition bien sûr qu’il y en ait. Chaque année, les Tunisiens se plaignent de la période des soldes: « trop chère, « faux soldes », « arnaque »… Pour cette saison, les boutiques ont décidé de mettre le paquet sur le réductions en offrant des promotions pouvant atteindre les 70% dans certaines enseignes. La crise du Covid-19 a porté un réel coup dur au secteur de la vente. A cet égard, Mohsen Ben Sassi, le président de la Chambre syndicale nationale du commerce du prêt-à-porter et du textile relevant de l’UTICA a déclaré que le chiffre d’affaire pendant ces soldes avait baissé de 40 à 45% par rapport à l’année 2019. Qu’en est-il réellement sur le terrain ? Les commerçants sont-ils vraiment en difficulté ? Y a-il une corrélation entre l’offre et la demande ? Nous nous sommes rendus dans les commerces de l’Avenue Habib Bourguiba à Tunis afin d’interroger aussi bien les commerçants que les clients. 

Des consommateurs découragés et des recettes en régression

Le coup d’envoi de la troisième démarque des soldes d’été est donné un peu partout sur la toile ; des boutiques de prêt à porter internationales et locales, des magasins de linge de maison…Et bien d’autres commerces qui continuent de baisser leurs prix pour l’occasion, allant jusqu’à 80% de remise. Malgré cela, les Tunisiens continuent à flâner dans les rayons sans pour autant acheter grand-chose.

Crise économique, inflation, et prolifération des cas du coronavirus, plusieurs facteurs responsables de cette frilosité des consommateurs, qui ne peuvent plus prendre plaisir en faisant leur shopping.

Des mesures sanitaires rigoureuses pour endiguer la pandémie du covid-19, les masques sont obligatoires, mais ça étouffe. Gel hydroalcoolique systématique dès l’entrée dans les commerces, et contrôle de soi pour limiter le nombre d’articles touchés…

Un contexte particulier mal vécu par les clients…

Quant aux recettes des commerçants du prêt-à-porter et du textile, elles ont enregistré une baisse sans précédent. Un constat confirmé par ce chef de rayon travaillant pour une enseigne espagnole de renommé, que nous avons croisé.

« Après le confinement général, notre enseigne se limite à un seul arrivage par quinzaine au lieu de deux. C’est pour cela que le chiffre d’affaires a enregistré une chute. En effet, dans le cas des enseignes internationales, c’est le stock des articles qui est devenu limité et non pas l’affluence des clients qui a régressé », nous-a-t-elle expliqué.

« D’autre part, de peur d’un éventuel retour au confinement, les clients ont vidé les boutiques. La plupart des vêtements soldés sont Sold-out. Ils ont effectué un approvisionnement et non pas un shopping. », ajoute-t-elle…

Crise économique et pourtant les magasins sont vidés ?

« En effet, ces marques internationales ont échappé à la crise, car elles visent une catégorie hyper-consommatrice constituée « de jeunes » ! Leurs cibles sont généralement des personnes n’ayant ni enfants, ni charges, ou loyers…Ils ont la possibilité de dépenser autant d’argent sur des articles chers et pas prioritaires ou vitaux. Contrairement aux pères de familles, qui peinent en permanence, à assurer un toit décent et nourriture pour leurs enfants, et dont les vêtements représentent un privilège, à se permettre rarement, voire qu’en cas de besoin… ».

C’est ce que nous a indiqué un propriétaire d’une marque de vêtements de prêt-à-porter pour homme, déposée localement. Ce commerçant installé au centre-ville depuis 25 ans, nous a révélé que son chiffre d’affaires a reculé de 40% cette année.

« Même dans la saison estivale des fêtes et des mariages, les hommes préfèrent louer un costume à 90 et 100 dinars au lieu d’acheter une nouvelle tenue…C’est un comportement de consommation que je n’ai jamais vu même pendant la révolution. La situation s’est dégradée profondément cette année… », a-t-il conclu.

Des trous béants dans les trésoreries des commerces

Etant touchés par la crise, les commerçants de linge de maison également souffrent d’une pression financière aiguë. Impôts d’import, charges de la location et du personnel,  ce couple propriétaire d’une boutique d’ustensiles nous a parlé de leur situation économique « invivable ».

« Hier, la banque nous a averti qu’on a dépassé les délais de paiement de trois chèques sans provision. La prochaine fois, c’est le huissier qui va frapper à notre porte », nous-disent-ils tourmentés. « Nous n’avons gagné aucun sou depuis 24h, ajoutent-ils.

 « Pour régler la situation, nous avons baissé les prix des articles à plus de 70%. Pourtant ils sont tous importés d’Italie ou fabriqués en Tchèque. Leurs coûts dépassent de loin leurs prix de vente ».

Pour les petites bourses, il reste encore les boutiques qui se situent dans le souk de la médina de Tunis. De qualité très moyenne, voire mauvaise, leurs produits restent abordables. Pour autant, eux aussi souffrent. « Nous vendons des paires de baskets qui ne dépassent pas les 50dt, et avec cela nous n’arrivons pas à vendre nous explique un vendeur ». 

Le comportement des consommateurs pendant cette période de soldes montre à quel point la Tunisie est dans une situation économique critique. Si jusque là  la classe moyenne tenait encore l’équilibre, aujourd’hui elle tend de plus en plus vers l’appauvrissement. Un signe alarmant qui montre que le pays traverse une mauvaise passe.

Reportage réalisé par Emna Bhira et Wissal Ayadi