Tunisie : Une loi sur le statut d’auto-entrepreneur, pour combattre le secteur informel

24-11-2022

En Tunisie, presque la moitié des travailleurs ne sont pas déclarés. D’après les derniers chiffres publiés par l’Institut national des statistiques (INS), 44,5% de la main d’oeuvre nationale appartient au secteur informel, dont 42,5%, travaillent de manière indépendante.

Pour la plupart, ce sont des travailleurs qui cherchent à compléter des revenus faibles afin de s’assurer un meilleur pouvoir d’achat, et ce malgré les risques qui peuvent en découler.

D’où la réflexion autour de la notion d’auto-entreprenariat lancée par les pouvoirs publics en 2016, encouragée, notamment, par l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE).

Après plusieurs années de travail, c’est finalement en juin 2020 que le décret-loi n°2020-33 sur le statut d’auto-entrepreneur voit le jour. Pour autant, encore aujourd’hui, il n’a toujours pas été mis en vigueur en l’absence de textes réglementaires, toujours en cours d’élaboration par les autorités compétentes.

Pour connaître les tenants et aboutissants de cette loi, l’Institut Tunisien pour l’emploi Inclusif (Tunisia Inclusive Labor Institute – TILI) a élaboré un rapport récapitulatif de cette loi et en a présenté un résumé lors d’une conférence organisé à Tunis ce jeudi 24 novembre.

Objectifs de la loi

Comme mentionné précédemment, près de la moitié des travailleurs tunisiens évoluent dans ce qu’on appelle le secteur informel. C’est-à-dire qu’ils exercent une activité non déclarée, sous aucun statut, ne cotisant ainsi à aucune caisse sociale et ne payant aucun impôt ni taxe.

Pourtant, le statut d’auto-entrepreneur est un cadre légal de plus en plus adopté dans le monde entier, et qui a fait ses preuves. Dans la région, le Maroc et l’Algérie s’y sont déjà mis. L’objectif est de mettre un terme à cette économie informelle qui plombe littéralement le pays, favorisant l’injustice sociale et des milliards de dinars de perte pour l’Etat. Cela constitue également un moyen d’inciter à l’initiative privée afin de combattre le chômage, surtout chez les jeunes.

Simplifier les procédures, la clé de la transition vers le secteur formel

En Tunisie, il existe pourtant des mécanismes pour exercer en toute légalité lorsque l’on est indépendant (ex: création du patente). Mais la bureaucratie excessive, le chevauchement et la multiplicité des institutions de tutelle freinent considérablement la transition des travailleurs informels vers un secteur réglementé. Paperasse, aller et venus, attente… C’est en réalité un véritable parcours du combattant pour pouvoir travailler en toute légalité.

Ainsi, la loi sur le statut d’auto-entrepreneur se veut être plus souple en facilitant les procédures d’inscription et d’adhésion. Deux méthodes sont prévues dans le cadre de cette loi. La première consiste à remplir un simple formulaire disponible auprès des bureaux d’emploi, des recettes des finances, de l’ANETI ou de la CNSS. La deuxième méthode, passe quant à elle par la digitalisation du processus, à travers la mise en place d’une plateforme numérique. C‘est l’IACE qui a développé cette plateforme, qui est actuellement prête techniquement mais qui le feu vert des autorité pour sa mise en service effective.

Elle permettra d’effectuer toutes les démarches, allant de l’inscription à la déclaration de chiffre d’affaire en passant par le paiement des cotisations sociales.

Par ailleurs, le législateur a astreint l’administration a répondre au demandeur dans un délai ne dépassant pas les 15 jours, toujours pour encourager le travail formel.

Avantages et exemptions spéciales

Le premier avantage significatif au statut d’auto-entrepreneur est la possibilité d’exploiter son domicile comme siège social de son activité professionnelle. Cela permet d’encourager l’initiative personnelle, car il réduit les charges financières, quand on sait à quel point cette question peut constituer un réel fardeau pour les auto-entrepreneurs. Il obtient également l’immunité légale pour son lieu de résidence. C’est à dire que si l’activité est un échec et qu’il a des dettes qu’il ne peut pas honorer, son domicile ne peut en aucun cas être saisi.

Pour ce qui est des avantages fiscaux, là aussi, l’auto-entrepreneur pourra bénéficier d’un régime fiscal spécial qui consiste à payer une contribution unique libérée de l’impôt sur le revenu des personne physiques, de le taxe sur la TVA et de la cotisation à la CNSS.

L’auto-entrepreneur aura la possibilité d’avoir un certains nombre d’exonérations. Par exemple, lors de la première année d’activité, il sera exonéré de la cotisation unique, expliquée plus haut, qui sera prise en charge par le Fonds national de l’emploi.

Les conditions pour être auto-entrepreneur

Tout d’abord, il faut savoir que le statut d’auto-entrepreneur s’adresse à toute personne active dans les secteurs de l’industrie, du commerce, de l’agriculture, des services, de l’artisanat ou des métiers de l’artisanat.. Il faut bien sur travailler à son propre compte, être de nationalité tunisienne et réaliser un chiffre d’affaires ne dépassant pas les 75.000 dinars par an.

A noter que les salariés du secteur privé peuvent bénéficier de ce statut afin de compléter leurs revenus. Les fonctionnaires ne peuvent pas, quant à eux, être concernés.

En contrepartie, les auto-entrepreneurs seront dans l’obligation de justifier les dépenses et les revenus sur la base de justificatifs en déclarant de manière transparente leur chiffre d’affaire dans le registre national électronique propre aux auto-entrepreneurs. Ils doivent également obligatoirement s’acquitter de la cotisation unique, s’exposant dans le cas contraire à des pénalités de retard, voire même à une radiation du registre national.

Pour le moment , aucun calendrier de mise en application de ce décret-loi n’a été annoncé. Les textes réglementaires qui serviront à encadrer le statut d’auto-entrepreneur sont toujours en cours d’élaboration. Ce statut pourrait régler un bon nombre de situations, notamment pour les jeunes évoluant dans le secteur des IT (technologie de l’information) qui pour la plupart exercent en free-lance.

Wissal Ayadi