TICAD : Des experts dressent le bilan préliminaire pour la Tunisie

30-08-2022

La Conférence internationale de Tokyo pour le développement en Afrique (TICAD) a pris fin ce dimanche 28 août à Tunis. L’occasion aujourd’hui de faire un bilan de cet événement où l’enjeu économique était bien sur au centre des rencontres qui se sont succédé.

La Tunisie a soumis lors de la TICAD pas moins de 81 projets d’investissement privé d’une valeur de 2,7 milliards de dollars. De son côté, le Japon a annoncé l’allocation à l’ensemble du continent africain d’une enveloppe de 30 milliards de dollars qui s’étalera sur les trois prochaines années, montrant l’intérêt grandissant du pays du Soleil Levant pour l’Afrique.

La question est de savoir quelle part devrait revenir à la Tunisie ? Nous nous sommes adressés à l’économiste Moez Hadidane et au président de l’Association Tunisian Smart City, Borhene Dhaouadi.

Réallocation des DTS

Parmi les grandes promesses de la TICAD, Moez Hadidane a retenu l’appel de Macky Sall, président du Sénégal et de l’Union Africaine, appuyée par le président Kaïs Saïed en faveur d’ « une nouvelle approche » internationale pour l’aide au développement à l’Afrique, pour les pays très endettés (comme la Tunisie), en transformant « les dettes en investissements ».

Le Japon a en effet encouragé la volonté de l’Union Africaine qui concerne la réallocation de droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI, et « la mise en œuvre de la suspension du service de la dette » (remboursement des intérêts) promise par le G20.

« L’Afrique ne bénéficie pas de ces DTS puisque sa participation dans le capital du FMI est plus faible que les pays développés. Il est important que les pays développés fassent des concessions  en acceptant de répartir une partie de leurs DTS à l’Afrique. En 2021, il y a d’ailleurs eu un consensus sur une base volontaire autour de cette question. Le fait que le Japon ait donné son accord sur cette idée est un très bon signe », explique Hadidane.

Flou autour des projets tunisiens

« Il n’y a aucune visibilité sur les projets qui seront financés par le Japon. Ce qui pose un flou sur les véritables opportunités de la Tunisie lors de cette TICAD », analyse l’économiste.

En effet, pour le moment, sur les 80 projets sélectionnés par la Chambre de commerce et d’industrie tuniso-japonaise et soumis lors de conférence, il n’y aucune information  sur ceux qui ont été potentiellement acceptés ou au moins sélectionnés pour étude.

Il a été annoncé que quatre mémorandums d’entente ont été conclus entre des entreprises tunisiennes et japonaises, lors du forum des affaires, organisé dans le cadre de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique.

Ces accords portent sur la facilitation du partenariat entre les secteurs public et privé, la réalisation d’un projet en commun pour le développement de l’assurance en Tunisie, l’étude de la possibilité de dessalement des eaux et la génération des énergies renouvelables avec la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux et la Société Toyota, ainsi que dans le domaine des télécommunications numériques.

Par ailleurs, Moez Hadidane a déploré la déclaration du président de la JICA (Agence japonaise de coopération internationale) qui a annoncé que les fonds alloués à la Tunisie seront tributaires de la conclusion d’un contrat  avec le FMI.

En effet, Akihiko Tanaka a indiqué, lundi, à Tunis, que son pays examinera la possibilité d’une assistance financière au profit de la Tunisie, une fois qu’un accord de financement avec le Fonds Monétaire International (FMI) sera conclu.

« L’accord avec le FMI servira de base de discussions avec les institutions financières dont la JICA », a-t-il déclaré lors d’un point de presse.

À l’issue de cet accord, la Tunisie sera appelée à mettre en œuvre les réformes économiques nécessaires. Une fois ces réformes engagées, le Japon sera prédisposé à lui apporter une assistance financière »,a-t-il ajouté.

« Cela veut dire que quand la Tunisie cherchait une alternative au financement du FMI, finalement nous sommes toujours tributaires de ce dernier », indique Hadidane.

Les Japonais ne sont pas des mécènes

L’association Tunisian Smart City s’est vu accepté 7 projets sur les 14 proposés à la Chambre de commerce et d’industrie tuniso-japonaise. A cet égard, le président de TSC, Borhene Dhaouadi a indiqué que l’important était de présenter des projets viables.

« Je crois que la Tunisie n’a pas vraiment compris la vocation du TICAD. Ce n’est pas le financement de projets tunisiens mais africains avec des partenaires japonais. C’est le Japon qui a défini une enveloppe de 30 milliards pour l’Afrique. Mais ce ne sont pas des mécènes. Il faut bien comprendre qu’ils  viennent faire du business et donc leur présenter des vrais projets économiques, bancables, viables ainsi que des projets concrets comme ceux qui concernent les infrastructures », explique-t-il.

Ainsi, les 14 grands projets présenté par Tunisian Smart City concernent pour la plupart des méga-projets d’infrastructure, qui varient entre 200 millions et 5 milliards d’euros.

« Il s’agit de projets qui concernent les secteurs portuaires et logistiques, le développement urbain, de santé, le digital, l’agriculture et le transports. Il faut des projets structurants et fédérateurs avec des modèles économiques rentables », poursuit Dhaouadi.

Ainsi, pour exemple, TSC propose pour les infrastructures sanitaires de mettre en place un programme de restructuration sur 10 ans en transférant la dette sur le secteur privé. « L’Etat va payer une espèce de leasing. Quand L’Etat met 8 ans pour faire un hôpital, le privé met 1 an », ajoute-t-il.

Pour le reste, TSC propose des projets de partenariat public/privé  qui n’engagent l’Etat que très peu financièrement. « On propose de sélectionner les projets qui sont soutenables. Comme un port par exemple. Il s’agit de faire une concession de 40 ans au secteur privé. L’avantage c’est que l’Etat n’a aucun frais d’entretien et les frais de maintenance, d’étude, de réalisation et d’exploitation sont calculés dans les accords globaux », explique le président de Tunisian Smart City.

Wissal Ayadi