Le tourisme de congrès, une opportunité de croissance pour la Tunisie, à condition d’investir!

02-12-2022

Au lendemain du Sommet de la Francophonie, il en est sorti une certitude: la Tunisie est capable d’accueillir et d’organiser des événements d’envergure internationale. C’est dans ce sens, que le président Kaïs Saïed a exhorté le ministre du Tourisme, Moez Belhassen de mettre les moyens en oeuvre afin de développer ce que l’on appelle le tourisme de congrès ou d’affaire.

En Tunisie, ce secteur peine à se renouveler après la crise du Covid-19, qui a freiné cette activité.

Pourtant, le tourisme de congrès pourrait constituer un levier de recettes important pour le tourisme dans son ensemble.

Pour en savoir plus, nous nous sommes adressés à Riadh Kôoli, directeur associé de l’agence « My Agency », spécialisée entre, autres dans l’organisation de congrès.

Un touriste de congrès dépense 3 à 5 fois plus qu’un touriste balnéaire

Si la Tunisie est connue et  plus connue pour le soleil et ses plages de sable blanc, elle l’est moins pour le tourisme dit de congrès ou d’affaires.

Pourtant ce secteur constitue une part importante du secteur touristique tunisien. Les principaux clients sont les ONG et les laboratoires pharmaceutiques qui ne lésinent pas sur les moyens afin d’organiser des séminaires et des congrès.

Selon Riadh Kooli, le premier avantage au développement du tourisme de congrès réside dans la saisonnalité de ce dernier. En effet, l’affluence touristique est surtout réalisée de juin à septembre, alors que l’organisation de congrès ou de séminaires peut prendre place tout au long de l’année.

« Il vient en complément du tourisme classique, dit balnéaire sans se chevaucher », affirme Kooli.

Riadh Kooli / Directeur associé « My Agency »

Par ailleurs, en terme de recettes touristique, le tourisme de congrès est bien plus rentable. Le ticket moyen du touriste de congrès est 3 à 5 fois plus important que celui d’un touriste balnéaire. « C’est un ratio qui n’est pas propre à la Tunisie, mais aussi dans le monde entier. En Tunisie il peut être même plus important aux vues de la dévaluation du dinar par rapport à l’euro notamment », ajoute le professionnel.

Par ailleurs, le tourisme de congrès fait travailler toute une chaine de prestataires. Un touriste classique, qui vient profiter de la plage et du soleil, en règle général, prend un vol charter, une fois arrivé, il est transféré à l’hôtel et n’en sort que très peu. Même les excursions qui étaient très prisées d’antan sont en perte de vitesse.

De son côté, un congressiste prendra un vol régulier, souvent de la compagnie nationale Tunisair. Lors de son séjour à l’hôtel il se dirigera vers des prestations dites « extra », puisqu’il profitera des restaurants de l’hôtel (hors offre comprise dans le type de pension choisi) ou des restaurants qui sont en dehors du complexe hôtelier.

Lors de congrès ou de forums, ce sont également des prestataires techniques qui sont appelés à travailler (son, lumière, écrans, traducteurs…), ainsi que toutes les sociétés qui agissent dans ce domaine et qui fournissent par exemple les hôtesses d’accueil, les traiteurs, les entreprises d’impressions de badges, les transporteurs qui fournissent les voitures de location qui permettent les déplacements des participants, etc. « En tout, dans un devis de type séminaire, forum ou congrès ce sont au minium 5 ou 6 prestataires qui sont appelés à travailler », nous dit Riadh Kooli.

Les pays développés ont déjà investi dans ce secteur depuis plus de 15 ans, voyant les grandes opportunités qu’il peut offrir et le lever de croissance qu’il génère. « En Tunisie, nous avons pris un certain retard par rapport à d’autres pays voisins comme le Maroc ou l’Egypte », déplore-t-il.

La Tunisie doit se doter des équipements et infrastructures adéquates

Un client qui veut organiser ce type d’événement à des demandes qui sont spécifiques. D’abord, il faut savoir que ce sont des séjours qui sont généralement courts (3 à 4 jours en moyenne). Si ces séjours sont express, comme mentionné plus haut, le client dépensera 3 à 5 fois plus qu’un touriste classique qui séjournera une semaine.

Pour Riadh Kooli, dans un premier temps, le tourisme de congrès demande une desserte aérienne régulière avec une offre de destination qui doit être importante. « Il y a des participants qui peuvent venir d’un seul et même pays mais de différentes villes ou d’autres qui viennent de pays différents. Or Aujourd’hui nous avons des difficultés de ce côté là puisque nous savons que la compagnie Tunisair ne dispose pas d’une offre de rotation efficace. Nous avons aussi des difficultés à trouver des vols car nous ne disposons pas de l’Open Sky qui permet aux compagnies d’atterrir dans tous les aéroports du pays ».

Sur ce point, le professionnel, assure que la Tunisie est en retard par rapport à d’autres destinations concurrentes, comme le Maroc, où toutes les grosses villes du Royaume sont des villes de congrès. « Marrakech, Casablanca, Rabat ou Agadir. Toutes ces villes ont des aéroports qui accueillent parfois trois vols par jours venant de la même destination. Il faut également une régularité aérienne qui permettra aux congressiste de pouvoir rester 24h sans qu’ils n’aient à attendre un vol deux jours après », relève Kooli.

Il faut par ailleurs, pouvoir avoir des lieux d’accueil pour les congrès. Ainsi, au niveau de l’infrastructure, la capitale Tunis, a réussi a disposer de lieux capable d’accueillir ces événements grâce notamment au Palais des Congrès et la Cité de la Culture. A ce jour, ceux qui ont aussi réussi ce pari sont Djerba, qui a pu grâce au Sommet de la Francophonie mettre à jours ses équipements, et Hammamet avec le Médina Center (qui est tout de même très obsolète)… Une offre toujours insuffisante pour devenir un pôle d’attractivité.

Si Tunis est capable de drainer de congrès de grande ampleur, il faut avoir un Parc hôtelier qui s’y prête qui convient à tous les types de budgets.

Il faut également avoir du matériel roulant qui s’adapte. « Aujourd’hui, il y a une problématique qui se pose sur cette question . Celle de l’annulation de l’avantage fiscal, octroyé pour les véhicules qui sont demandés pour ce type d’événements, comme les mini-van, véhicules de luxe, etc. A cause de la perte de cet avantage fiscal (depuis 8 ans), les agences de voyages ne peuvent plus se les procurer », nos dit Mr Kooli.

L’Etat doit impulser le développement du tourisme de congrès

Aujourd’hui, dans le monde, ce sont les villes elles-mêmes qui investissent dans le tourisme de congrès pour drainer cette clientèle. « Ce ne sont pas seulement des initiatives privées mais des projets impulsés par les pouvoirs publiques. Ils savent qu’une salle de congrès est difficilement rentable et qu’ils ont donc besoin d’un partenariat avec le secteur privé pour faire fonctionner ces infrastructures. C’est ce qu’on appelle les conventions-bureau », nous dit Riadh Kooli.

Les majorité des grandes villes du monde disposent de ce que l’on appelle un Convention Bureau. Il s’agit d’un bureau qui permet la promotion de ces villes pour l’organisation de congrès internationaux. Appelé MICE (Meetings, Incentives, Conventions and Events), cet acronyme anglais désigne l’ensemble des activités hôtelières et touristiques liées aux événements d’entreprise : séminaire, meeting, convention, conférence, ou encore team building.

C’est au début des années 2000 que le Tunis Convention Bureau a ouvert. Si dans d’autres pays, il est financé au niveau des municipalités, en Tunisie plusieurs organismes ont participé à sa création : l’ONTT, la ville de Tunis, Tunisair, la foire des congrès du Kram ainsi que les hôtels Sheraton et Mouradi. Cette structure a permis à la Tunisie d’être présente dans les salons spécialisés afin d’attirer des marchés. Mais après plusieurs années, elle a finalement fermé ses portes faute d’engagement de la part des parties publiques.

« Il faut construire des salles de conférences dans les zones touristique. Aujourd’hui Hammamet est une aberration en la matière. La zone de Hammamet Sud qui dispose de dizaines d’hôtels à l’abandon devrait pouvoir renaître grâce au tourisme de congrès, si on y construit les infrastructures qu’il faut », conclu Riadh Kooli.

Wissal Ayadi