Tunisie/ Crise de l’exécutif : Affaire des vaccins, gare à la dislocation de l’administration

01-03-2021

La crise de l’exécutif n’a fait que trop durer, ses conséquences sont dramatiques sur l’image du pays, et sur le fonctionnement des rouages de l’Etat. Le communiqué de Carthage et le contre-communiqué de la Kasbah, sur les vaccins contre le coronavirus reçus par la présidence, est une preuve supplémentaire que cette crise est en train de porter préjudice à l’Etat, de le rabaisser, et d’accentuer le sentiment d’incertitude et de désespérance parmi les Tunisiens.

Dans plusieurs pays du monde, on a assisté à des démissions de ministres et autres responsables, sur fond de scandales pour avoir été vaccinés et faire bénéficier leurs proches de cette fameuse injection, dans le cadre de passe-droits et en dehors de la campagne de vaccination officielle. C’est dire combien cette question est délicate à l’heure où la planète est en train de payer le plus lourd tribut au malin virus.

En Tunisie, le vaccin se fait toujours attendre ; les autorités sanitaires rassurent jour après jour l’opinion publique sur son arrivée imminente, et minimisent le retard enregistré en la matière, là où d’autres pays, y compris similaires au nôtre, ont déjà vacciné une bonne proportion de leur population.

Un bruit a couru depuis hier dimanche, selon lequel le vaccin contre le Coronavirus serait arrivé en Tunisie et aurait profité à de hauts responsables et des politiques. Une information qui s’est révélée, a posteriori, moitié vraie, moitié fausse.

Une mise au point a été faite ce matin par Carthage,  selon laquelle la présidence a reçu 500 vaccins des Emirats arabes unis, qui ont été transmis, sur ordre de Kaïs Saïed, à la direction générale de la médecine militaire. Ce à quoi, la présidence du gouvernement a réagi, par l’annonce d’une enquête immédiate ordonnée par Hichem Mechichi sur les circonstances de l’entrée de ces doses de vaccin.

Pour la petite histoire, la Tunisie a mis en place une stratégie nationale de vaccination chapeautée par le ministère de la Santé. Les vaccins utilisés dans ce cadre devront converger vers la même adresse, celle de Bab Saâdoun et les structures qui lui sont rattachées. Aucun vaccin ne peut entrer en Tunisie, à l’insu du comité scientifique, ou de la commission nationale de vaccination. Tout vaccin ne peut entrer dans le pays que  s’il est validé, et doté de la fameuse AMM, Autorisation de mise sur le marché.

Le ministère de la Santé a autorisé jusque-là deux vaccins, l’américo-allemand, Pfizer BionTech, et l’anglo-suédois AstraZeneca.

Aucun vaccin provenant d’un autre laboratoire ne peut être introduit sur le territoire national. La présidence n’a pas révélé le nom, ni le laboratoire, à l’origine des doses de vaccin émiratis, mais, selon des informations concordantes, les Emirats arabes unis qui ont commencé leur campagne de vaccination en décembre dernier, utilisent le vaccin du laboratoire chinois, Sinopharm.

Le sens de l’Etat, une formule si chère au défunt Béji Caïd Essebsi 

La médecine militaire connue pour son sérieux et ses compétences, va certainement s’assurer de la qualité et de l’efficacité de ce vaccin. Il y aura certainement coordination avec la médecine civile, le centre de pharmacovigilance, etc. mais ce cafouillage aurait pu être évité si les instituions travaillaient en parfaite symbiose, avec l’échange d’informations et la coordination nécessaire.

Les institutions de l’Etat ne peuvent travailler en vase clos et en rupture les unes avec les autres, en composant chacune avec les entités et les directions qui sont sous sa tutelle, avec tout le risque que cela comporte, de dislocation de l’entité administrative, alors que l’administration tunisienne est une, et le système de Santé en un et indissociable, avec sa médecine militaire et sa médecine civile.

L’absence de coordination au sommet de l’Etat se répercute sur le bon fonctionnement de l’administration, c’est ce qui semble être le cas, avec cette impasse politique interminable.

Le sens de l’Etat, une formule si chère au défunt président, Béji Caïd Essebsi, requiert que l’on s’interdit de bloquer le pays, pendant une si longue période, à l’heure où l’état de la nation est si difficile à tous les égards, et où les alertes et mises en garde des institutions financières et des parties étrangères se succèdent.

La dernière dégradation de la note souveraine de la Tunisie par Moody’s et l’énième avertissement du FMI sur la gravité de la situation économico-financière et le risque d’insoutenabilité de la dette publique, en l’absence de réformes urgentes, devraient faire prendre aux autorités la mesure des défis qui nous guettent, mais c’est loin d’être, hélas, le cas. Plus grave encore, ce statu quo a l’air de se banaliser, en faisant croire que tout continue à fonctionner, et que chaque institution est en train de vaquer à ses occupations normalement.

La Tunisie a besoin aujourd’hui de sagesse, d’esprit de concession et de compromis. La persistance de cette crise mènera le pays à sa perte. Tout à son honneur, celui qui aura le courage de faire le premier pas sur la voie de la résolution de cet imbroglio, pour redonner un peu d’espoir au peuple frappé par une sinistrose qui va en s’aggravant. La grandeur des Hommes se mesure à l’aune de leur humilité, et de leur capacité à s’affranchir des situations les plus inextricables, et non à les provoquer et les faire perdurer. Que dire, lorsque ces Hommes ont la responsabilité d’un pays, et le destin d’un peuple…

H.J.

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Sixtus

Au train où les événements évoluent, les vaccins arriveront comme la grêle après la vendange.