Tunisie : A quoi ressemblera le gouvernement Fakhfakh, après la rencontre tripartite ?

06-02-2020

Est-ce le dégel ? Elyes Fakhfakh est-il revenu à de meilleurs sentiments envers le parti de Nabil Karoui ? C’est encore prématuré de l’affirmer, mais la donne semble carrément changer.

La rencontre tripartite, ce jeudi 06 février, entre Elyes Fakhfakh, Nabil Karoui et Rached Ghannouchi au domicile de ce dernier, constitue un tournant dans le processus de formation du futur gouvernement jusque-là dans l’impasse. Les concertations faisaient du surplace cette dernière période, face à une divergence profonde entre le candidat du président de la république au fauteuil de la Kasbah, et le mouvement majoritaire à l’Assemblée (54 députés) sur la nature du gouvernement en devenir.

Les deux parties campaient obstinément sur leur position. Fakhfakh qui a d’emblée affirmé tirer sa légitimité du président de la république, et des 2,6 millions électeurs qui ont voté pour lui, préconise « une coalition gouvernementale homogène et cohérente » dans l’esprit des résultats du 2ème tour de la présidentielle, dont ne feraient pas partie Qalb Tounes et le Parti destourien libre (PDL).

Le mouvement Ennahdha, lui, exige un gouvernement d’unité nationale, n’excluant que ceux qui veulent s’exclure d’eux-mêmes. Le mouvement n’a cessé de vanter cette dernière période les mérites d’un gouvernement doté d’une large ceinture politique, gage de sa durabilité et de stabilité dans le pays.

Le parti de Monplaisir qui dit ouvertement ne plus faire confiance aux partis, qui se positionnent sur la ligne révolutionnaire, en l’occurrence, le courant démocrate, et le mouvement Echaâb, estime que le pays n’a de salut que dans un gouvernement où Qalb Tounes sera présent, lequel sera solide et résilient, et ne tombera pas au moindre soubresaut, dans l’hypothèse où les partis de Mohamed Abbou ou de Zouhaïr Maghzaoui, ensemble ou séparément, décident pour une raison ou une autre de claquer la porte.

Fakhfakh n’imagine pas un gouvernement sans Ennahdha
Avec sa double sortie médiatique la veille, le matin sur Mosaïque, et le soir sur Hannibal, Rached Ghannouchi a officialisé la position de son mouvement, et a posé des conditions claires à son entrée au gouvernement.

Le président d’Ennahdha n’y est pas allé de main morte, en critiquant le président de la république, qui n’a pas choisi la meilleure personnalité pour former le gouvernement. Il a également fait comprendre à Elyes Fakhfakh qu’il allait connaitre le même destin, que son prédécesseur, Habib Jemli, s’il persiste dans l’exclusion.

Dans ce cas de figure, « le bloc parlementaire d’Ennahdha n’accordera pas la confiance au gouvernement », a-t-il averti, prédisant « l’échec de Fakhfakh à faire passer son gouvernement au parlement », s’il continue à excepter Qalb Tounes de la composition gouvernementale.

Autant de propos qui semblent avoir poussé le chef du gouvernement désigné à revoir ses calculs, à assouplir sa position, et à répondre à l’invitation de Rached Ghannouchi de s’asseoir à trois pour trouver une issue à cette crise et accélérer la formation du gouvernement.

Elyes Fakhfakh qui n’imagine pas un gouvernement sans Ennahdha, va-t-il revenir sur sa position, daigner associer « Au cœur de la Tunisie » à la table des négociations, et prendre ainsi le risque de se décrédibiliser aux yeux de l’opinion. Ou trouvera-t-il une formule pour faire entrer des personnalités qui seraient appuyées par ce parti, comme Fadhel Abdlekefi, sans qu’il ne fasse officiellement partie du gouvernement ?

Rien n’est encore clair pour le moment. De toutes façons, à part Elyes Fakhfakh, lui-même, aucun de ses fervents alliés, en l’occurrence le mouvement Echaâb, le Courant démocrate et Tahya Tounes, ceux qui vont le défendre au parlement, et lui voter la confiance, ne posent de veto à la présence du parti de Nabil Karoui au sein de la coalition gouvernementale en devenir.

Bataille de la répartition des portefeuilles ministériels
Entretemps, les partis sont en train de faire parvenir au chef du gouvernement désigné, la liste des personnalités ministrables qu’ils souhaitent voir au sein du nouveau gouvernement. Une rencontre devrait, par ailleurs, se tenir ce soir à Dar Dhiaffa pour entériner le document contractuel du programme du gouvernement, dans sa version modifiée, comme cela a été convenue lors de la dernière réunion. La validation du document serait un signe de détente et ressuscitera l’espoir pour l’avènement imminent du gouvernement, ce qui est de nature à mettre un terme à cette période creuse qui n’a fait que trop durer, et qui fait que le pays soit quasiment à l’arrêt.

Elyes Fakhfakh ne dispose plus de beaucoup de temps. Plus de la moitié de la période constitutionnelle s’est écoulée. Le fameux article 89 accorde à celui qui a été chargé le 20 janvier dernier à cette lourde tâche, un mois pour former son gouvernement, le présenter au président de la république, et le soumettre au vote de confiance à l’Assemblée.

Pourvu qu’une nouvelle bataille ne soit ouverte sur l’attribution des portefeuilles ministériels, et que les choses soient conclues rapidement pour éloigner les hypothèses évoquées cette dernière période, comme cet appel au président de remplacer Elyes Fakhfakh tant que la période d’un mois n’est pas finie, ou cette idée de recourir à des élections anticipées vers lesquelles Ennahdha semblent pousser…mais qui ne sont nullement dans l’intérêt du pays, dont la situation appelle urgemment à un gouvernement, investi de pleins pouvoirs.

H.J