Tunisie : Face à la flambée des prix, les familles ont dû jongler pour subvenir aux besoins de la rentrée

14-09-2021

Après le budget consacré aux vacances d’été, les familles ont été confrontées cette dernière période aux frais de la rentrée scolaire. Il s’agit bien de grosses dépenses pour les parents, qui devaient assurer l’achat des cartables, tabliers, fourniture, nouveaux vêtements, et payer les inscriptions des activités parascolaires…S’y ajoutent les dettes, les factures et les frais de la consommation quotidienne… Avec cette longue liste de courses à n’en plus finir, la rentrée est devenue pour bien des familles, une source de stress financier.

Les familles nombreuses et même celles nucléaires doivent planifier un budget serré. Chose qui n’est pas évidente avec la déferlante d’inflation, l’envolée des prix, la dégradation du pouvoir d’achat,  et le marasme économique, accentué par les crises sanitaire et économique.

D’hypothétiques rentrées d’argent

Comment les parents parviennent-ils à gérer leurs budgets restreints pour subvenir aux besoins de leurs enfants en cette rentrée scolaire ? Comment les couples répartissent-ils les dépenses pour garantir un retour en classe sans faille ?

Depuis fin Août, début septembre, les parents ont commencé à prendre le  chemin des grandes surfaces pour faire les achats de la rentrée scolaire. Pour de nombreuses familles, tout est, désormais, fin prêt pour le jour j, elles ont réussi non, sans difficultés, à faire les emplettes scolaires, de manière à ce que la journée de demain, de nature stressante, soit la mieux détendue possible. D’autres néanmoins ont encore d’importantes courses à faire, en attendant des hypothétiques rentrées d’argent. Quoiqu’il en soit l’école reste sacrée pour le commun des Tunisiens, ils seront prêts à tous les sacrifices pour ne pas en priver les enfants, et leur garantir un avenir plus reluisant que le leur.

Les annonces des promotions, et de la vente des fournitures scolaires aux prix de revient dans les supermarchés et hypermarchés ont, quand même, créé la bousculade entre les rayons, même si les effets réels sur le porte-monnaie restaient à vérifier.

Pour Kaouther une jeune maman d’un enfant de 5 ans, la priorité a été attribué au sac à dos et au panier du gouter, qu’elle a acheté à 50 dinars d’un magasin bon marché.

 « Je ne peux pas me permettre plus, car j’ai encore à payer la garderie dont le cout s’élève à 300dt mensuels, plus le cout des clubs de musique et de Karaté à 120 dt les deux…Alors que j’ai déjà un séjour en hôtel à rembourser chaque mois, par des chèques de 240 dt ».

En l’interrogeant sur la répartition du budget avec son mari, elle nous a répondu que lui, s’occupe des factures de la maison ; de la nourriture et de la consommation quotidienne en général. « Quant à moi, avec un salaire de 1200 dt, j’arrive à peine à clôturer le mois, sans passer au découvert bancaire », déplore-t-elle.

La maman de Baya, 6 ans, nous a confié que ses parents l’ont aidé cette année pour la rentrée en première année primaire de sa fille. «  Je suis une mère célibataire, et je n’ai pas reçu ma paie des 3 derniers mois, pourtant je suis haut cadre mais dans une  société d’import-export en faillite, depuis l’apparition de la pandémie du Covid-19. Avec mes difficultés financières, j’ai regagné le domicile de mes parents, qui se sont occupés des frais de la rentrée scolaire de ma fille », nous indique-t-elle.

Dans une autre famille en difficulté financière, avec un père épicier dans un quartier populaire et une mère au foyer, leurs 3 enfants reçoivent souvent les vêtements, cartables, tabliers, et fourniture réutilisables de leurs cousins plus âgés. Ça leur revient moins cher et plus économique.

Concernant les fournitures scolaires, Jalila, leur maman nous a confié qu’elle leur a appris d’être attentifs aux étiquettes pour éviter les surprises à la caisse.

« Avec la flambée des prix, nous achetons les fournitures de la librairie du coin, pour bénéficier d’un crédit. Gérer les achats de 3 enfants nécessite un budget de 600 dt au minimum, alors que mon mari fait à peine 1000 dinars à la fin du mois. Les clients de mon mari à l’épicerie s’endettent souvent et le remboursent tardivement, à cause du chômage qui règne dans notre quartier. Ceci nous a plongés également dans ce cercle vicieux des crédits… ».

Plus organisé, un fonctionnaire public nous a précisé que lui et sa femme enseignante, partagent un compte d’épargne dédié aux évènements occasionnels comme la rentrée, les vacances, l’Aïd, une rénovation ou réparation.

« Budgéter 50-50 est la formule que nous avons privilégiée ma femme et moi. Chacun contribue avec la moitié des dépenses ou de l’épargne, peu importe son salaire ou ses dépenses personnelles. Cela fonctionne bien lorsque les deux conjoints ont des revenus similaires, mais également des dettes semblables ».

Selon lui, cette année, la rentrée scolaire de ses deux enfants de 15 et 16 ans qui étudient dans un lycée privé, lui ont couté pour l’instant 500 dinars chacun pour les vêtements, et 1200 dinars les frais d’inscription.

« Nous avons payé le tout avec un crédit de consommation, par lequel nous avons aussi payé nos vacances à Hammamet. Pour la rentrée, les jeunes cherchent à s’habiller avec des vêtements de marque surtout les adolescents. Le cartable doit être à la mode, les baskets aussi. Il est inconcevable pour eux de porter une ancienne tenue, ou de regagner la classe avec un sac à dos réutilisé. A part les dépenses sur les vêtements, vient l’achat des livres scolaires, et des fournitures… Cette période de l’année est parmi les plus difficiles pour notre budget, ça demande beaucoup de sacrifice et de privation, pour pouvoir subvenir aux besoins des enfants… », déplore-t-il.

Emna Bhira