Tunisie : L’université partagée sur le retour à l’enseignement présentiel

20-09-2021

Finis les cours en visioconférence et à distance. Cette année universitaire 2021-2021,  100% des étudiants vont pouvoir reprendre leurs cours en présentiel dans tous les établissements universitaires du pays.

 Après deux ans de cours entrecoupés, de confinements successifs, et d’apprentissage perturbé, les enseignants ainsi que les étudiants sont-ils favorables à cette décision du ministère de l’enseignement supérieur ? Les établissements universitaires sont-ils préparés au passage d’un mode à l’autre ? Y aura-t-il une phase de réadaptation pour réussir le retour des cours en présentiel ?

Interrogés à ce sujet par Gnetnews, plusieurs étudiants et enseignants ont assuré qu’ils ne souhaitent qu’une chose, retrouver les auditoriums. Malgré la hausse de l’effectif des vaccinés au sein du corps enseignant et en milieu estudiantin, certains demeurent réticents, craignant que l’enseignement conventionnel ne soit un vecteur de  virus.

Lassitude envers l’enseignement à distance

Ines Riahi, enseignante d’informatique à la Faculté des sciences de Tunis (campus universitaire-El Manar), est lassée du télé-enseignement, elle s’est sentie soulagée par son retour en classe. La mise en place d’un centre de vaccination au sein du Campus permettra d’inciter les étudiants à se faire vacciner, ce qui permettra de mieux réussir cette rentrée en présentiel, indique-t-elle.

« Par ailleurs, le contact direct avec les étudiants est très important. En donnant des cours en ligne, l’enseignant n’est pas sûr que les étudiants aient assimilé les informations. L’interactivité et le taux de participation baissent. Il existe aussi des personnes qui enregistrent la visioconférence, pour la regarder plus tard, ce qui impacte leur niveau d’appréhension, vu qu’écouter le professeur est le meilleur moyen de saisir d’importantes précisions ».

Cette enseignante universitaire nous a dévoilés également que plusieurs étudiants ont raté leurs cours car ils n’avaient pas une bonne connexion Internet ou un ordinateur, ou encore un smartphone avec une 3G trop cher pour leurs petites bourses.

L’enseignement à distance n’a pas, toutefois que des inconvénients. « L’année dernière, les enseignants ont pu avancer plus rapidement dans leurs programmes. Une séance en ligne équivaut à 2 ou 3 séances en présentiel. En classe, plusieurs étudiants arrivent en retard, bavardent et posent plus de questions, tout ce temps perdu est gagné à distance ».

Pour Meriem H., une autre enseignante à l’Institut supérieur des langues appliquées et d’informatique de Béja (ISLAIB), le télé-enseignement n’est pas à 100% réussi.

« Dans cet institut qui accueille une majorité d’étudiants habitant dans des régions éloignées de Béja où il n’y a pas une couverture internet, le taux de présence à distance est de 40%. Pour la matière que j’enseigne, il n’y a pas eu de problèmes, les cours étaient fluides et les TP étaient suivis à distance. En plus les personnes qui étudient l’informatique, maitrisent le numérique et les nouvelles technologies.  En revanche, pour d’autres disciplines comme les langues, certains ont eu du mal à suivre leurs cours de théâtre, d’art dramatique et de langue en distanciel ».

Des craintes persistent avec le manque des moyens de prévention

Avec la persistance de la pandémie du Covid-19 en cette année universitaire 2021-2021, cette enseignante a exprimé son inquiétude avec le retour à l’enseignement conventionnel. « Les enseignants de l’ISLAIB sont en train d’étudier la possibilité de répartir les classes de TP en groupes d’une dizaine de personnes, afin de limiter les risques de contamination, puisque durant ces cours, les étudiants utilisent le même poste de travail sur ordinateur. Pour les TD, nous allons garder le même nombre d’étudiants, une vingtaine, puisqu’ils se tiennent souvent dans des amphithéâtres ».

L’enseignante a souligné que cette initiative exigera le recrutement d’experts, vacataires et de contractuels afin de pouvoir gérer le volume horaire des différents groupes, dont le nombre augmentera avec la nouvelle répartition des classes. « Sinon, pour accueillir les étudiants dans les meilleures conditions, le port du masque en cours et  la distanciation sociale ne suffiront pas. Il faudra penser à d’autres alternatives »,  a-t-elle conclu.

A cet effet, Zied Ben Amor le porte-parole de IJABA, a évoqué le manque de moyens de prévention  dans les établissements universitaires.

Dans un entretien accordé à Gnetnews, il estime que ministère de l’Enseignement supérieur n’a pas mené les préparatifs qu’exige le contexte sanitaire actuel. Les professeurs et les étudiants sont livrés à eux même, a-t-il ajouté, soulignant que la décision du département exposera les milliers de personnes aux risques de contamination.

« L’année dernière, des enseignants, administratifs, et personnel scolaire ont décédé des suites du coronavirus, qu’ils ont attrapé au début de l’année sur le lieu de travail. Cette année, les dispositions qu’IJABA a préconisées n’ont pas été prises en considération. Le retour au régime présentiel, se fera en l’absence d’un protocole sanitaire, la non existence d’appareils de mesure de températures, ni de gel hydroalcoolique ou encore l’obligation du port du masque à l’entrée. Sans parler, de la non existence des statistiques concernant la vaccination du corps enseignant », déplore-t-il.

Malgré ces insuffisances, la reprise du cours en classe trouve une large approbation. Plusieurs étudiants y sont favorables. C’est le cas de Ghofrane, étudiante en 2ème année Management, à la Faculté des sciences économiques et de gestion de Tunis (FSEG), qui nous a confié qu’elle a ras le bol de suivre ses cours devant un écran.

« Il est vrai que les enseignants ont fourni des efforts louables pour nous expliquer nos leçons à distance, et nous corriger aussi nos exercices, mais rien ne vaut la présence en classe, la communication avec ses profs et ses camarades », dit-elle.

Wided, une étudiante à FSEG aussi, nous a parlé de son professeur qui leur a enseigné un cours en étant atteint du Coronavirus. « Nos enseignants se sont donnés à fond lors de cette période de télé-enseignement, pour nous voir réussir. Certains ne maitrisent pas le digital mais ont dû s’adapter, mais le manque de motivation a gagné les étudiants. Le fait d’étudier de son lit, et d’être entouré de sa famille, n’encouragent pas à étudier chez soi. J’ai besoin des conditions propres à la classe, pour que je puisse me concentrer ».

Rim, une étudiante en première année économie, qui a vécu très mal l’enseignement à distance, ne partageait pas le même avis. « Nos enseignants ne respectaient pas nos emplois du temps. Ils se permettaient de donner des cours le soir, ou quand cela leur chante, sans nous prévenir à l’avance. En plus, j’ai raté une matière principale, qui demande l’usage d’un PC, alors que j’en dispose pas», nous confie-t-elle.

Emna Bhira