Tunisie/ Mariages : Outia, Henna, Hammam, Hezen Farch…les traditions survivent à la modernité !

29-07-2022

Le mariage est une étape cruciale dans la vie du couple. Il s’agit non seulement d’un couronnement d’une relation d’amour et d’harmonie entre les fiancés, mais aussi un grand évènement pour leurs parents, qui souhaitent célébrer cette union pour la vie, comme il se doit !

En Tunisie, cet heureux évènement est souvent célébré, selon les traditions, tout au long d’une semaine, 7 jours et 7 nuits. Lors de cette période de festivités qui précède la nuit de noce, la mariée portera près de 4 robes différentes selon le thème de la soirée ou du programme de la journée, Outia, Henna, Jeloua, Hammam, Hezen Farch, Zhez…Du côté du futur époux, il célèbre ses noces selon les us et les coutumes de sa famille et de sa ville d’origine…

Mais avec l’évolution des mentalités et le cout élevé du mariage, les familles et les couples de nos jours, s’attachent-ils encore à ces traditions ancestrales ? Ces rituels ont-ils survécu, mises au gout du jour, ou sont-elles en train de se perdre ? Des jeunes mariés ont accepté de répondre à nos questions.

Traditions et rituels à travers les régions

En effet, chaque région en Tunisie a ses propres traditions et rituels en ce qui concerne le mariage. L’ordre de ces festivités doit être respecté selon les règles locaux du mariage, qui sont communs dans tout le pays…Le programme débute avec la réception des trousseaux de la mariée, les cadeaux offerts par le mari de vêtements, lingerie, maquillage, plus le Zhez qu’elle exposera dans des trousseaux…Le lendemain  les tantes, cousines et amies de la mariée accompagnent la future épouse dans sa nouvelle maison pour déballer  son Zhez devant les convives, il s’agit du Hazzen Farch. La troisième journée est consacrée au Hammam de la fiancée. Le quatrième jour est dédié à la Henna, le cinquième au Harkous, et le sixième jour à l’Outia.

Durant cette soirée, au Sahel, la future épouse porte une Jelwa. Il s’agit d’un costume traditionnel de la région, dont la Farmla (le haut) est confectionné de fils d’or, entièrement brodé et très lourd à porter…

Jelwa, l’habit traditionnel de la mariée du Sahel
Hrem de Mahdia, l’habit porté par la mariée durant sa Outia
Tarayoune de Kairouan, l’habit traditionnel de l’Outia

A Tunis, les mariées portent une autre tenue composée d’un haut « Fouta » et d’une jupe « Blouza ». A Kairouan la fiancée doit porter deux tenues dont un Tarayoune, une tenue noire brodé en fil d’argent et d’or…A Sfax la mariée fait sept sauts par-dessus un poisson, un rituel qui  lui portera bonheur…Durant sa Outia, les invités lui offrent aussi de l’argent en guise de cadeau, qu’elle portera dans un collier de billets… A Mahdia, cette fête est complétement différente.

La mariée couvre sa tête avec un tissu hérité de sa mère (Hrem), qu’elle a porté dans son mariage et le remplace à minuit par un autre porté autrefois par sa belle-mère. L’Outia mahdoise est aussi célébrée avec un Hezb, une troupe de chanteuses femmes, et la soirée est 100% féminine…A Moknine, la mariée passe ces 7 jours, le visage couvert avec un léger voile brodé en or…A Djerba aussi, une fois la date du mariage est fixé, la mariée doit se dérober des regards, et après une semaine de fête elle quitte le domicile parental dans une Jahfa, un palanquin installé sur le dos de chameau, sur lequel elle s’assoit habillée d’une tenue Djerbienne,  qui ne laisse voire que ses chevilles, portant un Khulkhal en or…

Parmi toutes ces traditions, les jeunes ont-ils encore le gout pour les mariages traditionnels ? 

Jahfa, de Djerba

Entre tradition et modernité

En effet, avec le temps, la cherté de la vie et du cout du mariage, les jeunes optent moins pour ces longues festivités. Pour d’autres couples modernes, laisser tomber ces traditions, n’a aucun rapport avec la capacité financière. C’est juste une question de préférences, de gout pour les soirées plus modernes, voire occidentalisées.

C’est le cas de Sirine, une jeune fille de 26 ans qui va se marier cet été, et pour qui les traditions comptent beaucoup. Etant née et vécu en Belgique, elle a opté pour deux mariages différents : le premier célébré à Anvers, le jour de la signature du contrat organisé au bord de la mer. « Notre mariage a été précédé également d’une soirée d’enterrement de vie de jeune fille et de jeune garçon. Mais une fois rentrés en Tunisie, nous allons fêter cet évènement tant attendu par nous, et par nos parents, dans les règles de l’art ! », nous annonce-t-elle fièrement.

Sirine  nous a confié que les festivités pour son mariage, débuteront avec un Hammam une soirée orientale, durant laquelle elle va faire du Henne et du Harkous. Ce programme sera suivi d’un diner avec sa belle famille. Au menu, couscous à l’agneau, et Hlelem pour les jeunes filles qui l’ont accompagné au bain maure. « Ce sont les traditions de la région du Sahel », précise-t-elle en ajoutant qu’elle a fêtera son mariage durant 4 soirées, au lieu de 7.

« C’est ma belle-famille  qui a envie de fêter notre mariage convenablement…Il y aura donc deux Outia une pour moi à la Tunisoise durant laquelle je porterai une Fouta et Blouza et une autre « Tabdila », plus moderne. Ces costumes font partie de notre identité et je ne pourrais pas m’en passer…La deuxième soirée je ferai la Jelwa du Sahel, vu que mon mari est originaire de Sousse…Et puis, pour finir, on fêtera notre mariage dans une salle des fêtes à Sousse, pour pouvoir faire la « Tasdira » dont je rêvais de faire depuis toute petite », nous confie la future mariée les larmes aux yeux.

Pour ce couple, cet évènement est aussi un cadeau pour leurs parents, qu’ils doivent satisfaire et rendre fiers… « Le respect des traditions est sacré dans nos familles. Toutes ces célébrations, sont pour nous une forme d’expression de notre joie, et de valorisation de rituels hérités de génération en génération », a ajouté Bassem le mari…

Nous avons aussi contacté Amina, qui regrette de ne pas avoir pu célébrer comme il se doit son mariage à cause des restrictions de la pandémie du covid-19. « Je me suis mariée en juillet 2021, en plein pic pandémique. Je n’ai pas fait de Henne, Hammam, ou de Tasdira au mariage. Nous avons opté pour une Outia, « Farchen Farch », et une signature de contrat à la municipalité de la Marsa suivi d’une soirée entre amis dans un restaurant…C’était un mariage froid et rapide. Si c’était à refaire, je fêterai cet évènement qu’on célèbre une fois dans sa vie tout le long de la semaine ! regrette-elle. « Mais vu les conditions financières de mon mari à l’époque, et notre budget limité, on ne pouvait pas faire mieux », a déploré Amina avec amertume.

Pour d’autres couples, le mariage est considéré comme la fête des mariés uniquement, qui devrait être organisé selon leurs préférences et gouts uniquement, loin des exigences des belles-familles. C’est le cas de Nader et Leila, qui ont célébré leurs mariages avec des soirées consécutives. « Nous avons opté pour un mélange entre traditions et modernité. Le hammam était pour nous une étape à ne pas rater. Farchen Farch également, qui selon nos traditions doit porter bonheur aux mariés. En effet, durant le Zhez, les belles mères choisissent deux enfants de la famille, une fille et un garçon pour qu’ils s’allongent sur le lit de noce des époux, afin d’attirer la fertilité… », nous explique-t-elle.

Nader et Leila ont aussi organisé deux soirées d’enterrement de vie de jeunes filles et de garçons. Plus une soirée animée par un DJ, qui remplace l’Outia. « Nous avons dansé toute la soirée avec la famille et les amis. Ensuite, nous avons fêté notre mariage avec une Tasdira traditionnelle, dans une salle de fête, suivie d’une autre soirée entre amis à l’hôtel dans lequel nous avons passé la nuit de noce… », nous raconte la jeune mariée.

Pour ce couple, leur mariage était à leur image de bons vivants et de passionnés de fêtes. Pour eux, ils sont su satisfaire la famille comme les amis, dans une ambiance décontractée, sans stress, ni besoin de 3 à 4 robes qui coutent des milliers de dinars…

 

 

                                                                                                                                           E.B