Tunisie : Le 4ème chef du gouvernement du quinquennat, et 11ème après la révolution, sera-t-il dans l’ombre du président, comme l’était sa prédécesseure ?

02-08-2023

La Kasbah a souvent changé de locataire après le 14 janvier 2011, date de la chute de l’ancien régime, une instabilité gouvernementale, ayant beaucoup nui au pays, et traduit une fragilité mêlée à une immaturité du système politique consécutif à la révolution.

Ahmed Hachani, nommé hier, en tant que nouveau chef du gouvernement, par Kaïs Saïed, en succession à Najla Bouden est le 11ème à accéder à la présidence du gouvernement en un peu plus de 12 ans.

Il est, par ailleurs, le 4ème chef du gouvernement du quinquennat du président en exercice entamé en octobre 2019. Sans compter Habib Jomli, un candidat d’Ennahdha à la primature, dont l’aventure s’est terminée avant d’avoir commencé, avec l’échec de son gouvernement à obtenir la confiance à l’Assemblée, à l’issue de longues tractations pour sa formation.

Les chefs du gouvernement de Kaïs Saïed

C’est alors que Kaïs Saïed avait pris les devants, et choisi Elyes Fakhfakh, en tant que chef du gouvernement, mais sa mission a tourné court, et a duré juste quelques mois (27 février 2020 – 2 septembre 2020), obligé qu’il était de démissionner sur fond d’une affaire de conflit d’intérêts.

Saïed a nommé dans la foulée, Hichem Méchichi, alors ministre de l’Intérieur dans le gouvernement Fakhfakh. Mais, là aussi, les choses n’ont pas fait long feu.

Les relations entre les deux hommes étaient d’emblée émaillées de tensions, Méchichi, investi le 2 septembre 2020, a fini par être démis de ses fonctions le 25 juillet 2021, dans le cadre des mesures exceptionnelles alors annoncées par le président de la république, où il avait aussi gelé les travaux de l’ancienne assemblée, issue des législatives de 2019.

Najla Bouden était, dans la foulée, nommée, en tant que cheffe du gouvernement ; c’était la première femme à avoir franchi le plafond de verre, et à occuper cette fonction au sommet de l’Etat. Sa mission devait se limiter à la période d’exception, laquelle est arrivée à son terme le 17 août 2022 avec la promulgation de la nouvelle constitution, mais son mandat est allé au-delà. Investie le mardi 12 octobre 2021, Najla Bouden était démise de ses fonctions hier, mardi 01er août 2023 par le président de la république, cédant son fauteuil  à ce juriste retraité et ancien haut cadre de la BCT, jusque-là inconnu du public, du nom de Ahmed Hachani.

Le gouvernement reste, mais change de chef

Le chef du gouvernement change, mais le gouvernement reste, si l’on croit le déroulé des évènements, les communiqués de la présidence de la république, et l’allocution du chef de l’Etat. Ahmed Hachani n’a pas été chargé de former un nouveau gouvernement, mais de diriger le gouvernement déjà installé, objet de plusieurs départs de ministres et mini-remaniements effectués par Kaïs Saïed, et de partager ainsi « la fonction exécutive » avec le  président de la république.

Il n’aura pas aussi à passer devant l’Assemblée pour que sa nomination soit validée étant donné qu’il a déjà prêté serment. Hachani aura, selon toute vraisemblance, à s’exprimer à l’hémicycle à la rentrée parlementaire pour présenter les grands axes de sa politique.

Reste à savoir s’il sera dans l’ombre du président, comme l’était sa prédécesseure, Najla Bouden ? Ou s’il va apporter ses marques, et avoir un autre type de rapports avec le chef de l’Etat. Il faudrait voir l’homme à l’œuvre et l’écouter s’exprimer pour en juger. Le chef du gouvernement, dont le statut s’apparente, plutôt, à un Premier ministre dans la constitution du 25 juillet 2022, sera, néanmoins, sous les ordres du président de la république, qui est le seul à tracer la politique générale, comme il a lui-même affirmé, et aura, ainsi, à lui rendre des comptes.

Quoiqu’il en soit, une mission colossale et un travail titanesque attendent le 11ème locataire de la Kasbah d’après la révolution, pour sortir la Tunisie de cette situation inextricable, et de cette crise multiforme et sans précédent, à laquelle elle est confrontée.

« Remets-toi à Dieu et commences à assumer ce dépôt (Amanah الأمانة ) que tu portes avec moi Â», lui a lancé le président de la république, à l’issue de sa prestation de serment, intervenue mardi 01er août dans la nuit.

La Rédaction