Tunisie : Les parents gagnés par la peur d’une année blanche, face au chaos à l’école publique !

26-10-2022

Depuis le début de la rentrée scolaire, c’est le chaos au sein de l’enseignement public de base. En grève depuis plus d’un mois, les enseignants vacataires réclament leur titularisation, à défaut les cours ne seront pas dispensés.

En dépit des propositions conséquentes des autorités quant aux régularisations, la position syndicale n’a pas changé et menace d’escalade dans les revendications.

Tout cela au détriment des enfants, des parents et de l’Etat qui semble impuissant face à cette situation.

« J’ai peur que cette année soit une année blanche et qu’ils réussissent pas »

Selon le syndicat de l’enseignement de base, plus d’un million d’élèves sont privés de cours. D’après le ministère de l’Education, plus de 150.000 élèves n’ont toujours pas fait leur rentrée et n’ont pas rejoint leurs classe à ce jour. Quelque soit le chiffre, aucun élève ne devrait être privé d’école à cause de revendications qui les dépassent…eux qui ne demandent qu’à étudier.

Lilia, maman de deux garçons scolarisés dans une école primaire du Grand-Tunis, n’en peut plus. Elle angoisse pour ses enfants car un certain nombre de leurs cours ne sont pas assurés faute de professeurs. « Je ne comprend pas. Je suis complètement désemparée. Mes enfants ont seulement 3 matières dispensées. Parfois ils ont une heure de cours dans la journée, parfois ils ne vont même pas à l’école. J’ai peur que cette année soit une année blanche et qu’ils réussissent pas », nous dit-elle démunie face à cette situation, qui elle aussi la dépasse.

Des témoignages comme ceux-là , il en existe des milliers. Pour Ridha Zahrouni, le Président de l’Association des parents et élèves de Tunisie, ce qui se passe est dégradant pour l’image de l’école publique. « J’ai honte et je me sens marginalisé en tant que parent. Quand je passe devant les établissements privés et que je vois les élèves qui vont à l’école et qui ont bien entamé leur année sans entrave et que dans l’école publique il y a entre 150.000 et 400.000 élèves qui n’ont toujours pas commencé l’année, je trouve ça désolant, affligeant et révoltant! », déplore-t-il.

Il explique, par ailleurs, qu’il y a des facteurs exogènes qui seraient en train de corrompre notre système éducatif. « La question est de savoir si aujourd’hui s’il s‘agit réellement d’un problème financier, ou d’un problème de nomination, ou d’autres éléments qui nous dépassent et que l’on ne veut pas dire aux parents », s’interroge Zahrouni.

En effet, les dessous de ce conflit restent encore très flous. D’un côté le ministère de l’Education affirme qu’il est en train de régulariser la situation des enseignants qui protestent et que l’impact financier sera quasi absent puisqu’ils vont être rémunérés au même niveau que leurs collègues permanents. Et de l’autre côté, les syndicats concernés qui n’acceptent la proposition du ministère. en affirmant que ce n’est qu’un leurre, que ce sont des promesses illégales, promettant de continuer l’escalade.

Décrochage, niveau scolaire, violence… Les risques de ce conflit

« Les victimes de ce conflit sont bien sur les enfants. On ne devra pas être étonnés de voir le nombre de décrocheurs scolaires dépasser le chiffre actuel de 100.000, de voir également la hausse de la violence en milieu scolaire », ajoute Ridha Zahrouni.

Selon lui, cette situation affectera à coup sur le niveau scolaire des enfants. A noter que les victimes de ces arrêts de cours ont été privées jusqu’à aujourd’hui de plus d’un mois de temps scolaire. « Si les professeurs ont de leur côté promis de rattraper les heures perdues, j’aimerai savoir comment ce sera possible. On ne peut pas surcharger un programme qui est déjà chargé », souligne le président de l’Association des parents et des élèves de Tunisie.

« De plus, on ne sait pas comment les parents et les élèves vont réagir et c’est ça le plus grave. Aujourd’hui , on a des parents qui ont eux même fermé les écoles à cause du manque de personnel éducatif. Personne n’acceptera la possibilité d’une année blanche. Certains sont prêts à tout pour que leurs enfants réussissent. La réaction peut être très violente et très agressive. Le bonne gestion d’une crise est de ne pas pousser vers ce genre de réactions », ajoute Zahrouni.

La troisième conséquence est l’exode vers les écoles privées. En effet, de nombreux témoignages sur les réseaux sociaux montrent des parents excédés et déçus de l’école publique. C’est le cas également de notre interlocutrice Lilia, qui pense sincèrement à scolariser ses enfants dans le privé. « La seule chose qui pousse les gens à se diriger vers le privé est la mauvaise gestion, la dégradation et la déroute de l’école publique », déplore Ridha Zahrouni.

« Les enseignants et les syndicats détiennent les rouages du système, non pas par leurs compétences mais par le chantage qu’ils peuvent exercer sur l’éducation. L’intérêt de l‘enfant passe au second plan par rapport aux leurs. Nous souhaitons que tout le monde revienne à la raison pour le bien de tout le monde », conclut-il.

Wissal Ayadi