Tunisie : Les trois éventualités possibles pour le gouvernement Fakhfakh !

17-02-2020

La Tunisie est-elle devenue ingouvernable. Même s’il était prévisible que la formation d’un gouvernement, et sa stabilité allaient être difficiles, au regard de l’effritement parlementaire consécutif aux législatives du 06 octobre 2019, il était tout aussi attendu que les uns et les autres tirent les enseignements de l’échec de la première désignation pour faire réussir la seconde.

Après l’échec du candidat d’Ennahdha, Habib Jemli, d’obtenir la confiance du parlement, et qu’un espoir est né par la désignation d’Elyes Fakhfakh, voilà que la Tunisie est de nouveau dans l’impasse, et n’arrive pas à se doter d’un gouvernement. A l’origine du blocage, une différence de perception entre le chef du gouvernement désigné, Elyes Fakhfakh, et le mouvement Ennahdha, qui détient une majorité relative au parlement, (54 députés) autour du bien-fondé d’un gouvernement d’unité nationale.

Le sort de l’hypothétique composition gouvernementale du candidat du président, a basculé le week-end, avec l’annonce d’Ennahdha d’en retirer ses ministres et de ne pas lui accorder la confiance. Le chef du gouvernement désigné l’a quand même annoncé, tout en convenant avec le président de la république « d’exploiter ce qui reste des délais constitutionnels, pour prendre l’orientation appropriée au service de l’intérêt suprême du pays ». Entendez par là poursuivre les concertations au cours de quatre jours restants pour faire baisser les tensions et parvenir à une sortie de crise.

Dès cette annonce, les déclarations et contre-déclarations se sont enchainées, et les rapports entre les supposés alliés de la coalition n’ont jamais été aussi conflictuels. Les efforts de médiation menés par les organisations nationales n’ont pas jusque-là donné des résultats probants.

Ce lundi serait le dernier délai accordé à Ennahdha pour revenir sur sa décision et retourner aux concertations. La situation reste, néanmoins, ambiguë et changeante, même pour les acteurs politiques eux-mêmes, et pourrait déboucher sur trois principales éventualités :

La première est que les concertations reprennent et que Elyes Fakhfakh et le mouvement Ennahdha arrivent à un terrain d’entente, moyennant un élargissement des concertations et le remplacement de certains noms contestés. Le cas échéant, le gouvernement ira naturellement à l’Assemblée et la confiance lui sera votée à une large majorité.

La deuxième éventualité est qu’Ennahdha et Fakhfakh s’obstinent, et campent, chacun, sur sa position, et qu’aucune entente possible ne pourrait les rapprocher, au point qu’ils se séparent définitivement. Le cas échéant, le chef du gouvernement désigné pourrait remplacer les candidats nahdhaouis par d’autres personnalités, et soumettre son gouvernement au vote de confiance de l’Assemblée. Et là, la confiance pourrait lui être votée, même sans Ennahdha et Qalb Tounes, mais à une courte majorité, de 109 députés ou un peu plus, juste de quoi franchir le cap. Dans ce cas de figure, son gouvernement serait vulnérable, et tomberait au moindre soubresaut.

La troisième éventualité est que Fakhfakh ira au parlement sans Ennahdha, mais ne sera pas entériné par le parlement et trouvera le même sort que son prédécesseur, Habib Jemli. Dans cette hypothèse, le pays serait amené à reprendre tout de zéro. Le président de la République procèderait alors à la dissolution de l’Assemblée et convoquerait des législatives anticipées.

Un scénario très mauvais qui ferait perdurer cette difficile période de transition, où le pays est quasiment à l’arrêt, et ses engagements suspendus, réduit, qu’il est, à une gestion au jour le jour.

D’aucuns font parler le texte constitutionnel, et interprète l’article 89 étant donné que la période de quatre mois depuis la première désignation n’a pas encore expiré. Une interprétation qui donnerait la latitude au chef de l’Etat de désigner une troisième personnalité et la charger de former un gouvernement.

Sauf que cette hypothèse ne semble pas trouver une large approbation et est rejetée par le président de la république lui-même qui, n’oublions pas, est un constitutionnaliste. Le chef de l’Etat a affirmé que le texte constitutionnel est clair, et que les manœuvres menées sous la couverture de la constitution ne passeront pas.

Une situation inextricable et on ne peut plus cacophonique, qui tire fondamentalement son origine d’un problème de casting. Et comme si la situation n’est pas assez compliquée comme ça, voilà qu’on évoque la possibilité d’une motion de censure contre le gouvernement d’expédition des affaires courantes, de Youssef Chahed. Faute de pouvoir mettre en place un gouvernement durable et investi de pleins pouvoirs, on va essayer de remplacer le provisoire par un provisoire histoire de le faire durer…Si ce n’est pas ça l’absurde, ça y ressemble.

La Rédaction