Tunisie : L’ingérence de Kaïs Saïed et les anomalies à la naissance du gouvernement Mechichi !

28-08-2020

A quatre jours de la plénière de vote de confiance, au centre ce vendredi 28 août d’une rencontre au siège de l’Assemblée entre Rached Ghannouchi et Hichem Mechichi, la nouvelle composition gouvernementale continue à faire parler d’elle. Outre les multiples reproches qui lui sont adressés quant à son architecture et sa composition, le gouvernement Mechichi est critiqué pour les anomalies dont il a souffert dès sa naissance : la première est cette confusion au niveau du nom du ministre de l’Equipement Kamel Doukh, ou Kamel Oumezzine, qui semble avoir été tranchée en faveur du premier.

La deuxième a trait au candidat proposé au ministère de la Culture, Walid Zidi retiré le matin de la liste gouvernementale par Mechichi, pour avoir exprimé sur sa page Facebook, hésitation et réticence à accepter le poste. Le même Zidi a été accueilli hier après-midi, par le président Kaïs Saïed, qui en a appuyé la candidature au même portefeuille ministériel, se disant « confiant qu’il était digne d’assumer cette responsabilité ».

Entretemps, la révélation du nom de son remplaçant n’a pas eu lieu. Hichem Mechichi a annoncé hier, jeudi 27 août, lors d’un point de presse au terme d’une première réunion avec son équipe à Dar Dhiaffa, qu’il allait remplacer Walid Zidi dans les prochaines heures, sans que cela ne représente un problème juridique, mais il n’en était rien.

Les constitutionnalistes sont, en majorité, unanimes à dire que le chef du gouvernement désigné n’a pas le droit d’opérer un quelconque changement sur sa composition gouvernementale, étant donné qu’il a épuisé les délais constitutionnels qui lui sont impartis. Il pourra, néanmoins, procéder à un remaniement ministériel aussitôt la confiance votée à son gouvernement, le mardi 1er septembre.

Un embrouillamini politico-constitutionnel que l’ingérence de Kaïs Saïed, trop voyante, à toutes les étapes du processus de composition gouvernementale ne fait qu’accentuer.

Premier ministre ou Chef du gouvernement ?

Kaïs Saïed, juriste et ex-enseignant de droit constitutionnel, semble prendre allègrement ses aises en matière d’interprétation du texte constitutionnel, notamment envers le premier paragraphe de l’article 89, qui est clair et sans équivoque : « les ministres et Secrétaires d’État sont choisis par le Chef du gouvernement », excepté les ministres des Affaires étrangères et de la Défense qui le sont « en concertation avec le Président de la République ».

Or, le palais semble avoir eu le dernier mot, dans le choix des quatre candidats proposés aux ministères régaliens, et a même tenté de changer le nom du ministre de l’Equipement, mais Mechichi s’y est visiblement opposé et a gardé son candidat pour sauver la face. Dernière mésentente entre le chef de l’Etat et son candidat au fauteuil de la Kasbah est celle liée au candidat au ministère de la Culture, chose qui confirme que le président de la république cherche à prendre l’ascendant sur celui qu’il voudrait être beaucoup plus son Premier ministre dans un régime présidentiel, qu’un chef du gouvernement dans un régime mixte, mi- présidentiel, mi- parlementaire, comme le nôtre.

Reste qu’il est encore prématuré de présumer du rapport qui prévaudra entre les deux têtes de l’exécutif, dans le cas où le gouvernement proposé est entériné au parlement, étant donné que la personnalité de Hichem Mechichi n’est pas encore claire. Serait-il conciliant et docile envers Kaïs Saïed, où plutôt imposera-t-il ses marques et entrera-t-il dans un rapport conflictuel avec lui, comme c’était le cas dans la relation entre Youssef Chahed et le défunt président Béji Caïd Essebsi ?!

Manifestement, la situation en Tunisie a atteint une telle complexité, que des problèmes surviennent à l’heure où personne ne les attend. Dans le cas d’espèce, au niveau d’une liste gouvernementale devant être bien ficelée et infaillible avant qu’elle ne soit rendue publique.

« Le gouvernement de la réalisation qui « arrive dans un contexte difficile, marqué par une instabilité sans précédent au point que celui qui s’apprête à lui céder la place, ait tenu à peine cinq mois, devra, d’abord, convaincre les partis pour avoir leur confiance à l’Assemblée, et ensuite avoir une vision et un projet clairs pour sortir la Tunisie de cette situation inextricable. La compétence et l’expertise dont ses membres sont censés être dotés, se heurteront à la dure réalité de terrain, a fortiori face à des partis politiques qui ont tendance beaucoup plus à en s’en désolidariser pour avoir été exclus de la composition gouvernementale,  que d’en appuyer les politiques et programmes.

H.J.