Tunisie : Motion de censure Vs remaniement : Ennahdha s’appuie sur l’article 97, Fakhfakh sur l’article 92

15-07-2020

Ennahdha, majoritaire dans l’actuelle coalition gouvernementale, a décidé de retirer la confiance au chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, en disant s’appuyer sur les mécanismes constitutionnels.

Cette décision annoncée la nuit d’hier, mardi 14 juillet, à l’issue d’une réunion urgente de son Majless el-Choura, intervient en réponse au communiqué du locataire de la Kasbah, qui a dénoncé « l’irresponsabilité du mouvement, et sa propension à faire peu de cas de la stabilité des institutions et de l’économie du pays éreintée par la crise du Coronavirus », et a fait état de son intention « d’opérer un remaniement ministériel, dont la finalité est claire remplacer les ministres nahdhaouis au sein de la coalition ».

La réaction de Fakhfakh faisait suite à la 41ème session de Majless el-Choura qui a appelé à une alternative gouvernementale, considérant l’actuel gouvernement incapable de faire face à la crise socio-économique alors que pèsent sur son chef des soupçons de conflits d’intérêts.

Bras de fer

Le mouvement qui laissait présager plusieurs éventualités dont le retrait de ses ministres du gouvernement, a choisi le bras de fer avec Elyes Fakhfakh, en décidant d’enclencher la procédure pour le vote d’une motion de censure contre le gouvernement.

Le mouvement s’appuie ainsi sur l’article 97 qui dispose qu’ »une motion de censure peut être votée à l’encontre du gouvernement, suite à une demande motivée présentée au Président de l’Assemblée par le tiers de ses membres au moins ».

73 députés devront ainsi signer cette demande pour un vote de défiance contre le gouvernement, laquelle sera examinée par le bureau de l’Assemblée qui, s’il la valide décidera de la passer à la discussion et au vote en plénière.

Une majorité absolue de 50+1 soit 109 députés est requise pour que la motion de censure soit votée contre le gouvernement. Si cette majorité n’est pas atteinte, la motion de censure contre le gouvernement ne peut être à nouveau présentée avant six mois.

Le vote de défiance est aussi conditionné par la présentation d’un candidat de remplacement au Chef du gouvernement, dont la candidature devra être approuvée lors du même vote, à la même majorité. S’il en était ainsi, le candidat en question sera chargé par le Président de la République de former le gouvernement, selon les modalités de l’article 89.

Ennahdha commence à collecter les signatures nécessaires pour un vote de défiance

Même si les 73 signatures ne seront pas difficiles à réunir, Ennahdha dit avoir commencé à les collecter dès aujourd’hui, la majorité absolue des 109 députés ne l’est pas pour autant. Ennhahda et ses alliés (Qalb Tounes, la coalition de la dignité et autres soutiens) totalisent une centaine des députés.

Il faudrait aussi trouver un candidat de remplacement à même d’être accepté par la majorité qui votera le retrait de confiance, et censé former suivant la même logique, une nouvelle coalition gouvernementale.

La procédure sera donc longue, et ne connaitra pas la voie de la concrétisation immédiatement, a fortiori avec l’approche des vacances parlementaires.

Entretemps, Elyes Fakfafkh pourrait procéder à un remaniement ministériel, comme il l’avait annoncé dans son communiqué du 13 juillet. Il pourra s’appuyer en cela sur le paragraphe II de l’article 92 selon lequel, « le chef du gouvernement est compétent en matière de révocation et réception de démission d’un ou plusieurs membres du gouvernement, après consultation du Président de la République dès lors qu’il s’agit du ministre des affaires étrangères ou du ministre de la défense ».

Selon certains constitutionnalistes, il pourrait éviter le passage par l’Assemblée pour demander un vote de confiance aux nouveaux membres du gouvernement.

Le vote de confiance est-il aussi prévu par l’article 142 du règlement intérieur de l’Assemblée, selon lequel, le Président de l’Assemblée en convoque une réunion du Bureau deux  jours de la réception du dossier comprenant la demande de la tenue d’une séance de vote de confiance au gouvernement ou à un membre du gouvernement.

Le Bureau se charge de fixer une date de la séance plénière dans un délai d’une semaine de sa réunion.

La Rédaction