Tunisie/ L’obligation du Pass sanitaire : Atteinte aux libertés, ou protection collective ?
Le laxisme face aux mesures restrictives gagne du terrain. Une vie quasi-normale est de retour, notamment avec la reprise de la double séance et la rentrée scolaire. Les soirées et les groupements nocturnes reprennent de plus belle. Désormais, plusieurs établissement n’exigent plus le port obligatoire du masque et la distanciation sociale. Les gestes de prévention imposés durant 2 ans, depuis l’apparition de la pandémie, sont en train d’être abandonnés avec la légère amélioration de la situation épidémiologique. Pourtant, les risques de la pandémie du covid-19 sont toujours d’actualité malgré la baisse du taux de positivité de 26% en juillet à moins de 10 % en septembre.
« Ces indicateurs positifs sont, notamment, dus à la vaccination complète de plus de 3 millions de personnes. S’y ajoute l’immunité naturelle acquise par une grande partie de la population suite à leur contamination par le virus. Ces deux facteurs font que la réapparition d’un pic pandémique avec l’arrivée du froid n’ait pas de lourdes conséquences. Le niveau de protection que nous avons acquis nous évitera le pire normalement », a affirmé Dr.Elyes Gharbi, médecin généraliste à la délégation de Sbikha (Kairouan), dans un entretien accordé à Gnetnews.Â
« Tout de même, les mesures restrictives doivent être maintenues vues le caractère imprévisible des mutations du virus. En cette période de rentrée scolaire et universitaire, la vigilance devra être de mise. Une prolifération des cas est, en revanche, à prévoir en hiver, avec la multiplication des maladies hivernales comme la grippe, rhume et bronchite….Rien n’est encore gagné, et l’évolution épidémiologique demeure aléatoire», a-t-il ajouté.
A-t-on le droit de s’opposer au Vaccin ?
Le fait d’être vacciné contre le Coronavirus, n’empêche pas d’être contaminé mais protège contre les formes graves. Ce constat donnera-t-il du grain à moudre pour les plus réfractaires, sachant qu’un Pass sanitaire sera instauré prochainement pour les employés et dans certains secteurs ? Avec l’obligation du Pass sanitaire le principe de libre-consentement du vaccin sera-t-il remis en question…S’agirait-il d’une atteinte aux libertés individuelles des Tunisiens ?
« Le fait de proposer le vaccin anti-covid à une personne saine pour la protéger dans le but de sauver l’intérêt général est déjà une atteinte aux libertés individuelles, et au principe du libre consentement. Mais, avec les dommages engendrés par le virus, sur le plan humain, économique et social, l’État sera contraint d’opter pour l’obligation de la vaccination ».
Il faut rappeler qu’il ne s’agit pas d’une grippe banale, insiste-t-il. D’ailleurs certains scientifiques estiment que le Covid-19 sera classé bientôt parmi les maladies chroniques. « Le virus laisse même chez les patients non hospitalisés et les jeunes, des problèmes au niveau des poumons, des insuffisances respiratoires, fibroses pulmonaires, troubles de la mémoire, des séquelles cardiaques, rénales, pancréatite. Des cas d’hépatite dus au coronavirus, ont été enregistrés également… ».
Dr.Gharbi a appelé, à cet effet, les autorités à multiplier les campagnes de sensibilisation pour inciter les récalcitrants à se faire vacciner, notamment les femmes enceintes dont le variant Delta pourrait causer le décès. Elles doivent effectuer un suivi tout le long de la période de grossesse, étant naturellement en dépression immunitaire, et donc plus exposées aux dangers du virus…
« Les autorités sont appelées à déléguer cette tâche aux directions régionales de la santé, qui connaissent de près les moyens de communication efficients propres de chaque région du pays. Que ce soit du face à face, du numérique ou à travers des messages médiatiques, la population doit massivement répondre aux convocations d’EVAX et s’inscrire. A la délégation de Sbikha par exemple, de nombreuses familles sont installées dans des zones rurales éloignées des centres de vaccination. D’autre part, plusieurs enseignants n’étaient pas au courant de la journée nationale de la vaccination du corps éducatif tenu le 18 septembre. Conséquence, le taux d’affluence y était très faible …».
Que pensent les citoyens de cette question. Yousra, chargée de communication pour une enseigne de vêtements, a insisté sur d’obtention du Pass sanitaire, auprès du centre de vaccination dans lequel elle a reçu ses deux doses.
« Mon travail consiste à voyager en Europe et ailleurs, du coup j’ai besoin de ce Pass sanitaire à l’étranger. Sinon, en Tunisie, ce sera le meilleur moyen pour convaincre les gens. Une fois privés de leur droit de circuler dans le pays, ou de travailler dans certains secteurs. Ils se trouveront contraints de se vacciner. Exposer les autres au danger n’est pas une mince affaire, on parle du bien de tous. Ce n’est pas une question de préférences, mais d’intérêt général », conclut-elle.
Samira, une dame d’une cinquantaine d’années, anti-vaccin, ne partage pas le même avis. Elle refuse de s’injecter un médicament dont elle ne connait pas les conséquences à long terme.
« J’ai des doutes sur l’efficacité du vaccin. Le cas de certains pays en est le meilleur exemple, malgré une forte couverture vaccinale, 60% des malades covid hospitalisés sont vaccinés », nous-a-t-elle confié.
Nous avons adressé la même question à un enseignant universitaire. Pour ce professeur d’histoire, le fait de ne fréquenter que des personnes vaccinées, réduit les chances de contracter le virus.
 « La population doit répondre aux efforts de l’État ayant mis en place des centres de vaccination partout en Tunisie, pourtant des milliers de personnes ont refusé de s’y rendre. Si la sensibilisation n’a pas eu autant d’effet, faut-il peut être les obliger à protéger les autres, au cas où ils contractent le virus », recommande-t-il.
Emna Bhira
Une fois privés de leur droit de circuler dans le pays, ou de travailler dans certains secteurs. Ils se trouveront contraints de se vacciner.
Mentalité lamentable.