Tunisie/ Orientation universitaire : Les clefs pour accéder à la bonne filière, et préparer son avenir professionnel (entretiens avec des enseignants)

25-08-2021

L’orientation universitaire représente une étape cruciale pour l’avenir des bacheliers ayant réussi le concours national du baccalauréat 2020/2021. Cette année la concurrence est plus rude, avec une hausse de 40% des admis au bac. Quelque 78 000  élèves devraient être orientés vers les universités, alors que le ministère de l’enseignement supérieur prévoyait  l’admission de 56 000 candidats.

Conséquences, à l’approche de la rentrée universitaire fixée pour le 13 septembre, plusieurs futurs étudiants se sont retrouvés à l’écart, et n’ont pas obtenu les filières de leur choix, alors que leurs scores leur permettent d’y accéder. D’autres ont tenté la réorientation universitaire, tenue du 17 au 21 aout 2021.

Dans une récente intervention sur Al Watania, la ministre de l’Enseignement supérieur, Olfa Benouda, a souligné que ce problème provenait d’une mauvaise estimation du nombre des admis au bac 2021, en plus de l’existence de 4000 bacheliers avec mention bien et très bien.

«  Avec ces nouveaux paramètres, plusieurs filières sont désormais saturées dès le premier tour d’orientation.

D’après le ministère,  58% des élèves ont réussi à obtenir un de leurs premiers 4 choix au 1er tour d’orientation, le reste des candidats sont désormais contraints d’accepter leurs derniers choix, faute de leur classement au niveau national, outre la faible capacité d’accueil de certaines universités, et la hausse exceptionnelle des scores.

Pour en savoir plus sur les paramètres ainsi que les critères de sélection à prendre en considération en vue de réussir cette étape, nous avons demandé avis et conseils à des professeurs universitaires.

Une orientation universitaire doit être « pragmatique »

Samia Gharbi, enseignante universitaire et chercheur en audiovisuel et cinéma, définit les études universitaires comme étant un processus de préparation intellectuelle, et humaine pour se faire employer plus tard.

Le choix de l’orientation universitaire sera donc crucial, et dépendra de plusieurs paramètres, qui dépassent parfois la passion de l’élève pour une filière, son score, et son rêve d’exercer un métier.

« Avant de cocher une case et de remplir sa demande d’orientation, les élèves qui souhaitent accéder à des universités publiques tunisiennes, doivent d’abord être conscients de la réalité du marché de travail dans le pays. Ensuite, il est recommandé de choisir une spécialité qui correspond à son classement national, ses capacités intellectuelles et humaines, pour limiter les risques d’échec, garantir son admission, et éviter de  perdre par la suite une année ou plus pour une réorientation. Enfin, les bacheliers sont appelés à choisir une université de proximité qui garantira leur admission à l’orientation ».

La Professeur a également insisté sur la prise en considération des moyens financiers des parents qui vont prendre en charge leurs dépenses, déplacements, logement, et cela durant 3 ans d’études au minimum pour une licence. Sans oublier le problème de la saturation des foyers universitaires qui poussent une grande majorité des étudiants à louer avec des tarifs hors budget.

Penser à la capacité d’accueil du marché de travail

En parlant de la première contrainte celle de la capacité d’accueil du marché de travail, Pr. Samia Gharbi recommande aux élèves de se projeter dans l’avenir proche, et de ne pas penser seulement à faire partie d’une université prestigieuse, ou encore à étudier ce que l’on aime comme études, mais plutôt d’être plus pragmatiques.

 « Parfois nos études rêvées ne correspondent pas à nos capacités intellectuelles et financières. D’autres spécialités n’ont malheureusement pas de débouchés concrèts  sur le marché du travail en Tunisie. A moins, que l’élève sera prêt à relever les défis, et à faire des sacrifices, chose qui n’est pas réalisable par tout le monde », analyse-t-elle.

A ce sujet, Pr.Samia Gharbi a évoqué les spécialités artistiques, qui sont saturées depuis des années, ou encore la biologie dont les docteurs représentent la plus grande part du nombre des chômeurs.

« Il faut penser à la faisabilité de ses projets de rêve, et les options qui se présentent pour chaque filière, subventions, bourses, innovation…C’est dur de penser à tous les détails, pourtant il faut prendre son temps pour approfondir sa réflexion sur les débouchés de chaque institution, et tracer son chemin vers son objectif, tout cela pour gagner du temps, et pour ne pas se perdre en allant vers son but, conseille-t-elle.

Prendre en considération ses conditions financières 

Concernant la deuxième contrainte qu’il faut prendre en considération lors de l’orientation, celle du budget consacré par la famille pour les études universitaires de leurs enfants. L’enseignante universitaire a souligné que d’après son expérience avec les étudiants, ces paramètres influeront positivement ou alors négativement sur la psychologie et le rendement de l’étudiant.

« Plusieurs étudiants venant des régions intérieures ont eu le malheur d’opter pour des universités à la capitale, ou dans de grandes villes où la vie est plus chère, donc ils  se sont retrouvés obligés de faire des coupures ou d’abandonner et de retourner au domicile familial par manque de moyens. Il vaut mieux opter pour l’université de proximité, durant le premier cycle pour être plus alaise et pour éviter une éventuelle réorientation. Sinon, il faut savoir dès le début le nombre d’années dont l’élève sera capable d’étudier, une licence, master, ou encore de hautes études. Planifier minutieusement son avenir après le bac, est le secret pour réussir son orientation. Il faut être pragmatique, et penser à tous les détails ».

Par ailleurs, cette chercheuse rappelle aux élèves de travailler sur leurs « Soft Skills » dès maintenant.

« Avoir un diplôme dans la poche, n’est pas suffisant pour convaincre le recruteur. En étant étudiant, il faut développer sa maitrise des langues étrangères, le français et l’anglais sont exigés parfois pour des postes de qualité, ainsi que la maitrise des outils informatique quel que soit la filière. Il faut aussi aller vers la société civile, créer son réseau pour faciliter son avenir professionnel, à travers le digital également, Facebook, LinkedIn, Instagram, pour se faire reconnaitre et créer sa place.

Ne pas dépasser ses capacités intellectuelles

Au sujet des qualités exigées pour aller vers une filière scientifique, nous avons contacté un professeur universitaire de mathématiques, Raouf Matri, qui enseigne à l’institut préparatoire aux études d’ingénieurs de Bizerte.

Il a évoqué deux qualités nécessaires pour les candidats aux études préparatoires : être à la fois bosseur et intelligent.

« Avec 28h de cours et de Travaux dirigés (TD) par semaine, les bacheliers doivent d’abord mettre en équation ce qu’ils peuvent faire avec ce qu’ils veulent obtenir avant de choisir une filière scientifique. Les étudiants en maths, physique, informatique, subissent une énorme pression pour appréhender des cours complexes, et pour gérer le stress du temps, des examens, des cours, et de la révision. Il faut donc être prêt mentalement pour affronter le stress, qui fait désormais partie de cette formation.

Pr. Raouf Materi a souligné que malgré les contraintes mentales qu’imposent les classes préparatoires, cette formation forge une forte personnalité de l’étudiant et le renforce psychologiquement…

« Pour enfin, accéder à l’école d’ingénierie souhaitée, les étudiants doivent laisser leur vie de côté pendant 2 ans, car après il y a un autre concours qui se présente pour passer au 2ème cycle, mais ça vaut le coup pour les personnes qui veulent garantir un avenir brillant… », Commente-t-il, en rappelant que pour accéder à cette école d’élite, il faut avoir une moyenne en bac pas moins de 15/20.

Une évaluation rationnelle de ses compétences

Pour résumer, aucune filière n’est meilleure qu’une autre, a rappelé un ancien responsable de l’orientation au sein du ministère de l’enseignement supérieur. « Il ne faut pas également tomber dans le charme des institutions de prestige, en jugeant qu’elles seules détiennent les meilleures perspectives d’avenir », a-t-il ajouté.

Il suffit que le bachelier fasse une évaluation rationnelle de ses compétences et de ses performances car, pour cibler une institution il faut avoir tout d’abord confiance en ses notes et ses capacités, conseille ce professeur de l’université. « Plusieurs personnes regardent avec mépris certaines spécialités des sciences humaines comme la philosophie ou encore la langue arabe, sous prétexte qu’elles n’ont aucune débouché, à part le chômage. Alors qu’il existe des personnes qui ont brillé professionnellement, en adoptant ce passage ».

Par ailleurs, la plupart des universités tunisiennes proposent des formations de qualité, reconnue par les établissements universitaires internationaux. La réussite dépendrait de l’effort de l’étudiant uniquement…La question du chômage dépend non seulement de la saturation du marché de l’emploi, mais est aussi tributaire du niveau d’assimilation de la formation reçue, des qualités humaines et des compétences professionnelles qui doivent être en concordance avec les exigences des recruteurs.

Le deuxième conseil que ce professeur universitaire nous a fourni, se rapporte aux aspirations et aux quêtes personnelles de l’élève, qui doivent être, selon lui, prises en considération, tout en les mettant en équation avec le score proposé pour chaque filière sollicitée.

« Les bacheliers qui hésitent encore sur leurs choix ou qui se posent des questions, peuvent également s’informer auprès des conseillers en orientation présents généralement dans chaque université. Sinon, pour les personnes qui n’ont pas le score requis, les universités privées peuvent leur offrir une deuxième chance pour répondre à leurs aspirations.

Emna Bhira

 

2 Auteurs du commentaire
plus récent plus ancien Le plus populaire
Anonyme

Ma3rafnech n9aydou

رشدي رداوي

منحة 300 دينار

رشدي رداوي

09208778