Tunisie/ Cabinet Mechichi : Décryptage d’un gouvernement pas comme les autres !

25-08-2020

Le chef du gouvernement désigné, Hichem Mechichi, a dévoilé dans la nuit de lundi à mardi sa composition gouvernementale à la 90ème minute, à 120 secondes avant minuit, tout juste à l’expiration des délais constitutionnels. Comme il l’avait annoncé il y a une quinzaine de jours, le ministre de l’Intérieur du cabinet Sortant a formé un gouvernement de compétences apolitiques.

La nouvelle équipe qui sollicitera la confiance de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) dans une semaine, compte 25 ministres, dont trois ministres délégués, et trois secrétaires d’Etat. Sept femmes se sont vues confier des portefeuilles ministériels, contre six, entre ministres et secrétaires d’Etat, dans le gouvernement Fakhfakh.

Sur les sept figures féminines, deux sont issues de l’ancien gouvernement. L’actuelle secrétaire d’Etat à l’Agriculture, Aksa Bahri, est promue ministre de l’Agriculture, des ressources hydrauliques et de la Pêche. La ministre de la Justice de Fakhfakh, Thouraya Jribi, a été nommée au poste de ministre auprès du chef du gouvernement chargé des relations avec les instances constitutionnelles.

La désignation d’un ministre non-voyant est une première dans l’histoire des gouvernements en Tunisie, et une deuxième dans le monde arabe, après la nomination en Egypte de l’illustre Taha Hussein en tant que ministre de l’Education, sous Jamel Abdennaceur.

Autrement, les nouveaux membres du gouvernement qui sont, en majorité, issus de l’administration tunisienne et ont gravi les échelons dans la fonction publique, ont plus ou moins des parcours analogues.

Hauts commis de l’Etat

Le gouvernement compte des magistrats, avocats, universitaires, polytechniciens, ingénieurs… ainsi que de hauts commis de l’Etat, ayant exercé des fonctions de directeurs généraux, de PDG à la tête d’entreprises publiques. D’aucuns sont membres de conseils d’administration de différentes institutions publiques.

Au niveau de l’architecture, le nouveau gouvernement se caractérise par la fusion de plusieurs ministères, comme l’économie, les finances et l’investissement ; l’Industrie, l’Energie et des Mines ; la Jeunesse, du Sport et l’insertion professionnelle ; et l’Environnement et les Affaires locales.

Le ministère de la formation professionnelle et de l’emploi a été supprimé…

Le gouvernement Mechichi fait une entorse aux usages politiques et constitutionnels, dans la mesure où les candidats proposés aux quatre ministères régaliens, (Intérieur, Justice, Défense et Affaires étrangères) semblent avoir été choisis tous par Kaïs Saïed, alors que la loi fondamentale l’habilite à avoir un droit de regard sur les deux derniers, dont il choisit les titulaires en concertation avec le chef du gouvernement.

Cet état de fait corrobore la thèse que l’on est face au « gouvernement du Président ». Hichem Mechichi serait plutôt Premier ministre de Kaïs Saïed et exercerait sous son autorité, chose que les faits sont appelés à confirmer ou à infirmer.

A priori, le gouvernement proposé obtiendra la confiance de l’Assemblée des représentants du peuple, dans une semaine, lors de la plénière du 1er septembre prochain, à une majorité confortable.

Plusieurs partis politiques représentés au parlement ont exprimé leur intention de l’entériner, étant acculés à le faire pour éviter le scénario d’élections anticipées, sans lui donner néanmoins un blanc-seing et sans lui garantir leur soutien dans ses politiques, réformes et textes de loi.

Les partis politiques qui voient mal d’avoir été exclus de la nouvelle équipe et dont les avis n’ont pas été pris en compte quant à sa nature et sa formation, s’en lavent les mains, et renvoient la balle dans le camp du président de la république, qui sera le seul « à en assumer la responsabilité de la politique et des orientations, en cas d’échec ». D’aucuns mettent en doute l’indépendance de certaines personnalités proposées, ainsi que leur compétence, et estiment que le gouvernement Mechichi n’a ni vision, ni projet.

Reste à attendre le programme socio-économique du gouvernement proposé, et le bien-fondé de ses choix, et de le voir à l’œuvre. Ses compétences sauront-elles capables de sortir la Tunisie de l’ornière, de redonner confiance et espoir aux Tunisiens, et de démentir les pronostics qui ne donnent pas cher de sa durabilité.

H.J.