La Tunisie doit changer son modèle économique datant de 1972 et se repositionner sur de nouveaux business (Experts)

26-10-2021

Établir un partenariat entre le monde académique et le monde économique. C’est le pari que s’est lancé la Chambre de commerce et d’industrie du Nord-Est Bizerte. Cette dernière a lancé une réflexion autour d’une collaboration durable et efficace sur la professionnalisation de l’université, lors d’un colloque organisé à Bizerte ce mardi 26 octobre réunissant plusieurs experts.

L’idée est partie de deux constats. D’abord celui que les diplômés sortants de l’université ne possédaient que très peu de connaissance sur le monde du travail et de l’entreprise et que par ailleurs les filières n’étaient pas vraiment adaptées au marché mondial actuel.

« Nous avons fait un diagnostic auprès des entreprises et on s’est rendu compte qu’il y avait des besoins qui étaient insatisfaits à l’échelle locale, les poussant à faire appel à des entreprises étrangères qui coutent chers, alors qu’à proximité il y a des universités dans lesquelles, on pouvait former des étudiants qui répondraient à ce besoin », nous dit Faouzi Ben Aïssa, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Nord-Est Bizerte.

Faouzi Ben Aïssa / Président de la CCINE de Bizerte

Les membres du groupe de réflexion se sont également penchés sur l’aspect métier. Ainsi, Mohamed Balghouthi, expert en intelligence économique installé en France a indiqué que plus de 70% des métiers avec un taux horaires  de 20 dollars par heure sont vouées à disparaître d’ici 20 ans. « La mondialisation, la digitalisation et l’industrie 4.0 a pris le pas sur l’industrie classique faisant revoir les modèles économiques mondiaux et même la gouvernance mondiale », explique Balghouthi.

Il indique à cet égard que la Tunisie doit de tout urgence entamer une transition en aidant l’ancien système à se repositionner sur de nouveaux business et se désengager des anciens systèmes. « La Tunisie n’a pas changé son modèle économique et industriel depuis 1972. Nous sommes dans une urgence de Time to Market, c’est à dire que nous prenons du retard par rapport au développement industriel mondial. », souligne l’expert. Il ajoute également que le monde sera frappé par une guerre de cerveau, précisant que d’ici 2030, l’Europe aura besoin de 46 millions de cerveaux qu’elle ne pourra pas produire seule et qu’elle viendra alors se servir dans d’autres continents.

L’économie est, désormais, basée sur 12 secteurs clés comme la santé, les énergies renouvelables ou encore l’intelligence artificielle. Ainsi, il s’agit de mettre en valeur ces filières universitaires afin d’être en adéquation avec le monde actuel, explique-t-il.

Un constat également confirmé par Zoubaier Tourki, professeur à l’Ecole nationale d’ingénieurs de Sousse (ENISO). « Aujourd’hui nous sommes dans un monde qui bouge. On passe de l’industrie traditionnelle à l’industrie 4.0. Cela signifie des masses de données, des connexions très fortes entre les objets. C’est aussi de l’intelligence artificielle avec des Big Data, des clouds, la cybersécurité. Toutes ces notions nécessitent que l’on fasse des programmes et des filières adaptés… Il faut qu’il y ait une réflexion continue sur les programmes », nous dit-il.

« L’entreprise et le milieu universitaire sont deux mondes qui ne peuvent travailler chacun de son coté. Il faut que les programmes puissent avoir un sens au sein du marché de l’emploi et qu’ils soient élaborés en concertation entre le monde économique et le monde académique. Cela permettra d’avoir un diplôme qui est en adéquation avec le monde économique actuel et faire diminuer le phénomène de diplômé/chômeur », ajoute-t-il.

D’après l’expert, l’avenir est dans le digital car la communication est devenue très fortes avec les robots et les machines. « Si nous arrivons a former nos étudiants en fonction de la demande, nous parviendrons à faire du sur-mesure. Il ne faut pas produire beaucoup mais intelligemment ».

Afin d’arriver à réaliser ces objectifs et à professionnaliser l’université, le professeur Tourki préconise d’adapter les pratiques pédagogiques. Ainsi, il propose de créer des plateformes de ressources partagées, de mettre en place des parcours pluridisciplinaire à la demande, en fonction du profil de l’étudiant et de sa région et réfléchir à un référentiel métier/compétences. « Il faut adapter les cours en fonction de la demande du secteur industriel et développer les soft skills », indique Zoubaier Tourki.

Fort de son expérience en tant que professeur, il souhaite encourager les parcours en alternance et en co-construction, ainsi que d’un support technique et matériel pour les étudiants qui ont des projets de Start-up qu’ils souhaiteraient développer en même temps que leurs cursus d’études.

Wissal Ayadi