Marouane Abassi prévoit une aggravation de la crise économique en Tunisie

01-10-2020

Le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, Marouane Abbassi a dévoilé lors d’une visioconférence tenue ce jeudi 1er octobre les raisons pour lesquelles le conseil a décidé de baisser le taux d’intérêt directeur de 50 points de base pour le ramener à 6.25%.

L’année 2020 a été marquée par une crise sanitaire exceptionnelle, il y a eu durant les mois de mars et avril, un refinancement des banques avec 17 MD cédés par la BCT. Outre les 2MD consacrés au soutien du secteur privé, vu que le plus grand problème que craignait la BCT au moment de l’apparition de la pandémie, en termes de macro-prudentiel,  était le risque du manque de liquidité au niveau de l’économie », a rappelé le gouverneur..

La crise économique en Tunisie va s’accentuer dans les mois qui viennent, a-t-il averti. « Même les entreprises et banques publiques qui contribuaient autrefois par leurs épargnes au rafraichissement des caisses de la BCT, souffrent d’un énorme déficit. Le seul moyen pour faire face à cette crise économique aiguë était de  de baisser le taux d’intérêt directeur de 50 points de base, non seulement pour réguler l’activité économique, mais aussi pour maintenir une certaine stabilité financière pour les citoyens.  », a-t-il souligné.

Le gouverneur de la BCT a rappelé l’augmentation du taux d’intérêt directeur trois fois depuis 2019, ayant permis de baisser le taux d’inflation  de 6.9% en 2019, à  5.4% en 2020.

-10 % de croissance à cause du Covid-19

« En 2019, on s’attendait à un taux croissance de 2.5%, mais ce n’était pas le cas. En 2020, on a stabilisé la macro-économie et on allait commencer à faire des réformes pour atteindre une croissance de 3.2% car le tourisme a repris ses forces, le secteur des services également. Malheureusement, la pandémie a frappé la Tunisie, et le monde entier, notamment l’Union Européenne (UE), notre plus important partenaire économique en matière de tourisme et d’exportations. L’Algérie, qui avait des contributions importantes pour le pays à travers le tourisme, ce secteur en rapport direct avec les ménages grâce à la consommation et services, a fermé  ses frontières », a déploré Abbassi.

« Toutes ces attentes ont été chamboulées  à cause des retombées du covid-19. On est à -10% de croissance, ce qui nous a plongés dans une crise économique sans précédent, jamais vécu depuis l’indépendance », ajoute-t-il.

Sur un autre sujet, Abbassi a souligné que la crise sanitaire a déstabilisé les secteurs formels et informels, notamment avec l’arrêt de la production pétrolière en Libye, plusieurs habitants du sud tunisien n’ont plus de ressources », explique-t-il.

« Le commerce de carburant, et la contrebande dans les zones transfrontalières de la Tunisie sont bloqués pourtant il s’agit de l’unique source de revenu pour certaines populations. Ceci risque d’engendrer des soulèvements sociaux si la situation économique se dégrade plus… », a-t-il averti.

Refinancement des banques

La banque centrale a, par ailleurs, procédé au refinancement des banques depuis 2017, afin qu’elles puissent octroyer des crédits aux investisseurs. « Pourtant, plusieurs opérateurs économiques ont profité de ces crédits pour axer leurs activités sur l’importation excessive voire anarchique, basée sur une concurrence déloyale fragilisant ainsi les entreprises locales », indique-t-il.

Durant la même année 2017, le dinar a subi une grande dépréciation par rapport à la devise étrangère, a-t-il dit. « Ceci a poussé plusieurs acteurs économiques à faire une accumulation des stocks en devise, à travers l’augmentation des importations ».

D’autres contraintes ont apparues  l’année suivantes (2018), comme l’augmentation du prix du baril de 53 à 86 dollars. « Ce déficit énergétique a eu de graves conséquences sur nos réserves en devise, comme l’augmentation du déficit commercial et courant, sachant qu’en 2017, on a terminé l’année avec 10% déficit courant. En 2018, on a enregistré un déficit record 11.2% », a-t-il indiqué. 

Abassi n’a pas manqué de rappeler, lors de cette visioconférence, les difficultés rencontrées depuis 2011 en matière de mise en place des politiques monétaires et fiscales, celles-ci n’ont pu être inscrites dans la continuité à cause du manque de visibilité politique. « Chaque gouverneur a fait ce qu’il peut pour gérer la situation économique du pays », a-t-il indiqué.

Emna Bhira