Coronavirus : Mechichi est-il parvenu à convaincre les Tunisiens ? (Reportage)

10-11-2020

Avec plus de 71.000 cas de contaminations depuis le début de la pandémie, la Tunisie est bel est bien entrée dans la phase de danger de l’épidémie. 

Lors d’une conférence de presse sur la situation épidémiologique ce lundi soir, le chef du gouvernement, Hichem Mechichi n’a pas manqué de rappeler la gravité de la période par laquelle passe le pays.

« Si la réouverture des frontières a été, dans un premier lieu, le facteur majeur de l’augmentation du nombre de cas, aujourd’hui la contamination est devenue horizontale, se propageant à une vitesse exponentielle ». 

Couvre-feu sur tout le territoire, test PCR obligatoire pour les voyageurs entrants, renforcement des contrôles vis à vis des mesures sanitaires… Le gouvernement dit avoir pris toutes les dispositions qu’il était possible de prendre, s’en remettant désormais à la responsabilité des citoyens. D’après Hichem Mechichi, ils sont encore trop nombreux à ne pas respecter les gestes barrières. Ainsi, il a affirmé que 80% des Tunisiens doivent se soumettre au port du masque, alors que selon les estimations, cette proportion n’a pas atteint les 60%.

Qu’en est-il sur le terrain ? Que pensent les Tunisiens de la position gouvernementale vis-à-vis de la gestion de la crise sanitaire ? Pour le savoir, Gnetnews s’est rendu sur l’Avenue Habib Bourguiba.

A cet effet, la plupart des Tunisiens croisés au Centre-ville, ont expliqué que la non-application du protocole sanitaire annoncé par le gouvernement pour lutter contre la propagation du Coronavirus revient au manque de crédibilité de l’Etat.

Ce constat a été confirmé par ce passant qui dit que les Tunisiens n’ont pas peur de ne pas se soumettre aux consignes. « Si l’Etat n’a pas pu assurer ni la sécurité pour ses citoyens, ni les bonnes conditions économiques, sanitaires et sociales, comment voulez-vous que les décisions du gouvernement se fassent respecter par les Tunisiens ? », s’interroge-t-il.

« S’y ajoute l’inefficacité de quelques mesures comme l’enseignement à distance alors que plusieurs n’ont pas Internet. Ainsi que la distanciation sociale dans les transports communs qui est irréalisable en réalité… Il existe également des pères de familles qui n’arrivent même pas à assurer des bavettes pour leurs enfants. Au lieu de leur reprocher la non-application des consignes, l’Etat devrait peut-être soutenir ces gens et les conscientiser … ».

Pour ce passant, « il serait plus sûr d’être craint que d’être aimé ». Nous répond-il en évoquant la citation de Machiavel.  « Un Etat qui n’a ni la force, ni la méthodologie pour imposer ses décisions, doit se rattraper en urgence en appliquant fermement la loi aux contrevenants. Autrement, les citoyens continueront à faire la sourde oreille dans l’indifférence totale », a-t-il recommandé.

Un autre retraité rencontré sur l’Avenue Habib Bourguiba, nous a exprimé son inquiétude face au laxisme des Tunisiens. Il nous a dévoilé qu’il ne sent plus en sécurité notamment dans les administrations, où les concentrations persistent à cause des files d’attente interminables. « En récupérant mon mandat carte à la poste le mois dernier, je me suis retrouvé entouré d’une centaine de personnes qui attendent comme moi leur tour au guichet », nous raconte-t-il.

Concernant la fermeté de l’Etat quant à la bonne application des mesures restrictives, il a confirmé aussi que les citoyens n’ont plus confiance en les politiques, en général.

« Des chefs de gouvernements accusés de corruption. D’autres se sont enrichis depuis la révolution. Les Tunisiens ne croient plus à l’efficacité de leur gestion de crise », ajoute-t-il l’air pessimiste. Pour lui l’Etat est inexistant, voire incapable de s’imposer dans cette période épidémiologique critique. 

Concernant le port du masque, un autre quinquagénaire s’est penché sur le manque de conscience généralisé. « Certains utilisent la bavette comme un moyen pour se rendre dans les magasins et les grandes surfaces ou encore dans les administrations. Ils se sentent obligés de porter la bavette. Car au fond, plusieurs ne sont pas convaincus de la dangerosité du Coronavirus. Dans les friperies, les marchés… la plupart des citoyens baissent leurs bavettes et n’appliquent pas la distanciation sociale », fait-il constater.

« La fermeté dont Mechihci a parlé hier n’existe pas, en réalité, quand on voit que le gouvernement n’applique pas ses décisions concernant les amendes, le non-port du masque, les rassemblements, la distanciation sociale…Il s’agit d’un argument fort pour les citoyens pour les prendre à la légère », déplore-t-il.

Reportage réalisé par Emna Bhira et Wissal Ayadi