60 % des femmes sont victimes de harcèlement sexuel en Tunisie

16-12-2019

« Quelque 60% des femmes en Tunisie ont subi un harcèlement sexuel au moins une fois dans leurs vies, a révélé Iqbal Gharbi, professeur à l’Université Zitouna. Selon elle, ce chiffre explique qu’il y a autant d’hommes qui ont commis, à leur tour, un harcèlement».

Lors d’une conférence sur « le harcèlement », organisée vendredi dernier, par l’association START en partenariat avec l’organisation IREX, Iqbak Gharbi a souligné que les violences morales et physiques et les agissements hostiles envers les femmes, proviennent d’un problème social de citoyenneté, d’un abus de pouvoir et d’une crise de masculinité.

« Le harcèlement ne concerne pas seulement les jeunes femmes, il peut être subi par un enfant, ou des personnes âgées. Il n’a pas de relation avec l’habit, la morphologie physique, ou l’appartenance sociale », explique-t-elle.
Gharbi a indiqué que « le harcèlement qui se définit par des attaques ou sollicitations continues dans le but d’épuiser ou de tourmenter la victime, s’exerce par défaut, sur une personne considérée inférieure, affaiblie, étant dans l’incapacité ou la difficulté de se défendre. »

« Dans les sociétés arabo-musulmanes, la bonne éducation d’une femme est jugée à travers, son silence et son obéissance. Elle ne doit montrer aucune preuve de résistance aux ordres du père également…Cette culture où le silence doit être parmi ses premières qualités, laisse croire chez l’autre que la femme serait de nature permissive, consentante, et inhibée. Elle sera donc facile à intimider, et à être agressée sans la moindre contrainte », a-t-elle souligné.

« Quant à la dénonciation du harceleur, elle lui apportera honte et déshonneur. Si elle porte plainte, elle pourrait être accusée de provocation, de consentement, et de mœurs légères… », a-t-elle analysé.Par ailleurs, la professeure a rappelé que « dans la culture arabo-musulmane, la virginité, représente l’honneur de la famille. Son corps est donc chosifié, il n’appartient pas à elle seule. Il est perçu comme une propriété commune à toute la famille. C’est une atteinte à son intégrité physique et psychique, qui lui est imposée…»
« Ceci n’est pas propre à la culture musulmane », ajoute-t-elle, en rappelant le tableau d’Eugène Lacroix, « la liberté guidant le peuple ».

« Ce tableau contient l’image d’une femme dont la poitrine est en partie découverte, qui est devenue le symbole de la partie, l’emblème de la liberté, et de la révolution française. Ce chef d’œuvre prouve que, la même place est donnée aux femmes dans les sociétés occidentales également, celle du corps désexualisé, qui est le gage de la liberté de tout un pays… »

Le harcèlement : un phénomène lié au chômage
Selon la professeure, le chômage a contribué à la propagation de ce phénomène. Le fait que les femmes soient plus actives, et plus présentes dans l’espace public, forme une menace à la gente masculine.

« Les abus qu’elles subissent dans les transports publics en allant au travail, ou même dans les milieux professionnels, sont plutôt une affaire de pouvoir, causés par une crise de citoyenneté. »

«Les plus exposées au harcèlement sexuel, sont les catégories les plus faibles économiquement. Selon les statistiques, ce sont les ouvrières des usines et les femmes de ménage qui subissent le plus d’agressions. Ceci montre encore une fois que c’est une question de rapport de force, et non pas d’une attirance sexuelle, et de plaisir…Même les voilées, et celles portant un niqab, ou encore les enfants peuvent subir un harcèlement, dans leur cercle de famille, et par leurs proches… »

« Ce n’est pas une question de comportement. La violence faite aux femmes est un exercice de force, allant jusqu’à devenir un appel à l’ordre lancé par le patriarche, au sein de la famille, sur le lieu de travail et dans l’espace public… », conclut-elle.

Une campagne #EnaZeda a été lancée en Tunisie pour dénoncer le harcèlement sexuel et les agressions faites aux femmes, dans la foulée du mouvement #MeToo lancé initialement aux Etats-Unis et qui a gagné le monde entier…

Emna Bhira