Tunisie : La loi des finances 2022 suscite mécontentement et critiques

29-12-2021

La loi des finances 2022 est à l’épreuve du mécontentement social, depuis sa publication, mardi 28 décembre, dans le Journal officiel de la république tunisienne (JORT).

La nouvelle loi des finances a, certes, décidé des mesures incitatives au profit des PME, et des mesures de soutien aux catégories vulnérables, comme l’augmentation de l’allocation des familles nécessiteuses, la préservation de la bourse pour l’insertion sociale dédiée aux étudiants, le soutien des agents du secteur du tourisme et de l’artisanat, etc., elle a, néanmoins, revu à la hausse certains impôts, dont la taxe sur la circulation, ou le timbre fiscal sur le ticket de caisse pour les courses faites dans les espaces commerciaux… Des décisions qui touchent directement le quotidien des Tunisiens, et leur budget.

Réduire la masse salariale

Pour Said, ancien fonctionnaire de l’Etat, la LF 2022 s’est conformée aux recommandations du FMI, s’agissant notamment de la disposition inhérente à l’âge de départ à la retraire anticipée des fonctionnaires fixé à 57 ans. 

« A travers cette disposition, les autorités s’attèlent à réduire la masse salariale, l’une des trois principales grandes réformes mentionnées dans le document qui servira de base aux négociations avec le Fonds monétaire en janvier prochain. »

Selon cet ancien haut cadre, cette mesure pourrait limiter les dépenses publiques, a fortiori si elle est accompagnée du gel des recrutements dans la fonction publique, une option qui ne figure pas explicitement dans le nouveau texte, mais qui est là de facto, pendant ces dernières années.

Un autre intervenant Lamine, employé dans le privé, a souligné que la LF 2022, montre bien que l’Etat est dans le besoin urgent de financement, face à son surendettement.

 « Au lieu de renforcer les exportations, le gouvernement s’est retourné vers les citoyens pour compenser ses trous budgétaires. Les autorités ont aussi tenté de satisfaire toutes les parties, en consacrant des aides aux tranches fragiles de la population, mais, la mise en œuvre de ces décisions prendra du temps, et cela pourra remettre en question la crédibilité du gouvernement. D’autant plus, qu’il n’y pas eu de réformes de fond pour la fonction publique, le chômage, et l’emploi… ». Selon lui, la Tunisie pourrait se heurter à des difficultés en matière de mise en application de la loi des finances 2022, et risque même d’être confrontée à l’indignation des citoyens, déjà assez fragilisés par les crises économique et sanitaire » a-t-il averti.

Un autre citoyen que nous avons contacté a évoqué la question de l’augmentation de la vignette ( taxe de la circulation). Pour lui, cette nouvelle annonce ne fera qu’accentuer les pressions sur les ménages, qui peinent à payer déjà leurs factures de la SONEDE et de la STEG.

Il a évoqué son cas, soulignant qu’en disposant deux voitures de 7 chevaux lui et sa femme, l’augmentation de 10 dt du tarif de la vignette, sera multiplié par 2. « J’aurais à payer 260 dinars, contre 240 dinars précédemment. Sans compter les dépenses que je consacre à l’entretien de nos véhicules et la visite technique, plus les crédits auto qu’on rembourse chaque mois pour le leasing… », nous confie-t-il avec amertume.

A ce sujet, une autre intervenante, Amina, cadre dans une multinationale a estimé que la LF 2022, a pris des décisions douloureuses, cette année, mais qui sont essentielles…En revanche, cette loi comporte des taxes insensés, qui n’ont été décidées que pour satisfaire les bailleurs de fonds. « Comme la réduction des droits de douane à 50% pour les véhicules hybrides et de 100% pour les véhicules électriques, sachant qu’en Tunisie ce type de voitures sont rarement utilisées par les citoyens ».

« Mon mari est concessionnaire, et importe rarement ce genre de véhicules, peu demandés par les Tunisiens, vu qu’il n’y a même pas assez de bornes de recharge dans le pays. Ce sont, par ailleurs, des voitures de luxe qui représentent une partie infime du transport…Cette décision s’avère inutile, qui n’aura aucun impact réel sur les ressources de l’Etat. Ce n’est qu’une autre recommandation du FMI pour intégrer l’économie verte, mais qui n’aura aucun bénéfice concret pour le pays…  », considère-t-elle.  

Emna Bhira