8 Mars : La femme tunisienne n’est pas au bout de son combat pour l’émancipation !

08-03-2021

Comme chaque année dans le monde, le 8 mars est célébré la Journée internationale des droits des femmes. En Tunisie, en plus de cette journée il y a également le 13 août qui célèbre la journée de la femme. C’est dire si la gente féminine tient une place importante dans la société tunisienne.

Dans le monde arabo-musulman, la Tunisie a toujours été la plus avancée du point de vue des droits qui lui sont donnés… Pourtant depuis une décennie, la place de la femme et son émancipation semblent être menacés par un retour à certain patriarcat exacerbé.

Ce 8 mars, est donc l’occasion de tendre le micro aux femmes. C’est dans la ville de Bizerte, que nous avons choisi de leur donner la parole. Qu’elles soient mère au foyer, chef d’entreprise ou retraitée, elles sont cinq a nous avoir donné leur vision sur la femme… Voici leurs témoignages.

Il est à peine 10h du matin quand Hédia, nous accueille chez elle dans le quartier de la Corniche. Elle est déjà aux fourneaux en train de préparer le déjeuner. Active au sein de la société civile de Bizerte, elle est également connue pour ces vidéos où elle n’hésite pas à critiquer le gouvernement.

Pour elle, le statut de la femme a complètement régressé. « Depuis la révolution, la femme a été placée au dernier rang », déplore-t-elle. Pourtant, Hédia n’hésite pas à nous rappeler que la première femme pilote du monde arabe est une Tunisienne, faisant référence à la grande Alia Menchari.

Autre sujet qu’Hédia a tenu d’évoquer…celui de la place des femmes en politique. En effet, si la question de la parité a été maintes fois évoquées, devenant même un principe constitutionnel, dans les faits leur présence est pourtant encore rare.

Je suis sûre que les femmes seraient capables de gérer le pays mieux que les hommes. La preuve aujourd’hui… », affirme Hédia.

En effet, la femme semble avoir perdu du terrain sur la scène politique. Pour preuve, le dernier remaniement ministériel opéré par Hichem Mechichi, qui n’a accordé de portefeuille ministériel à aucune femme.

Le chemin du succès est semé d’embûches 

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, nous sommes aussi allés à la rencontre de la Présidente du bureau régional de la Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie-CONECT-Bizerte, Fatma Sadfi Ouali, qui nous a révélé que les femmes ne représentent que 26% du tissu économique tunisien. « L’économie Tunisienne qui est composée de 80% de PME, ne dispose que 26% de chefs d’entreprises qui recrutent que moins de 20 employés en majorité Â».

Plusieurs obstacles entravent leur chemin vers le succès, nous explique-t-elle. « La société patriarchale dans laquelle elle évolue, représente la première source de son échec, déplore la présidente du bureau régional CONNECT. Partant de sa vision en tant que femme occupant un poste de responsabilité, elle a déploré la situation économique des femmes dans le pays qui a régressé cette dernière décennie. « En Tunisie, 58% des femmes sont diplômées et excellent dans leurs études, par rapport aux hommes. Mais ce chiffre contraste avec la réalité, quand on découvre que dans la vie professionnelle, elles ne sont que très peu à percer dans le secteur de l’entreprenariat Â».

« En effet, ces dernières sont confrontées aux obstacles de la vie, de la famille et de la société une fois elles tentent de se lancer dans une carrière professionnelle. On leur coupe les ailes, à la fleur de l’âge avec la mentalité patriarcale Â», explique Fatma Sadfi Ouali. « Selon les idées héritées, les femmes sont plutôt destinées à fonder un foyer. Elles sont cloitrées dans ce rôle de la bonne épouse et de la bonne mère. Quant à la vie professionnelle, elle passe désormais au second plan, car elle demande des concessions et une subversion des rôles classique des hommes et des femmes.

Pour la société, son succès c’est d’acquérir ce statut, au détriment de son autonomie et son indépendance financière Â». Pour la présidente du bureau régional CONNECT-Bizerte, la femme Tunisienne doit continuer son combat pour gagner sa place dans la société. « Actuellement, nos droits sont menacées par des courants obscurantistes qui gangrènent le pays depuis une décennie. Il faut y faire face, les confronter par les idées, afin de regagner le terrain et redorer l’image des Tunisiennes, étant depuis toujours pionnières dans différents domaines professionnels et en matière des droits… Â».

Khaoula Ouertani, jeune entrepreneur et influenceuse nous a confirmé ce constat. Etant autrefois une femme au foyer, résidente à Bizerte, elle s’est tracée l’objectif de devenir autonome financièrement. « J’ai dû surmonter les jugements des autres et les commentaires décourageants de l’entourage pour pouvoir avoir l’audace de s’afficher sur les réseaux sociaux en tant qu’influenceuse Â».

Sachant qu’il s’agit d’un vrai métier avec lequel je gagne ma vie convenablement, et qui me rapporte un chiffre d’affaire important, j’ai eu du mal à me lancer. C’était ma volonté et mon envie de rompre avec ma solitude et mon isolement en tant que femme au foyer, qui m’ont permis de sauter le pas et devenir un personnage public sur les réseaux sociaux.

Actuellement, je dirige même ma propre boutique de prêt-à-porter». Khaoula Ouertani, cette mère de deux enfants, est active aussi dans la société civile, nous a confié que c’est grâce à ses interactions avec les autres femmes qu’elle a pu créer sa propre communauté. « Nous sommes aussi allés à la rencontre de Khaoula Ouertani, jeune entrepreneur, propriétaire de la maison d’hôte Sidi Ahmed à Bizerte, influence et active sur les réseaux sociaux, et dans la société civile avec plusieurs associations de renommée. Cette jeune femme, autrefois femme au foyer, es’est tracée l’objectif de devenir autonome et indépendante financièrement en se lançant sur l’entreprenariat.

« J’avais besoin de rompre la solitude que je ressentais en étant sans vie professionnelle. Â», nous confie-t-elle. Son objectif était juste d’avoir une communauté virtuelle avec qui partager son quotidien, ses bons plans. Maintenant, elle s’adresse virtuellement à un public de plus de 80 000 personnes sur les réseaux sociaux, ce qui l’a permis de les inspirer et d’aider d’autres femmes à commercialiser leurs produits via instagram, Facebook…

Son conseil pour les jeunes femmes au foyer, est de ne pas céder à l’oisiveté et de ne pas se limiter aux tâches ménagères et à leur rôles d’épouses et de mères de famille. « Le leadership existe naturellement dans le caractère de la femme tunisienne. Nous sommes capables de porter la responsabilité du foyer et de notre carrière. Votre accomplissement personnel est la source de votre force. Et, comme la femme est le pilier de la famille, son bonheur sera la source de son épanouissement».

Reportage réalisé par Emna Bhira et Wissal Ayadi