Entre cherté et pénurie, les Tunisiens peinent à affronter une rentrée des plus difficiles !

01-09-2022

A l’approche de chaque rentrée,  la fourniture scolaire est la dépense incontournable pour les enfants. Après les budgets consacrés aux vacances, l’Aid, charges du loyer, de l’alimentation et du carburant, les parents sont confrontés à d’autres dépenses importantes consacrées aux essentiels du retour en classe.

Choisir le Tablier,  le cartable, sa trousse, son sac de gouter, cahiers, stylos, crayons, et une nouvelle tenue marquant la rentrée, tant de préparatifs qui faisaient autrefois plaisir aux enfants et parents, mais qui sont devenus un calvaire depuis quelques années.

A cause de la hausse du cout de la vie en Tunisie, l’inflation qui a atteint les +8.2% en juillet 2022, et la dégradation du pouvoir d’achat, ces dépenses essentielles pour la rentrée scolaire, pèsent désormais lourd sur les budgets des ménages.

En faisant un tour dans un hypermarché de la capitale, le rayon fourniture scolaire a été déjà installé depuis la deuxième quinzaine d’aout. A 10h, les parents se sont armés de leurs listes de fourniture interminable sollicitées par les écoles et lycées. Chaque élève doit ramener ses outils, afin de démarrer convenablement les cours. Mais, avec des prix de cartables qui vont de 70 DT pour le plus basique, à 170 DT pour le plus sophistiqué aux imprimés des héros favoris de cette génération, un tiers du budget se serait déjà évaporé, avant même de remplir ces sacs de livres et de cahiers, nous confie une maman de deux filles, de 5 et 10 ans.

En effet, les cahiers exposés sur les étals de cet hypermarché affichent des prix allant de 4DT (cahier n°24) à 22 DT pour les plus grands formats avec spirale. « Le prix du papier importé de la Chine a augmenté de 5% dans le monde entier, nous a confirmé le chef de rayon, ce qui se répercute sur les tarifs », souligne-t-il. Les crayons dédiés à la classe maternelle, de coloriage et de dessin, affichent désormais des prix onéreux. Il faut consacrer un budget de pas moins de 15 DT pour un paquet de feutres, peinture à gouache, ciseaux et du papier canson blanc.

Selon  Dorra, une maman d’un lycéen que nous avons contacté à ce sujet,  les prix dans les librairies sont de loin moins chers.  « Le choix y est plus varié, il existe différentes gammes, et des produits subventionnés capables de satisfaire une clientèle  qui peine à répondre à ses besoins quotidiens, que dire des exigences des enseignants. Sans compter les sommes consacrées aux cours particuliers, clubs…Tout le long de l’année », se plaint-elle.

« Au lieu de prendre en considération  la situation financière des parents, les écoles privées imposent des exigences de plus en plus rigoureuses, et qui n’ont jamais concerné les parents auparavant. Certains établissement proposent des listes de produits d’hygiène à utiliser par toutes les classes qui sont à collecter auprès des parents, comme les rouleaux papier, essuie tout, lingettes, savons liquides, de l’eau en bouteille. C’est le cas d’un jardin d’enfant à Ennasr », indique Dorra en nous montrant la liste en question publiée sur les réseaux sociaux.

Par ailleurs, une autre maman d’un enfant de 4 ans, qui fera sa première année dans un jardin d’enfant privé implanté à Tunis, nous a montré aussi sa lite de fourniture. Elle contient une vingtaine de produits à ramener dès la première journée de classe maternelle : une rame de papier, des cahiers grands formats, deux pochettes de papier canson, des chemises cartonnées, boites de crayon d’une enseigne parmi les plus chères, en plus de la contribution par d’autres produits d’hygiène… « Le total m’a couté 250 DT, sans compter les frais d’inscription de 450 DT le trimestre », nous informe cette jeune maman.

Une autre maman nous a exprimé son angoisse qui s’est accentuée en ce début de mois de septembre, « le plus stressant de l’année », selon ses dires. Et pour cause la hausse du coût de la vie en Tunisie. « Cette année, l’école maternelle de ma fille a décidé d’augmenter le prix des frais d’inscription de 70 DT. En expliquant ses raisons,  la directrice de l’école a souligné que les charges de la cantine ont augmenté cette année, avec la hausse du prix du poulet, des produits frais ou industriels. Et pour pouvoir assurer les mêmes repas servis l’année précédente, il faudra suivre le rythme des augmentations des tarifs sur le marché »…

 

Une rentrée scolaire vécue aux rythmes des pénuries alimentaires et énergétiques

Une année difficile semble attendre les Tunisiens côté finances. Avec des pénuries  redondantes des produits alimentaires de base et du carburant, les citoyens sont de plus en plus préoccupés par cette crise sans précédent.  Malgré les déclarations rassurantes de l’Office du commerce de la Tunisie (OCT), qui détient le monopole de l’importation de certains produits comme le sucre, thé, café, et riz, qui affirment qu’il dispose des quantités largement suffisantes dans ses entrepôts de 5 mille tonnes de sucre et 2 mille tonnes de café,  une réelle crise alimentaire se cache derrière ces retards de distribution.

Avec la fin des vacances et l’approche de la rentrée scolaire, les consommateurs ont vécu au rythme des pénuries répétées, et ont découvert avec stupéfaction la situation financière du pays.

 Dans les commerces, la pénurie s’est faite de plus en plus remarquée durant la deuxième quinzaine du mois d’aout.  Les étals de beurre, café, yaourt, sucre,  farine, riz, semoule, boisson gazeuse, jus, et eaux en bouteille, ont été quasiment vides tout le long de cette période. Les magasins ont annoncé à leur clientèle que  beaucoup de produits sont en rupture de stock  en raison d’une pénurie ou d’une éventuelle indisponibilité, et qu’il faudra se contenter d’un seul article afin de limiter la frénésie. Les vendeurs du café en vrac ont limité également les quantités destinées à la vente à 200g de café moulus par personne. Certaines stations de service ont interdit de dépasser la somme de 50 DT de carburant par voiture, et cela durant 3 jours de pénurie…Des mesures de rationalisation préoccupantes pour les Tunisiens qui s’inquiètent pour l’avenir économique du pays.

« Il y a un moment que ça dure, et ça commence à devenir inquiétant », nous confie Saida une retraité et ancienne fonctionnaire de l’Etat. Selon elle, cela fait plusieurs mois que lorsqu’elle va faire les courses en magasin, elle ne trouve pas ce qu’elle souhaite.

« Certains disent qu’il s’agit des conséquences de la guerre en Ukraine, que nous subissons d’importantes pénuries alimentaires et énergétiques. Ceci semble contraindre plusieurs enseignes à rationaliser les quantités des marchandises, telles que l’huile ou le sucre. Mais, le ministère de l’industrie, des mines et de l’énergie a donné d’autres explications plus douloureuses », rappelle-t-elle en évoquant les retards des payements à ses fournisseurs tunisiens et étrangers, qui demandent à être payés avant de livrer la marchandise.

Reportage réalisé par Emna Bhira