Le calvaire des femmes travaillant dans les secteurs précaires en débat

29-05-2020

«Jusqu’à quand va durer la stigmatisation des femmes travaillant dans les secteurs précaires « , un webinar organisé récemment par le forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTEDES) a planché sur le vécu pénible de cette catégorie d’oubliées, en tentant de répondre à cette question.

Les femmes agricoles sont payées entre 10 et 13 dinars la journée, transportées dans des moyens de locomotion à risque, exposées aux maladies graves causées par les pesticides,  et encourent  des accidents de travail graves sans avoir accès à une protection sociale. Ce sont, pourtant, elles qui ont assureé la sécurité alimentaire aux Tunisiens durant le confinement, a souligné Meher Ben Ameur Khelifi le promoteur de l’application « Ahmini » (protèges moi), dédiée femmes rurales.

Certaines travailleuses agricoles se sont même déplacées à pied vers les champs pour faire la cueillette durant le confinement, et cela, à cause des restrictions  de circulation liées au Covid-19, a-t-il ajouté.

Dans son intervention, Ben Ameur Khelifi a rappelé que

La protection de ces « combattantes » est désormais possible, avec une méthode simple qui n’exige ni frais de déplacement, ni paperasse , a-t-il affirmé.

Chaque femme travaillant sans contrat, que ce soit dans les champs, en tant que femme de ménage, ou dans le textile ou encore dans tout domaine précaire peut transférer de l’argent à partir de son petit téléphone, pour s’acquérir d’une couverture sociale. Elles peuvent verser dans un compte dont le numéro leur sera communiqué par téléphone, la somme qu’elle souhaite ( à partir de 1 dinar), et cumuler séparément les virements, petit à petit, sans avoir besoin d’aucun papier.

« 15 000 femmes se sont inscrites dans cette application en 2020. Notre objectif est d’atteindre les 500 000 en 2022 », a ajouté le promoteur de l’application « Ahmini ».

Le seul soutien de leur famille

Les femmes acceptent de travailler dans les secteurs précaires, car dans la plupart des cas, elles sont les seules à travailler dans leurs familles, a souligné Zohra Bouguerra, de l’association « Soutien pour l’initiative dans le domaine agricole ».

« A l’âge de 60 et 70 ans, elles se sentent obligées de travailler, en étant malades parfois.  Avec le confinement et l’arrêt des travaux de construction pour les hommes, elles avaient  la double charge de satisfaire les besoins de leur famille financièrement et au sein du domicile », relate-t-elle.  

Outre le fait que leur rôle est minimisé, ces femmes sont-elles aussi victimes d’abus conjugaux et de trafic des réseaux de domestique, a-t-elle déploré.

 Khadija et Jamila, deux femmes travaillant dans les champs à Kairouan, sont intervenues lors de ce webinar. Elles revendiquent des augmentations de leurs salaires journaliers. Inconscientes de l’importance de leurs droits sociaux, en étant employées sans contrats, elles ont confié, que leur objectif ultime est de survivre le jour au jour.

« Quant à l’accès  aux services sociaux proposées par l’application Ahmini, il semble impossible voire un luxe, car même la recharge téléphonique sera soustraite d’un budget minime consacré à toute une famille, dont les membres sont, en majorité, des chômeurs ou souffrant d’un handicap physique », a conclu Khadija, une travailleuse agricole.

Emna Bhira