Tunisie : Les musiciens rejettent les décisions du gouvernement attentatoires à leur dignité et leur portefeuille !

07-10-2020

Ils étaient une vingtaine de musiciens et professionnels du secteur à s’être donnés rendez-vous ce mercredi 07 octobre, à l’appel du Syndicat tunisien des professions musicales et des professions apparentées  afin d’exprimer leur refus des dispositions gouvernementales, stipulant l’interdiction des manifestations culturelles pour une période de deux semaines dans le but de lutter contre la propagation du Covid-19. Ces artistes revendiquent leur droit à la dignité et réclament la préservation de leur unique source de revenus.

Cette décision est discriminatoire vu que d’autres secteurs continuent à travailler normalement comme celui des transports et administrations, ont-ils considéré.

«  Cette disposition a stigmatisé tout un secteur faisant vivre des milliers de musiciens, techniciens, etc…. On nous envoie directement vers la case chômage sans aucune compensation financière », nous a indiqué le secrétaire générale du syndicat, Maher Hammami.

Etant déjà frappés de plein fouet  par le confinement général, les musiciens, les propriétaires de salles des fêtes et les organisateurs d’évènements et tous les professionnels du secteur se sentent encore une fois fragilisés économiquement.

Riadh Fenina est propriétaire d’une salle des fêtes à Hammamet. Il a été contraint de fermer son espace après la décision prise par le gouvernement. Pourtant, de son point de vue, la solution n’est pas là. Selon lui, il est tout à fait possible de continuer à faire travailler ce secteur en mettant en place un protocole sanitaire strict. « Il suffit de limiter le nombre de personnes qui fréquentent les espaces, imposer le port du masque et appliquer la distanciation sociale », indique-t-il.

Par ailleurs, il  a expliqué que l’interdiction des fêtes n’est pas une solution efficace pour l’endiguement de la pandémie alors que les transports communs accueillent tous les jours des milliers d’usagers sans aucun contrôle sanitaire.

« Soit nous optons pour un confinement sanitaire général, soit on laisse tous les secteurs économiques actifs, en appliquant rigoureusement les gestes barrières », appelle-t-il.

Sami Zoghlami est un musicien. Si pour lui le dé-confinement et la période estivale ont sonné comme une bouffée d’oxygène, les dernières décisions de l’Etat sont arrivées comme un coup de massue. « Etre musicien est un métier et non pas un passe-temps. Il s’agit de notre seule source de revenu pour subvenir aux besoins de nos familles. Et nous travaillons au jour le jour », déplore-t-il. « La musique est un des premiers piliers du rayonnement culturel d’un pays », ajoute-t-il.

La situation pour ce secteur ne va pas en s’améliorant. Un couvre-feu est sur le point d’être instauré dans le Grand-Tunis. Une annonce qui fait l’effet d’une bombe pour ces musiciens déjà en difficulté avec l’arrêt des activités culturelles.

Avec ce couvre-feu, restaurants, bars boîtes de nuits et autres lounges seront fermés et les musiciens contraints d’annuler leurs représentations dans ces lieux de fêtes.

Malheureusement, c’est le secteur de la culture tout entier qui a été ravagé et ce depuis le début de la pandémie. Une situation qui remet une fois de plus en question, le statut des artistes encore inexistant aujourd’hui en Tunisie. Pourtant, la création d’un statut d’intermittent et la mise en place d’un cadre légal de travail pourront être une solution à long-terme.

Les revendications des musiciens seront-elles entendues ? A en croire le syndicat de base des professions musicales, relevant de l’UGTT,  un communiqué officiel paraîtra dans les heures qui viennent, sur la reprise des activités et manifestations culturelles. Ce même syndicat dit être parvenu à faire entendre sa voix auprès de la présidence du gouvernement, à l’issue d’un sit-in observé ce matin à la Kasbah. Sauf qu’avec le couvre de feu annoncé, on voit mal, comment tout cela sera organisé…

Reportage réalisé par Emna Bhira et Wissal Ayadi