Code du travail : Figé et en déphasage avec la réalité économique

21-03-2019

Le centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD), a organisé ce jeudi 21 mars 2019, en partenariat avec la fondation Konrad Adenauer, un séminaire autour du thème « Code du travail et nouveau contrat social Â».

Le code du travail tunisien aura 53 ans, le 30 avril 2019. La Tunisie est classée 181ème position, sur 183 pays en termes de flexibilité des conditions de licenciement, elle est aussi à la 125ème place sur 144 pays en matière d’efficacité du marché du travail, selon le rapport Doing Business 2012.

Le programme national des réformes majeures 2016–2020, publié par le Conseil des Analyses Économiques, évoque la réforme de la réglementation du marché du travail, comme l’une des composantes de l’axe développement des ressources humaines. Le Conseil plaide pour une révision du code du travail dans le cadre d’un dialogue social, en vue d’une flexi-sécurité, et de flexibilité pour les entreprises, mais aussi une sécurisation et un accompagnement pour les travailleurs.

Accord social
Le représentant de l’UTICA, Sami Sellini, a rappelé qu’au-delà des aspects économiques, le but d’un contrat de travail est de créer un accord social, qui promet une manière de faire, d’être et d’évoluer au sein de l’entreprise. Il s’agit là d’un challenge qui dépasse la négociation salariale.

Il a aussi souligné, que le droit du travail tunisien est figé depuis 1966, alors qu’il devrait accompagner le processus de développement économique actuel.

Depuis l’adhésion de la Tunisie en 1995 à l’accord d’association avec l’Union Européenne, il y a eu de réelles avancées au niveau des contrats de travail, mais cela demeure insuffisant, a affirmé le directeur central à l’UTICA.

Selon lui, plusieurs pratiques bloquantes sont à réviser, comme dans le cas de la réparation d’un préjudice de licenciement pour cause économique, qui n’est pas bien défini dans le code du travail : « Pour prouver une cause économique, l’entreprise doit enregistrer trois bilans déficitaires, ce qui est encore une procédure inadaptée Â».

Il s’en ajoute une autre pratique bloquante, qui est le licenciement administré, prononcé par une commission composée des deux représentants des partenaires sociaux mentionnés dans le contrat, et un inspecteur du travail. « Dans ce cas en particulier, il y a plusieurs « viols Â» des gratifications de fin de service, qui est un droit négocié entre les deux partenaires, et non pas au niveau des conventions collectives précisées dans le code du travail Â».

L’auteur de l’essai « 50 ans après ! Plaidoyer pour un nouveau code du travail Â», Pr. Hatem Kotrane a révélé que le code du travail tunisien n’est pas adapté aux nouvelles mutations économiques. Selon lui, depuis 1966, ce code n’a pas fait Å“uvre d’une vraie codification.

Hatem Kotrane a appelé à se limiter à 150 articles (au lieu de 300 paragraphes), qui préciseront tout ce qui a trait aux règles générales, en revanche les détails techniques et les obligations respectives comme les compétences exigées, les conditions d’emploi, et la rémunération, doivent être conclus entre les deux partenaires sociaux, qui adapteront les articles du contrat au secteur d’activité et aux conditions de l’entreprise.

Elargir le champ des intervenants et des participants dans les réformes du code du travail est devenu essentiel, selon lui. En outre, le dialogue entre le gouvernement, l’UGTT et l’UTICA n’est plus efficient : « il faut intégrer l’Etat, les représentants de la société civile, les organisations représentatives des travailleurs et des employeurs, et les organisations de la jeunesse, dans un dialogue national sur le code du travail Â», conclut-il.

Kotrane a appelé à rendre plus attractif le contrat de travail partiel, à réviser le contrat de travail temporaire, et intérimaire, qui doivent être assujettis à un système de protection, afin de limiter l’intervention du législateur lorsqu’il s’agit des dommages et intérêts en cas de licenciement abusif.

Selon lui, tous les contrats de travail, doivent concilier les normes et les pratiques professionnelles conformément aux instruments internationaux de protection de l’employé.

Emna Bhira