Tunisie : La prévalence du diabète augmente, sédentarité et régime alimentaire pointés du doigt !

16-11-2023

La Tunisie a célébré hier, 14 novembre, à l’instar de la communauté internationale, la journée mondiale du diabète. Devenu un véritable fléau dans notre pays, cette maladie chronique affecte la façon dont le corps utilise le glucose (sucre) dans le sang. En Tunisie, comme dans de nombreux autres pays, le diabète est un problème de santé publique croissant.

Pour en savoir davantage sur le sujet, nous nous sommes adressés au Professeur Koussay Ach, endocrinologue et président de la Société Tunisienne d’Endocrinologie Diabète et Maladies Métaboliques.

Prévalence 

La prévalence du diabète en Tunisie a augmenté au fil des ans, en partie en raison des changements de mode de vie, de l’urbanisation, de l’adoption de régimes alimentaires moins sains et de la sédentarité. Selon le Dr Ach, plus de 20% de la population adulte (+ 30 ans) tunisienne serait atteinte de diabète de type 2.

Pour autant il indique que même s’il n’est pas introduit dans les statistiques de prévalence, le diabète de type 1 est présent notamment chez les enfants, inquiète. 

« La prévalence augmente dans le monde entier. Les plus touchés par le diabète sont les pays du Golfe dans lesquels la prévalence dépasse les 30% », précise le professeur.

Ce qui est le plus inquiétant est la rapidité par laquelle le nombre de cas augmente. « Si on affine les méthodes de statistiques, le nombre de personnes atteintes peut même doubler en Tunisie. De plus il y a de nombreuses personnes qui sont diabétiques et qui ne se font pas dépister ». Dans ce sens, le Pr Ach rappelle que le diabète est diagnostiqué au dessus des 1,26gr. « Si on inclut les pré-diabétique qui sont diagnostiqués à partir de 1,10gr, on peut considérer que l’on a autant de pré-diabétiques et que de diabétiques ».

Le diabète de type 2 est plus fréquent que le diabète de type 1 en Tunisie, ce qui est cohérent avec les tendances mondiales. Le diabète de type 2 est souvent associé à des facteurs de risque tels que l’obésité, le manque d’activité physique et les antécédents familiaux de diabète.

« Il se développe silencieusement pendant de nombreuses années. L’hyperglycémie reste longtemps asymptomatique et la maladie est souvent découverte de façon fortuite à l’occasion d’une prise de sang, ou en cas de complication », affirme le professeur Ach.

Cette hyperglycémie provient d’une baisse de sensibilité des cellules, en particulier celles du foie, du muscle et du tissu adipeux, à l’insuline. Cette hormone pancréatique a pour rôle de faciliter la pénétration du glucose (leur principal carburant) dans les cellules, ce qui en diminue la concentration sanguine. Pour répondre à la demande accrue en insuline découlant de cette insensibilité, les cellules du pancréas en produisent davantage, jusqu’à s’épuiser. La production d’insuline devient alors insuffisante et le glucose s’accumule irrémédiablement dans le sang.

Le milieu rural comporte le moins de prévalence au diabète en raison de la sainteté du mode de vie. Mais malheureusement il est de plus en plus urbanisé. 

Par ailleurs, l’endocrinologue indique que de plus d’adolescents sont touchés par le diabète à cause de la hausse du nombre d’enfants victimes d’obésité. « Avant l’obésité touchait les adultes de plus de 20 ans, aujourd’hui nous avons des enfants obèses et qui deviennent diabétiques à 15 ans », poursuit-il.

Facteurs de risques

Le diabète est une équation entre la génétique et le mode de vie. Si la génétique, ou plus communément appelée l’hérédité, ne change pas, le mode de vie change. A cet égard, le professeur Koussay Ach indique que la mondialisation qui est apparue ces trente dernières années a totalement changé les habitudes de consommation.

« Ce ne sont pas les aliments en tant que tels qui sont un danger, mais leur transformation. On paie le prix du développement de l’industrie agroalimentaire. Pourtant l’alimentation traditionnelle de la Tunisie est saine », nous dit-il.

En effet, la mondialisation a conduit à une homogénéisation des régimes alimentaires, avec une disponibilité accrue de produits transformés riches en sucres et en graisses saturées. Les changements dans les habitudes alimentaires, tels que la consommation croissante de fast-foods et de boissons sucrées, ont contribué à l’augmentation des cas de diabète de type 2. « Nous avons des familles dans lesquelles on ne cuisine presque plus. Dans le milieu du travail, les pauses déjeuner sont très courtes, poussant les salariés à manger sur le pouce des produits qui ne sont pas sains pour la santé », déplore l’endocrinologue.

Au vu de la recrudescence de ce fléau, dans plusieurs pays d’Europe, de nombreuses entreprises ont commencé à penser au bien-être alimentaire de leurs employés en leur proposant des cantines ou la nourriture est équilibrée, mais aussi des salles de sport pour encourager l’activité physique.

Sensibilisation et éducation

La sensibilisation au diabète et l’éducation sur la prévention et la gestion de la maladie sont essentielles pour faire face à ce qu’on pourrait qualifier d’épidémie.. Dans ce sens, le Professeur Ach indique qu’il est très facile et peu couteux de se faire dépister. « Cela ne nécessite pas de scanners ou d’examens dans ce sens. Le dépistage du diabète doit devenir une politique sanitaire encouragée par les pouvoirs publics Â».

Ce dernier déplore le manque important de sensibilisation auprès de la population, selon lui peu cultivée via à vis de la notion de la santé. « Celui qui n’a pas une bonne culture est plus enclin à être attiré vers les publicités promouvant des produits qui ne sont pas bons pour la santé ». A cet égard, Koussay Ach préconise de conscientiser la population dès le plus jeune âge à travers l’école notamment. « Les efforts de sensibilisation doivent encourager des modes de vie sains, à promouvoir une alimentation équilibrée et à encourager l’activité physique », ajoute-t-il.

Accès aux soins

L’accès aux soins de santé pour les personnes atteintes de diabète est un élément crucial de la gestion de la maladie. Cela inclut l’accès aux médicaments, à des consultations médicales régulières, à des tests de suivi et à l’éducation des patients sur la gestion de leur état.

« Au niveau de la Société Tunisienne d’Endocrinologie Diabète et Maladies Métaboliques, nous sommes en négociation continue avec la CNAM afin d’améliorer la prise en charge des maladies chroniques dans leur ensemble », nous dit le Professeur Ach.

Cependant, la CNAM fait face à des problèmes de ressources en raison du peu de personnes qui cotisent. Pour le moment, en ce qui concerne le diabète, les comprimés sont remboursés. Récemment la CNAM a annoncé la prise en charge tant attendue de la Dapagliflozine, reconnue pour son impact positif sur le contrôle de la glycémie, la protection cardiovasculaire et rénale ainsi que la réduction du poids. Outre l’amélioration du contrôle glycémique avec la réduction de la glycémie et de l’hémoglobine glyquée, la Dapagliflozine a démontré une meilleure protection des patients, mais aussi une réduction du risque d’événements cardiovasculaires et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque. C’est aussi un médicament qui a la réputation de ralentir la progression de la maladie rénale chronique, sans compter sa capacité à aider à la perte de poids.

Pour l’insuline, il y as un accord préalable pour la prise en charge. « Il manque seulement les glucomètres qui ne sont pas remboursés alors qu’il s’agit d’un instrument indispensable pour les patients souffrant de diabète », regrette Koussay Ach.

En réalité, en Tunisie, le problème ne réside pas dans l’accès aux soins, mais dans l’éducation. En effet, beaucoup trop de Tunisiens sont encore trop négligents face aux maladies chroniques alors qu’elles sont souvent à l’origine de maladies plus graves. « Dans le diabète, ce ne sont pas les médicaments qui coutent les plus chère, ce sont les complications qu’il y a derrière », conclut le Professeur Ach. 

Wissal Ayadi