Emigration clandestine : L’espoir brisé d’une jeunesse qui ne croit plus en la Tunisie

03-08-2020

Crise sanitaire, crise politique, crise sociale et économique…la Tunisie est dans l’impasse. Si la révolution de 2011 a donné un espoir à la jeunesse tunisienne, il semble aujourd’hui s’être évanouie. Une jeunesse qui ne voit plus d’avenir dans son pays… La seule solution, partir, avec ou sans diplômes. Depuis le début de l’année 2020, le nombre de migrants a été multiplié par 4. Il s’agit là du chiffre de l’immigration dite légale, elle ne comprend pas les embarcations clandestines qui quittent les côtes pour un avenir, selon eux, meilleurs sur les rives nord de la méditerranée.

Le président Kaïs Saïed s’est rendu ce dimanche dans les ports de Sfax et de Mahdia, où les autorités l’ont alerté sur la recrudescence du nombre d’embarcations clandestines.

Gnetnews a voulu en savoir plus sur ce fléau en allant consulter la population. Nous nous sommes donc rendu sur l’Avenue Habib Bourguiba pour recueillir des témoignages.

Notre premier interlocuteur est un jeune étudiant, assis sur les marches du Théâtre Municipal. Il explique l’augmentation de l’immigration clandestine par le manque d’espoir. « Que l’on soit diplômé ou non en Tunisie, nous serons chômeurs ». Le jeune homme prépare son projet de fin d’étude en comptabilité, mais avec cela il pense lui aussi émigrer. « Si j’avais la somme requise pour embraquer à bord d’un bateau clandestin, je n’hésiterai pas une seconde! », dit-il.

Un autre passant rejette la faute sur l’Etat. Selon lui, c’est aux politiques de trouver une solution à cette jeunesse désespérée.

« Au lieu de penser à la jeunesse, ils ne font que se chamailler, il n’y a qu’à voir ce qui se passe à l’Assemblée ces derniers jours ». En effet, les prises de bec en public des députés de l’ARP ont laissé des séquelles chez les Tunisiens. « Comment voulez-vous que les jeunes aient encore confiance en eux ? », rétorque ce médecin que nous avons interrogé.

Au delà des jeunes chômeurs sans diplômes qui sont tentés par l’expérience de l’étranger, il y a aussi un autre fléau qui ronge la Tunisie, celui de la fuite des cerveaux. Chaque année, ce sont des milliers de médecins et d’ingénieurs notamment qui quittent la Tunisie. « Outre un meilleur salaire, on ne leur offre aucune perspective de vie en Tunisie. Il faut également regarder la vie du point de vue social. Aucune offre culturelle n’est prévue pour ces jeunes diplômés, il est donc normal qu’ils s’en aillent ».

Embraquer à bord d’un bateau clandestin coûte de l’argent. Il faut en moyenne compter 2000 dinars pour espérer arriver en vie sur les côtes italiennes. Si certains n’hésitent pas à voler ou à emprunter de l’argent, désormais ce sont les parents qui encouragent leurs enfants à partir. Nous avons rencontré une mère de famille en colère contre l’Etat, qui selon elle a abandonné sa jeunesse. « Les jeunes aujourd’hui se droguent et volent. Alors je suis pour l’immigration clandestine si c’est pour qu’ils aient un avenir meilleur. Pour ma part, je vendrai tout ce que j’ai si un de mes enfants voudrait partir ».

De plus en plus de chômeurs diplômés et une vie qui coûte de plus en plus chère. Les jeunes Tunisiens suffoquent d’un manque de vision, de perspective mais surtout d’espoir. Les embarcations clandestines font presque aujourd’hui partie de paysage sur certaines côtes du pays. Comme nous l’ont répété de nombreux passants, les jeunes sont en train de mourir d’ennui et d’échec. « Alors qu’ils prennent un bateau au risque de perdre la vie en route, mais dans l’espoir d’arriver et de trouver une vie meilleure est toujours plus acceptable que de mourir à petit feu en Tunisie ».

La crise politique que connaît la Tunisie aujourd’hui ne fait qu’aggraver la situation. Il est temps que l’Etat prenne ce sujet à bras le corps afin de retenir cette jeunesse dont la flamme a été ravivée en 2011, mais étouffée depuis… Une jeunesse qui constitue l’élite de demain et l’avenir de tout un pays…

Retrouvez ci-dessus notre micro-trottoir réalisé sur l’Avenue Habib Bourguiba à Tunis

Wissal Ayadi