Les déclarations parisiennes de Kaïs Saïed analysées et commentées par les Tunisiens

25-06-2020

Les déclarations du président Kaïs Saïed à Paris sur la crise libyenne et la demande des excuses à la France pour la période coloniale ont suscité la controverse sur la scène intérieure. Lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue français, Emmanuel Macron, Saïed a rompu pour la première avec la politique de neutralité, une constante de la politique étrangère tunisienne.

Le chef de l’Etat a remis en cause la légalité du gouvernement d’union de Tripoli de Faez el-Sarraj, la qualifiant de « légalité temporelle », appelant à lui supplanter une autre légalité qui sera issue de la légitimité électorale.

Au sujet de la colonisation française, Saïed a affirmé qu’à l’inverse de l’Algérie qui était sous colonisation directe, la Tunisie était sous protectorat français, tout en se montrant réticent envers le fait de demander des excuses à la France. A ses yeux, il serait inutile de demander des excuses  60 ans après, le mieux est que cela soit fait à travers des projets de développement.

Gnetnews a fait parler les Tunisiens sur les déclarations parisiennes du chef de l’Etat, leurs avis étaient mitigés.  Sécurité, ingérence, peuple frère… La position de Kaïs Saïed divise. Néanmoins, la plupart des passants interrogés affirment que la Tunisie ne doit pas s’immiscer dans la politique intérieure de la Libye. Ceux-là prônent la position diplomatique historique neutre du pays par rapport aux affaires étrangères.

« Kaïs Saïed n’a pas à donner de position. Au lieu de cela il devrait s’occuper un peu plus des affaires tunisiennes », nous dit l’un d’entre eux. Cependant, il relativise en soulignant, que la sécurité de la Tunisie dépend aussi de l’évolution de la situation en Libye.

Un autre passant nous explique que « le Président devrait d’abord penser à ce qui se passe à Tataouine ».

Par ailleurs, une des personnes que nous avons interrogées, explique que la position de Kaïs Saïed est légitime du fait de ses prérogatives en tant que Président de la République.

Deux sons de cloche ont été relevées chez les Tunisiens au sujet de la motion présentée au Parlement concernant les excuses de la France au peuple Tunisien pour la colonisation. Si pour certains, ces excuses doivent être faîtes pour d’autres, il faut passer à autre chose.

« Cette motion est très bien, mais ce n’est pas comme cela qu’elle doit se faire », nous lance un sexagénaire « Il faut que cette motion soit bien préparée pour qu’elle fasse l’unanimité avant d’être présentée », ajoute-t-il.

A l’inverse, un homme retraité de la police attablé à une terrasse de café, nous dit que cette motion n’a pas lieu d’être. En effet, il explique « qu’il faut laisser cela derrière nous ». A cet égard, il souligne que l’échec de l’Instance Vérité et Dignité vient du fait que la Tunisie ait voulu demander des comptes aux anciens régimes.

Reportage réalisé par Emna Bhira et Wissal Ayadi