Le ras-le-bol des Tunisiens face à des augmentations qui tombent mal (Reportage)

07-06-2021

Après l’eau et les transports, c’est au tour du sucre et d’autres produits de base de voir leurs prix augmenter.  Un nouveau coup dur pour les Tunisiens qui voient leur pouvoir d’achat diminuer de jour en jour. Le gouvernement a finalement franchi la pas et a touché aux produits subventionnés…

Selon Hichem Mechichi, il s’agit là d’une décision inévitable et déjà prévue en 2018, mais reportée pour des raisons électoralistes.  De son côté, l’UGTT s’est dite, ce lundi, surprise par ces augmentations, qui traduiraient une bêtise politique, selon son Secrétaire Général.

Chez les Tunisiens, la colère monte petit à petit… Sur les réseaux sociaux les critiques envers le pouvoir ne cessent d’alimenter les commentaires. La classe moyenne suffoque, la pauvreté se fait de plus en plus de place dans les ménages. Que pensent-ils de ces augmentations ? Quelle est leur vision pour l’avenir du pays?

Nous sommes allés à leur rencontre sur l’Avenue Habib Bourguiba à Tunis.

Pour ce fonctionnaire de l’Etat, que nous avons croisé près de Bab Bhar, ces augmentations arrivent au mauvais moment, notamment avec la crise sanitaire. « Les Tunisiens sont déjà fragilisés par les conséquences économiques de la pandémie du Covid-19, que dire si on leur rajoute des augmentations des prix des produits de base destinés à la consommation familiale. Comment vont-t-ils s’en sortir ? », s’interroge-t-il.

Pour lui, appliquer les recommandations du FMI, en réformant le système de compensation, ne fera qu’appauvrir la classe moyenne, qui s’estompe d’une année à une autre.

« Ainsi, les écarts entre les différentes classes sociales se creuseront, les citoyens seront répartis entre riches et pauvres et les disparités sociales vont s’approfondir », ajoute ce passant.

D’autre part, l’inflation a rendu certains Tunisiens nostalgiques de l’époque de l’ancien président Ben Ali, « où avec 10 dinars un citoyen moyen pouvait faire ses courses sans restrictions budgétaires… », nous lance un homme d’une soixantaine d’années.

Selon lui, la corruption est derrière le surendettement de l’Etat. « D’ailleurs, le président de la république qui nous parle souvent de ce sujet doit intervenir pour arrêter ce fléau, à cause duquel,  nous nous sommes retrouvés au bord du gouffre », recommande-t-il 

Un autre interlocuteur qui partage le même avis nous a confié qu’il se sentait avant en sécurité, et capable de gérer sa famille aisément. « Maintenant, même les médicaments ont doublé de prix durant cette dernière décennie. C’est devenu invivable », regrette-il, en soulignant que la situation économique va empirer pour les générations à venir avec les nouvelles annonces.

 « Je m’inquiète notamment pour mes filles, qui auront sans doute des difficultés financières dans le futur avec ces prix qui ne cesseront pas d’augmenter », nous dit-il avec un air pessimiste.

Pour lui, les partis politiques sont responsables de cette pression quotidienne que subissent les citoyens, à cause des difficultés de la vie… »Ils passent leur temps à chamailler, et à tirer profit. Ils n’ont appliqué ni leurs programmes électoraux, ni les décisions qui devraient sauver les Tunisiens d’une éventuelle crise aiguë ».

A cet effet, nous avons donné la parole d’un jeune trentaine d’années.

Conscient des conséquences de la crise politique sur les décisions du FMI concernant la Tunisie, il a indiqué que les gouvernements qui se sont succédé depuis 2014, sont derrière cette mauvaise gestion des entreprises publiques.

« Ces recommandations datent depuis quelques années, et aucun gouvernement n’a eu le courage de les appliquer, jusqu’au jour où le FMI n’a plus confiance en l’Etat qui n’a pas tenu ses promesses », analyse-t-il.

Selon lui, le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, s’est retrouvé dans cette situation peu enviable, à cause de ses prédécesseurs qui ont reporté les réformes à des dates ultérieures, jusqu’au moment où la Tunisie devrait inévitablement appliquer ces lourdes augmentations.

« Il est vital pour le pays d’aller dans ce sens, pour regagner la confiance des autres pays, qui souhaitent aider la Tunisie à s’en sortir avec des prêts malheureusement », explique-t-il.

Les personnes vivant dans la précarité vivront mal ces augmentations successives.

C’est le cas d’une femme dont le conjoint souffre d’un handicap, qui peine à finir le mois étant au chômage et ne bénéficiant que d’une aide mensuelle de 180 dinars de l’Etat. Cette dame, nous a confié qu’elle peine à trouver de quoi manger, et cela tous les jours.

« Les hommes au pouvoir sont occupés par leurs intérêts. Ils s’enrichissent toujours plus, au détriment des pauvres. J’appelle le gouvernement à écouter le peuple, qui commence à avoir faim, avec la flambée du coût de la vie dans le pays », nous lance-t-elle avec beaucoup d’amertume.

Reportage réalisé par Emna Bhira et Wissal Ayadi