Tunisie : La loi de finances 2024 principal texte de la rentrée parlementaire

04-09-2023

Moins d’un mois nous sépare de la fin des vacances parlementaires et donc de la reprise des activités des députés. Pour autant, l’agenda politique de cette deuxième session, depuis leur élection en décembre 2022, n’est pas encore tout à fait clair.

Pour faire le point, Moez Attia, figure de la société civile et chroniqueur politique revient sur les grands axes qui attendent les parlementaires à partir du mois de septembre, ainsi que sur les fonction de cette assemblée.

Moez Attia

Bilan de la première session

La première session parlementaire de la nouvelle assemblée élue en décembre 2022, n’a pas vraiment brillé par son efficacité. Peut-être, faute de temps, puisque que celle-ci n’aura duré que quelques semaines (du 13 mars au 1er août).

En matière législative, l’Assemblée aura tenu 07 séances plénières au cours desquelles elle a entériné neuf projets de loi. Au sujet du contrôle, l’Assemblée aura tenu trois plénières de dialogue, avec 173 questions écrites adressées aux membres du gouvernement.

D’après Moez Attia, les députés ont perdu beaucoup trop de temps sur la fonctionnement de l’Assemblée. « Les députés ont perdu beaucoup de temps sur l’adoption du règlement intérieur de l’assemblée et aussi pour mettre en place les commissions parlementaires. Il faut savoir que la majorité des lois qui ont été adoptées concernent essentiellement des crédits octroyés par des pays ou des structures financières, ne nécessitant pas vraiment de longs débats », nous dit-il.

La loi de finances 2024, premier gros dossier de la rentrée parlementaire

Pour cette nouvelle session de la rentrée, les projets de loi qui seront examinés ne sont pas encore établis. « Nous n’avons pas une visibilité claire sur les grands projets de loi qui seront examinés à la rentrée ou durant  cette nouvelle année », souligne-t-il.

« Même en discutant avec les députés en place, il n’est pas possible d’avoir une vision claire sur l’agenda législatif de cette rentrée. Le nombre important de représentations politiques, qui sont, pour la plupart, des députés indépendants, ne permet pas de nous donner un schéma clair sur le programme des lois. Tout cela dépendra de la volonté du gouvernement dont les souhaits seront soumis à ce parlement », ajoute-t-il.

D’après Moez Attia, le premier projet de loi important qui déterminera les priorités du président sera l’examen de la loi de finances 2024. En effet, d’après la Constitution, le projet de loi devra être soumis à l’Assemblée au plus tard le 15 octobre, pour une adoption définitive le 10 décembre. Pour autant, Attia rappelle qu’elle devra également passer devant la deuxième chambre, comme le prévoit la constitution de 2022.

Ainsi, la question qui se profile en décembre prochain concerne l’approbation potentielle de ce projet de loi en l’absence d’une élection et d’une installation de l’Assemblée nationale des régions et des districts d’ici cette date. En effet, la constitution de 2022 a instauré un système législatif bicaméral partagé entre l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et le conseil national des régions et des districts (CNRD).

Selon l’article 81 de cette constitution, « Le Conseil national des régions et des districts est composé de députés élus représentant les régions et les districts. » En ce qui concerne les compétences de ce conseil, l’article 84 de la constitution énonce que « Les projets liés au budget de l’État ainsi qu’aux plans de développement régionaux, districtaux et nationaux doivent obligatoirement être soumis au Conseil national des régions et des districts afin d’assurer un équilibre entre les régions et les districts. Les lois budgétaires et les plans de développement ne peuvent être approuvés que par une majorité des membres présents dans chaque chambre, à condition que cette majorité ne soit pas inférieure au tiers des membres de chaque chambre. »

En l’absence du CNRD, l’article 169 du règlement intérieur de cette institution, adopté le 28 avril 2023, stipule que : « l’Assemblée des représentants du peuple émet une loi qui régit les relations entre elle-même et le Conseil des régions et des districts. L’Assemblée des représentants du peuple exerce les pouvoirs du Conseil des régions jusqu’à sa mise en place. » Par conséquent, conformément à ce règlement, les plans de développement et la loi de finances ne peuvent être approuvés que par le biais de l’ARP.

« Ce qui est important c’est de se focaliser sur les grandes réformes économiques et sociales, car la vraie urgence est là. Et sur cette question, les points de vue divergent, notamment sur le sujet du programme de financement du fonds monétaire international », affirme Moez Attia.

Une assemblée sans pouvoir

Si le Parlement, aura toujours la fonction de l’examen et de l’adoption des lois, ses pouvoirs n’en sont pas moins restreints par rapport à l’ancien. « D’abord le gouvernement n’est plus soumis au vote de confiance, ni au contrôle du parlement. Ainsi, les leviers tels que le retrait de confiance, les sanctions ne sont plus de rigueur et même les motions de censure sont très difficiles à obtenir car la majorité doit être atteinte au sein des deux chambres. Ainsi, il n’y a plus d’autorité parlementaire sur le gouvernement », relève Attia.

Enfin, en ce qui concerne la mise en place de la Cour constitutionnelle qui tarde à venir, ce dernier estime qu’aucune raison ne justifie ce retard. « Ceci nous pousse à croire que finalement le pouvoir n’aurait pas besoin de cette institution pour juger de la constitutionnalité des projets de loi et des décisions du pouvoir exécutif. On nous dit qu’elle sera mise en place après l’élection de la deuxième chambre parlementaire, or il n’y aucun lien entre les deux institutions », conclut-il. 

Wissal Ayadi