Sueur à Sciences Po Tunis : Les constitutions française et tunisienne vont dans le même sens !
L’institut des études politiques (Sciences Po Tunis) a organisé hier soir, mercredi 27 février, au campus de l’université européenne de Tunis, une conférence-débat sur le thème « Parlement au cœur de la démocratie », avec la participation du sénateur Jean Pierre Sueur*, ancien ministre et président du groupe d’amitié Tunisie-France au sénat.
«Le parlement au cœur de la démocratie»
Jean Pierre Sueur s’est exprimé au sujet des régimes politiques parlementaires, en précisant qu’il tient toujours à la pensée de Montesquieu, sur la séparation des pouvoirs. « Il n’y a de démocratie, que s’il y a une séparation entre le pouvoir judiciaire, législatif et exécutif. Par ailleurs, le parlement n’a de sens que s’il y a de l’indépendance par rapport au pouvoir exécutif, représenté par le président, le premier ministre et le gouvernement ».
Sueur a rappelé que « nul n’est censé ignorer la loi, et nul ne peut connaitre toutes les lois », d’où le rôle important des députés parlementaires de faire connaitre les droits et les devoirs des citoyens, surtout que dans certaines constitutions, il s’agit d’un millier de textes, comme dans le cas de la constitution de la République Française.
Il a aussi souligné qu’il faut définir le champ d’exercice de la loi, car la constitution ne peut pas contenir tous les textes juridiques, d’où l’importance du recours aux décrets, arrêtés, et textes réglementaires mis en place par le parlement.
Par ailleurs, l’ancien ministre a insisté sur le rôle du parlementaire, qui est à la fois législateur et très souvent dans beaucoup de pays, il est aussi le représentant d’un territoire, ce qui est le cas en France où chaque député a une circonscription, s’il arrive à réunir la majorité des suffrages d’une région précise.
Au sujet du seuil électoral, qui est en débat aujourd’hui en Tunisie, Sueur a expliqué que ce système fera de l’élu député un simple représentant d’un parti politique, et non pas un représentant d’une région ou d’un gouvernorat, ce qui causera aussi une rupture avec la réalité.
D’autre part, il a affirmé qu’il préfère le système proportionnel, qui a l’avantage de représenter tous les courants et les opinions, malgré l’inconvénient de ne pas avoir une majorité, ce qui ne facilitera pas la tâche pour le gouvernement.
La constitution de la république française et la constitution tunisienne vont dans le même sens, ajoute-t-il, en s’attardant sur les lois fondatrices de la constitution française établies depuis 1789, et qui sont toujours en vigueur ; comme la loi de 1881 relative à la liberté de la presse, la loi 1901 relative aux associations grâce à laquelle la France a créé une société civile solide composée de 1 400 000 associations. Il s’en suit la loi 1905 sur la laïcité et la séparation des Eglises de l’Etat, qui exige à l’Etat de n’imposer aucune religion, de respecter toutes les religions, et ceux qui n’ont pas de religion également.
Au sujet de l’affaire Ben Alla
Au sujet de l’affaire Benalla, l’adjoint au chef du cabinet de l’Elysée, Sueur a noté que le Sénat a décidé de mettre en place une commission d’enquête parlementaire pour investiguer, une autre commission a été par ailleurs créée à l’assemblée nationale.
Cette deuxième commission parlementaire n’a pas pu fonctionner convenablement parce que la majorité des députés de l’assemblée est tellement liée au président du gouvernement, que les députés n’ont pas pu être objectifs ou indépendants sur la question, expliqua-t-il.
En revanche, au sénat, un rapport de 600 pages a été publié sur l’affaire, et sur « les actes graves » qu’a commis Benalla, ce qui a engendré « des conséquences en chaine sur tout l’appareil de l’Etat ».
Sueur a déclaré aussi que « le rapport n’a pas fait plaisir au pouvoir exécutif, mais « c’est la démocratie, et il n’y a de démocratie, que si le parlement est libre d’appliquer la loi, et si le parlement contrôle le gouvernement ».
Interrogé sur le sujet des gilets jaunes, le sénateur a exprimé sa méfiance de la démocratie des sondages, en recommandant aux manifestants de désigner d’abord leurs représentants, pour que l’Etat puisse prendre en compte leurs revendications.
En réponse aux revendicateurs des gilets jaunes qui proposent de donner le pouvoir au peuple à travers un référendum, Sueur a répliqué que l’Etat ne peut pas gouverner par referendum. « C’est trop simpliste, surtout lorsqu’il s’agit des lois sur les impôts, ou les dépenses publiques qui contiennent plusieurs articles, qui exigent la révision et la synthèse et l’analyse des avantages et inconvénients par les députés des parlements ».
Jean Pierre Sueur a révélé aussi, qu’il n’est pas partisan des partis religieux, en confirmant qu’il est important que des personnes de différentes confessions appartiennent à un même parti, si on souhaite réaliser la justice, l’égalité des droits et la paix.
Emna Bhira
*Ancien ministre des collectivités locales, chargé des communes, départements et régions, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel et du règlement et d’administration générale au sénat, ancien maire d’Orléans, et président du groupe d’amitié Tunisie-France au sénat.